argumentation
Publié le 10/02/2013
Extrait du document
«
plaire, surprendre ou enchanter trouve son épanouissement dans les possibilit és po étiques, les
diff
érentes tonalit és que d éveloppe La Fontaine. Ainsi écritil dans la Pr éface des Fables en
1668 : « La v
érité a parl é aux hommes par paraboles ; et la parabole estelle autre chose que
l’apologue, c’est
àdire un exemple fabuleux, et qui s’insinue avec d’autant plus de facilit é et d’effet
qu’il est plus commun et plus familier ? » Il appara
ît donc que l’art de persuader parce qu’il prend en
compte le destinataire et son
émotion, am ène ce dernier à se saisir de la v érité conduite dans le texte.
Or, l’
écrivain est aussi un être de chair charg é d’une sensibilit é particuli ère, plus à m ême de mettre à
jour des ressentis partag
és par autrui. Et parce qu’il noue un pacte de lecture avec son destinataire, la
relation qui s’instaure entre eux a valeur de mod
èle et de r éflexion.
Le conte philosophique de Voltaire est une autre forme de l’argumentation indirecte qui provoque le
lecteur. Dans Candide, les rebondissements, les malheurs qui frappent le h
éros na ïf et vertueux, les
diverses formes de cruaut
é, de fanatisme, d’intol érance éclairent le lecteur. Il prend alors conscience
de l’absurdit
é du monde et partage avec l’ écrivain un regard ironique sur les travers des hommes et
des soci
étés. Les id ées sont les m êmes dans les contes et les œuvres plus « s érieuses » : ce sont les
m
êmes convictions sur la guerre, la soci été, le commerce, les arts, la politique dans Le Monde comme
il va et dans le Dictionnaire philosophique. Ce conte
était une forme possible pour un combat unique,
une forme parmi d’autres, toutes d
ériv ées de l’apologue, comme le dialogue, le roman, le th éâ tre ou la
lettre que d’autres philosophes des Lumi
ères ont utilis ées. Le conte chez Voltaire est dot é d’une
ambition militante et le militant est mu par ses passions pour acc
éder à une sorte de v érité universelle.
Voltaire luim ême n’a pris que peu à peu conscience du pouvoir de propagande que recelait cette forme. En laissant à l’écrivain la possibilit é d’ouvrir enti èrement sa conscience, cette forme a pris tous les degr és de l’ émotion qui travaillaient l’homme en train d’ écrire. C’est alors ces caract éristiques de l’ écriture voltairienne qui se m êlent à travers le registre ironique. Nous pourrions facilement supposer que toute l’œuvre ant érieure du philosophe avait port é en germe cette forme nouvelle et qu’il r éalisait l à son vœu le plus cher : gagner plus ais ément les esprits aux grandes causes qu’il d éfendait. La forme la plus aboutie de l’apologue est sans nul doute l’utopie, qui utilise la fiction narrative pour transmettre un syst ème de pens ée. Ce qui est en jeu dans l’ émotion à provoquer est naturellement r éalisable dans la fiction. Celleci est un voile, une v érité envelopp ée et cette signification oblique permet au lecteur de se saisir de cette v érité. En effet, elle contribue à le placer en lecture active et de ce fait, il est à m ême d’ épouser plus librement une cause. Car, par la fiction, il ne s’agit plus d’imposer des concepts mais de les partager avec la conscience de l’autre lisant. Ce dernier est alors capable de critique, de distance et de recul, le temps de lecture devient un instant f écond d’ échange intellectuel avec l’auteur. Si l’utopie d écrit un monde id éal ou effrayant, il est cependant enti èrement constitu é et plausible. Depuis Thomas More au XVI ème si ècle, l’utopie permet d’exprimer le r êve d’une soci été id éale ou ses peurs. On la retrouve dans la vision de la soci été aristocratique id éale de l’abbaye de Th élème (Rabelais), dans les « robinsonnades » du XVIII ème si ècle ou dans le Suppl ément au Voyage de Bougainville de Diderot quand elle se fait r êve de bonheur. L’apologue des Troglodytes (Montesquieu, Lettres Persanes) en esquisse les contours, le r êve du narrateur dans L’An 2440,r êve s’il en fut jamais de Louis S ébastien Mercier en donne un exemple structur é et Le Meilleur des mondes (Huxley) une vision plus effrayante. C’est dire donc qu’elle est enti ère d édiée à l’émotion, aux ressorts de l’affectivit é humaine. . »
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