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Le fond et la forme.

Publié le 11/05/2011

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De toutes les connaissances humaines, on sait que l'Analyse pure est la plus immatérielle, la plus éminemment logique, la seule qui n'emprunte rien aux manifestations des sens. Beaucoup en concluent qu'elle est, dans son ensemble, la plus méthodique et la mieux coordonnée. Mais c'est erreur. Prenez un livre d'Algèbre, soit didactique, soit d'invention, et vous n'y verrez qu'un amas confus de propositions dont la régularité contraste bizarrement avec le désordre du tout... Que si vous rencontrez une méthode, une liaison, une coordination, tout cela est faux et artificiel. Ce sont des divisions sans fondement, des rapprochements arbitraires, un arrangement tout de convention. Ce défaut pire que l'absence de toute méthode arrive surtout dans les ouvrages didactiques, la plupart composés par des hommes qui n'ont pas l'intelligence de la science qu'ils professent. Tout cela étonnera fort les gens du monde, qui en général ont pris le mot Mathématique pour synonyme de régulier. Toutefois, on sera étonné si l'on réfléchit qu'ici comme ailleurs la science est l'oeuvre de l'esprit humain, qui est plutôt destiné à étudier qu'à connaître, à chercher qu'à trouver la vérité. En effet on conçoit qu'un esprit qui aurait puissance pour percevoir d'un seul coup l'ensemble des vérités mathématiques non pas à nous connues, mais toutes les vérités possibles, pourrait les déduire régulièrement et comme machinalement de quelques principes combinés par des méthodes uniformes; alors plus d'obstacles, plus de ces difficultés que le savant rencontre dans ses explorations. Mais il n'en est pas ainsi; si la tâche du savant est plus pénible et partant plus belle, la marche de la science est moins régulière : la science progresse par une série de combinaisons où le hasard ne joue pas le moindre rôle; sa vie est brute et ressemble à celle des minéraux qui croissent par juxtaposition... En vain les analystes voudraient-ils se le dissimuler : ils ne déduisent pas, ils combinent, ils comparent; quand ils arrivent à la vérité, c'est en heurtant de côté et d'autre qu'ils y sont tombés. GALOIS.

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