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TECHNIQUE

Publié le 02/04/2015

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technique

TECHNIQUE_________________

Nous vivons dans un monde technique ; cela signifie pour nous que certains éléments de ce monde ne sont pas perçus comme donnés avant l'homme, et qu'ils participent à cette modalité d'appropriation de la nature que l'on nomme culture ; la technique est ce savoir-faire codifié dans nos gestes et signifié dans les objets qui nous entourent, comme autant de propriétés qui les distinguent. D'où un double problème : quel est le rapport de la technique à la nature, quelle est sa relation au savoir scientifique ?

1- Chez les Anciens, la technique (technè) inclut aussi bien l'architecture que la médecine et la rhétorique. Le terme désigne le système organisé et codifié des gestes et des règles opératoires qu'ils ont intériorisés, et qui permettent de reproduire indéfiniment l'analogon de l'objet ou de l'effet concerné. Elle est savoir poétique (de poein = faire) par opposition au savoir théorique qui laisse intact son objet et au savoir pratique qui vise la perfection (morale et politique) de l'agent ; elle est cause extérieure à son objet par oppo­sition à l'immanence de la nature. Le développement de la physique renverse ces déterminations : la technique ne s'oppose plus pour Descartes à une science qui a pour but de nous rendre « maîtres et possesseurs de la nature «, ni dans le fond à une nature dont l'action qui s'accomplit par figure et mouvement ne diffère pas qualitativement de celle de ces machines simples que sont les leviers, les plans inclinés, etc. Dès lors apparaît la définition classique de la technique comme « application de la science «.

2. Une telle définition fait oublier la rationalité propre et irréductible du monde technique. La science n'est pas avant la technique : non seulement dans certains univers culturels elle se développe sans elle, mais on s'aperçoit que même dans notre univers culturel, sa relation à la science est complexe. Huygens construit une horloge à balancier parce qu'il pose que les oscillations d'un pendule simple sont isochrones, ce qu'il ne peut vérifier que par la mesure précise que permet son horloge. La science dépend de la technique autant que la technique dépend d'elle : le télescope, le microscope provoquent des révolutions scientifiques et la physique

atomique est impossible sans la construction d'instruments complexes. La technique possède une histoire qui lui est propre : la locomotive à vapeur n'est pas le pur produit de la thermodynamique, elle a pour ancêtre le rouet, dont la roue entraînée par un bras de levier fixé sur le rayon, donne un modèle de transmission du mouvement. Les objets techniques existent de façon autonome, un peu comme les oeuvres d'art (cf. Simondon, Du mode d'existence des objets techniques, 1958). Mais la technicité qu'on peut concevoir comme l'intégration des diverses fonctions d'un même objet (ex.: les ailettes d'une turbine de centrale hydro-électrique construites de façon à renforcer la résistance de la turbine) n'est jamais un but en soi : elle est toujours normée par ses possibilités d'insertion dans une société donnée (ainsi une découverte technique peut n'être pas exploitée si elle revient trop cher ; on peut techniquement construire des voitures plus rapides, mais se pose le problème de la sécurité, de la consommation en carburant, etc.).

 

N'étant jamais une fin en soi, l'objet technique n'est jamais isolé, et ne prend son sens que de la totalité cultu­relle, constituée en ensemble de techniques. Peut-on dès lors refuser l'analyse de Marcuse (L'Homme unidimensionnel) qui, prenant acte de ce que notre pensée est une pensée technique et de ce que notre technique témoigne du capita­lisme industriel, affirme que la forme même de notre rationa­lité est liée à l'exploitation de l'homme par l'homme ?

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