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La connaissance scientifique

Publié le 12/06/2011

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scientifique

« Nous concevons d'abord le sage comme possédant la connaissance de toutes les choses, dans la mesure où cela est possible, c'est-à-dire sans avoir la science de chacune d'elles en particulier. Ensuite, celui qui est capable de connaître les choses difficiles et malaisément accessibles à la connaissance humaine, on admet que celui-là est un sage (car la connaissance sensible étant commune à tous les hommes est facile et n'a rien à voir avec la sagesse). En outre, celui qui connaît les causes avec plus d'exactitude, et celui qui est plus capable de les enseigner sont, dans toute espèce de science, plus sages. De plus, parmi les sciences, celle que l'on choisit pour elle-même et à seule fin de savoir est considérée comme étant plus vraiment sagesse que celle qui est choisie en vue de ses résultats. Enfin une science dominatrice est, à nos yeux, plus une sagesse que la science qui lui est subordonnée : ce n'est pas, en effet, au sage à recevoir des lois, c'est à lui d'en donner ; ce n'est pas lui qui doit obéir à autrui, c'est à lui, au contraire, que doit obéir celui qui est moins sage. « Tels sont donc, en nature et en nombre, les jugements qu'on porte d'ordinaire sur la sagesse et les sages. Or, parmi les caractè-res que nous venons de voir, la connaissance de toutes choses appartient nécessairement à celui qui possède au plus haut degré la science de l'universel, car il connaît, d'une certaine manière, tous les cas particuliers qui tombent sous l'universel. Ensuite, ces connaissances-là, je veux dire les plus universelles, sont, à tout prendre, les plus difficiles à acquérir pour les hommes, car elles sont les plus éloignées des perceptions sensibles. En outre, les sciences les plus exactes sont celles qui sont le plus sciences des principes, car celles qui partent de principes plus abstraits sont plus exactes que celles qui se tirent de principes plus complexes : l'arithmétique, par exemple, est plus exacte que la géométrie. Disons encore qu'une science est d'autant plus propre à l'enseignement qu'elle approfondit davantage les causes, car enseigner c'est dire les causes pour chaque chose. De plus, connaître et savoir pour connaître et savoir, c'est là le caractère principal de la science qui a pour objet le suprême connaissable : en effet, celui qui préfère connaître pour connaître choisira avant tout la science par excellence, et telle est la science du suprême connaissable ; or, le suprême connaissable, ce sont les premiers principes et les premières causes, car c'est grâce aux principes et à partir des principes que tout le reste est connu, et non pas, inversement, les principes par les autres choses qui en dépendent. Enfin, la science maîtresse, et qui est supérieure à toute science subordonnée, est celle qui connaît en vue de quelle fin chaque chose doit être faite, fin qui est, dans chaque être, son bien, et, d'une manière générale, le souverain Bien dans l'ensemble de la nature. «

ARISTOTE, La Métaphysique, Vrin.

« Le fait essentiel dont il convient de partir est qu'aucune connaissance, même perceptive, ne constitue une simple copie du réel, parce qu'elle comporte toujours un processus d'assimilation à des structures antérieures. « L'importance de la notion d'assimilation est double. D'une part, elle implique, comme on vient de le voir, celle de signification, ce qui est essentiel puisque toute connaissance porte sur des significations (des indices ou signaux perceptifs, si importants déjà au niveau des instincts jusqu'à la fonction symbolique des anthropoïdes et de l'homme, sans parler des abeilles et des dauphins). D'autre part, elle exprime ce fait fondamental que toute connaissance est liée à une action et que connaître un objet ou un événement, c'est les utiliser en les assimilant à des schèmes d'action. « Connaître ne consiste, en effet, pas à copier le réel mais à agir sur lui et à le transformer (en apparence ou en réalité), de manière à le comprendre en fonction des systèmes de transformation auxquels sont liées ces actions. « Pour connaître les phénomènes, le physicien ne se borne pas à les décrire tels qu'ils apparaissent, mais il agit sur les événements de manière à dissocier les facteurs, à les faire varier et à les assimiler à des systèmes de transformation logico-mathématiques. On dira qu'il les décrit à nouveau ainsi mais plus profondément et que la mathématique n'est pour lui qu'un langage. Mais elle est beaucoup plus, puisque seule elle lui permet de structurer le réel et de déduire les phénomènes sans se borner à les constater : or, elle les déduit au moyen d'opérations et de transformations ("groupes", "opérateurs", etc.) qui sont encore des actions, mais exécutées mentalement ; et ces actions sont même si importantes que le moindre fait physique ne peut être atteint et formulé que grâce à des cadres logicomathématiques (fonctions, etc.) qui l'enrichissent en le rendant assimilable à l'esprit. «

Jean PIAGET, Biologie et connaissance, Idées, Gallimard.   

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