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Alain: La force et le droit

Publié le 12/04/2005

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Chacun sent bien que la force ne peut rien contre le droit ; mais beaucoup sont disposés à reconnaître que la force peut quelque chose pour le droit [...]. Je suis bien loin de mépriser cet ordre ancien et vénérable que l'agent' au carrefour représente si bien. Et je veux remarquer d'abord ceci, c'est que l'autorité de l'agent est reconnue plutôt que subie. Je suis pressé ; le bâton levé produit en moi un mouvement d'impatience et même de colère ; mais enfin je veux cet ordre au carrefour et non pas une lutte de force entre les voitures ; et le bâton de l'agent me rappelle cette volonté mienne, que la passion allait me faire oublier. Ce que j'exprime en disant qu'il y a un ordre de droit entre l'agent et moi, entre les autres voyageurs et moi ; ou bien, si l'on veut dire autrement, un état de paix véritable. Si cet ordre n'est point reconnu et voulu par moi, si je cède seulement à une force évidemment supérieure, il n'y a ni paix ni droit, mais seulement un vainqueur, qui est l'agent, et un vaincu, qui est moi. Alain

L'ordre est une des notions cardinales de la vie humaine car aucune société ne saurait s'en passer. Aussi les réflexions sur ce thème ont-elles commencé dès les récits mythiques. Cet extrait d'Alain présente l'intérêt de distinguer, à partir d'un exemple courant, (l'agent de police), deux façons de commander, et, de ce fait, deux types d'obéissance. L'ordre implique un rapport entre des forces. Mais cette généralité ne suffit pas. Que l'un commande et l'autre obéisse ne nous dit encore rien d'essentiel. En effet, il s'agit de savoir si cette relation est conforme ou non au droit. L'agent qui règne au carrefour est-il vainqueur lorsqu'il provoque l'arrêt de l'automobiliste ? Ce dernier s'incline-t-il comme un vaincu face à son maître au terme d'un combat ? Comment obéir à une loi sans abdiquer sa volonté ? Le texte permet de répondre à ces sujets essentiels.  

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« dernières en soulignant la force des passions.

L'automobiliste pressé s'énerve vite et ne songe d'abord qu'à aller del'avant.

Le droit, dont l'agent est ici la figure vivante, s'oppose à l'immédiateté de son désir.

Fort de cet exemple,chacun peut aisément extrapoler et comprendre ce qui se passerait si des lois n'existaient pas.

« La lutte de forceentre les voitures » en donne un raccourci saisissant.

Thomas Hobbes, au XVIIe siècle, a forgé l'hypothèse d'unecondition naturelle des hommes pour décrire un état d'anomie (absence totale de lois).

Il en résulte que chacun vitdans la crainte permanente de l'agression d'autrui, et que cette « guerre de tous contre tous » est évidemmentinvivable.

Les passions doivent donc être canalisées par des règles communes que certaines personnes ont pourcharge de faire appliquer.

Deuxièmement, les lois sont intimement liées à l'idée d'ordre qui a toujours deux sens ; ladisposition et l'imposition.

Tel est bien le propre de la loi.

Elle ordonne à travers une série de mesures qui oriententles conduites, intimide et punit les récalcitrants grâce à la force qui l'accompagne.

Ainsi se déploie une véritableorganisation des rapports à l'intérieur de la société.

Alain l'indique en écrivant que le geste de l'agent ne relie passeulement deux personnes mais concerne toute la communauté des « autres voyageurs ».

Certains commandent envertu de leur fonction dans une situation que le droit a prévue.

Ceux qui obéissent le font en se conformant à cequ'exige leur place d'après les mêmes règles communes. Question 3 Pourquoi obéissons-nous aux lois ? II semble bien que la première expérience que nous fassions de celles-ci soit liéeà la crainte du châtiment qu'entraînerait leur transgression.

Que vaudrait un commandement non assorti de lapossibilité de sanctions ? Les passions ne se laissent pas aisément contraindre.

Toutefois, cette vision est troprestrictive.

L'exemple développé par le texte montre la superficialité de cette approche.

Comment faut-il alorsconsidérer la loi ? Est-elle uniquement l'instrument de l'utilité sociale ou peut-elle prétendre avoir une valeur moraleplus haute ?Le cas banal de l'automobiliste en colère indique que la loi entre aisément en conflit avec le désir individuel.

L'interditest éprouvé comme un obstacle dressé devant nos projets du moment.

II est tentant d'en déduire que seule lacrainte du gendarme nous fait obéir.

Il en résulte que si la loi est respectée, elle n'est jamais voulue ni aimée.

Cettethèse a été soutenue avec force par deux personnages de Platon dans La République.

Glaucon tente de persuaderSocrate de la vanité des discours glorifiant la justice.

Les louanges adressés à l'homme juste viseraient à dissimulerla supériorité de l'injustice.

La fable de l'anneau de Gygès illustre cette idée.

Gygès était un berger que le hasardd'un orage violent mit en possession d'un anneau lui permettant de devenir invisible à sa guise.

II ne tarda pas àcommettre de nombreuses exactions et finit par s'emparer du trône après avoir assassiné le souverain.

Ce contesouligne l'aspect tyrannique du désir lorsqu'il n'est pas freiné par la crainte de la sanction et Glaucon prétend qu'ilest identique chez tous.

Dès lors, nul n'est juste volontairement.

L'injustice apparaît bien plus profitable et personnene se retiendrait s'il était assuré de son impunité.

L'égalité, la réciprocité ne seraient acceptées que comme un pis-aller.

Adimante en déduit que l'homme averti, qu'il compare à un renard, fera toujours l'éloge des lois mais serainjuste dès que son mauvais coup lui semblera sans risque.La violence de ce propos présente l'intérêt de questionner radicalement les motifs de notre obéissance.

Sommes-nous forcément égoïstes en obéissant aux lois ? On pourrait répliquer que la loi est l'instrument d'un ordre profitableau grand nombre et à la paix civile.

Les penseurs grecs ne l'ont pas ignoré en identifiant le juste à l'utile.

Lessophistes, comme Protagoras, considèrent que l'ordre politique est conventionnel mais qu'il ne faut pas le condamnerpour autant.

Les hommes doivent être éduqués dans le cadre d'une cité dont la constitution modèle les conduit.

Ilss'intégreront ainsi à une communauté.

L'utilité n'échappe cependant pas à toute critique.

Sa valeur est relative et legrand nombre n'est pas en soi un bon critère.

Dans Gorgias, Calliclès soutient avec fougue que la loi civile est unartifice nuisible destiné à brider les natures bien douées et satisfaire les médiocres.

L'égalité est traitée de fiction etl'inégalité devient la marque de la vraie justice, celle qui exprime la puissance des désirs capables de commander.L'authenticité d'une loi de la nature l'emporterait sur les dispositions artificielles que prennent les cités en vue deleur utilité.La charge de Calliclès oblige à changer de registre.

Il faut montrer que la loi est bonne en elle-même.

Alain nous yaide en soulignant l'importance de la volonté.

L'automobiliste en colère finit par se raviser et découvre que lavolonté de l'agent est identique à la sienne.

Le commandement est d'abord reçu comme l'effet d'une puissanceétrangère puis compris comme l'expression d'un ordre que je veux également.

Que la loi puisse être voulue, et passeulement crainte ou désirée par calcul, modifie la situation.

Il y a une adhésion du sujet lui-même, il veut obéir àune loi qu'il fait sienne.

C'est la définition de l'autonomie.

Elle explique aussi que la loi puisse être aimée.

Lepatriotisme, qui est la vertu du citoyen, consiste à vouloir défendre l'indépendance de son pays.

Il doit être éclairépar la réflexion pour ne pas dégénérer en xénophobie ou en chauvinisme mais il ne saurait être écarté du rapport auxlois.

Socrate, emprisonné, refuse de s'évader pour ne pas désavouer l'esprit de sa cité.En conclusion, il nous est apparu que la sanction n'était pas le seul motif d'obéissance à la loi.

C'est même le plusbas de tous.

L'idéal de l'autonomie consiste à identifier la volonté rationnelle du sujet avec la rationalité de la loielle-même.

Mais cette valeur est très exigeante.

Elle demande un exercice constant de la raison tant sur le plan dela législation que sur celui de la formation des citoyens.. »

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