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les acheteurs n'en savent pas davantage, à moins d'être gymnastes ou médecins.

Publié le 22/10/2012

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les acheteurs n'en savent pas davantage, à moins d'être gymnastes ou médecins. De même ces gens qui colportent les connaissances de ville en ville, en gros ou en détail, à qui en désire : ils vantent tout ce qu'ils vendent, alors qu'il s'en trouve peut-être qui ignorent ce qui est bon et ce qui est mauvais pour l'âme, et les acheteurs ne le savent pas davantage, à moins de se trouver experts en médecine de l'âme. Donc s'il se trouve que, toi, tu sais ce qui s'y trouve de bon et de mauvais, tu peux sans danger acheter des connaissances chez Protagoras ou chez tout autre ; sinon, prends garde à ne pas risquer sur un coup de dés le sort de ton bien le plus précieux. Car le risque est même beaucoup plus grand quand on achète des sciences que quand on achète des aliments. Aliments et boissons achetés au négociant ou au commerçant peuvent être emportés dans des récipients, que l'on peut déposer chez soi avant que le corps les absorbe en mangeant et en buvant, et il est loisible de convoquer quelqu'un qui sait ce qui est mangeable ou buvable et ce qui ne l'est pas, en quelle quantité et à quel moment, de sorte que l'achat ne comporte pas grand risque. Or les connaissances, on ne peut les emporter dans un récipient à part ; mais sitôt payé, le savoir est accueilli et mis dans l'âme, et quand on s'en va, le bien ou le mal est fait. Protagoras, 3 1 2c-3 1 4b 2. UN SOPHISTE DÉFINIT SON ART [PROTAGORAS-SOCRATE] — P. Je soutiens pour ma part que l'art sophistique est ancien, mais que ceux des Anciens qui l'ont pratiqué, craignant ce qu'il a d'importun, se sont fait un prétexte et un masque ; les uns, la poésie : Homère, Hésiode, Simonide ; d'autres, tels Orphée et Musée, les initiations et les prophéties ; j'en vois même certains qui ont choisi la gymnastique, comme Iccos de Tarente et ce sophiste contemporain qui ne le cède à aucun autre, Hérodicos de Sélymbrie, ci-devant de Mégare ; c'est de la musique qu'a pris prétexte votre compatriote Agathocle, grand sophiste, de même Pythoclide de Céos et beaucoup d'autres. C'est par crainte de l'envie, j'y insiste, que tous ces hommes se sont fait un masque de ces techniques. Mais pour ma part, je ne partage pas leur point de vue là-dessus, car j'estime qu'ils n'ont pas atteint la fin qu'ils visaient : leurs déguisements ne les ont pas dissimulés aux regards de ceux auxquels ils prétendaient se dérober, ceux qui exercent le pouvoir dans les États ; car la foule, elle, autant dire qu'elle ne s'aperçoit de rien : elle célèbre ce que ceux-ci proclament. Or celui qui cherche à se dérober, n'y parvient pas et se fait démasquer, commet une grande folie : il est inévitable que les gens lui en veuillent encore davantage, car ils lui font en plus grief de fourberie. Aussi, pour ma part, j'ai pris la direction opposée : je reconnais que je suis un sophiste et que j'éduque les gens ; reconnaissance plutôt que dénégation, la précaution est à mes yeux plus sûre ; quelques autres précautions m'ont permis de n'avoir pas à souffrir de reconnaître que je suis un sophiste. [...] Hippocrate, en venant me trouver, n'aura pas à craindre ce que lui aurait fait subir la fréquentation de quelque autre sophiste ; car les autres maltraitent les jeunes ; contre leur gré, ils les poussent aux savoirs techniques qu'ils fuyaient, en leur enseignant calcul, astronomie, géométrie, musique — en disant cela, il lançait un coup d'oeil en direction d'Hippias — tandis qu'auprès de moi il ne trouvera d'autre enseignement que celui qu'il est venu chercher. Ce que j'enseigne, c'est le bon conseil en matière d'affaires privées : celui qui permet de gérer au mieux sa propre maison — et en matière d'affaires publiques : celui qui permet de montrer par la parole et par l'action le plus d'efficacité dans les affaires de l'État. — S. Ai-je bien suivi ton propos : c'est de l'art politique que tu parles, et tu promets de former de bons citoyens ? — P. C'est cela même, Socrate : tel est l'engagement que je prends publiquement. Protagoras, 316d-317c et 318d-319a

« RHÉTORIQUE ET SOPHISTIQUE 91 les initiations et les prophéties; j'en vois même cer­ tains qui ont choisi la gymnastique, comme lccos de Tarente et ce sophiste contemporain qui ne le cède à aucun autre, Hérodicos de Sélymbrie, ci-devant de Mégare; c'est de la musique qu'a pris prétexte votre compatriote Agathocle, grand sophiste, de même Pythoclide de Céos et beaucoup d'autres.

C'est par crainte de l'envie, j'y insiste, que tous ces hommes se sont fait un masque de ces techniques.

Mais pour ma part, je ne partage pas leur point de vue là-dessus, car j'estime qu'ils n'ont pas atteint la fin qu'ils visaient : leurs déguisements ne les ont pas dissimulés aux regards de ceux auxquels ils prétendaient se dérober, ceux qui exercent le pouvoir dans les États ; car la foule, elle, autant dire qu'elle ne s'aperçoit de rien : elle célèbre ce que ceux-ci proclament.

Or celui qui cherche à se dérober, n'y parvient pas et se fait démas­ quer, commet une grande folie : il est inévitable que les gens lui en veuillent encore davantage, car ils lui font en plus grief de fourberie.

Aussi, pour ma part, j'ai pris la direction opposée : je reconnais que je suis un sophiste et que j'éduque les gens; reconnaissance plutôt que dénégation, la précaution est à mes yeux plus sûre; quelques autres précautions m'ont permis de n'avoir pas à souffrir de reconnaître que je suis un sophiste.

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] Hippocrate, en venant me trouver, n'aura pas à craindre ce que lui aurait fait subir la fréquentation de quelque autre sophiste ; car les autres maltraitent les jeunes ; contre leur gré, ils les poussent aux savoirs techniques qu'ils fuyaient, en leur enseignant calcul, astronomie, géométrie, musique - en disant cela, il lançait un coup d'œil en direction d'Hippias -tandis qu'auprès de moi il ne trouvera d'autre enseignement que celui qu'il est venu chercher.

Ce que j'enseigne, c'est le bon conseil en matière d'affaires privées : celui qui permet de gérer au mieux sa propre maison - et en matière d'affaires publiques : celui qui permet de montrer par la parole et par l'action le plus d'efficacité dans les affaires de l'État.

-S.

Ai-je bien suivi ton. »

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