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Imaginez un dialogue entre un admirateur et un détracteur de Voltaire

Publié le 10/02/2012

Extrait du document

voltaire

M. DuRAND. - Celui qui mena, il y a 150 ans, l'infernal combat contre

nos croyances, armature nécessaire a la moralité publique et privée, est

un criminel, et je m'étonne que partout nos rues, nos boulevards, nos places,

s'adornent du nom de cet insigne malfaiteur.

M. DuPONT. - Continuez, Monsieur Durand ! J'aime à vous voir chevaucher

le dada de vos pieux ancêtres, et partir pour la croisade antivoltairienne.

Mais, attention ! vous pourriez, comme l'illustre don Quichotte, vous

faille happer par les moulins à vent que vous allez pourfendre.

voltaire

« empruntez à Voltaire les armes que vous retournez contre lui.

A preuve cette citation, pleine d'à-propos, ma foi! - Allons, redites vos arguments cent fois entendus, et cent fois réfutés.

La patience et la longanimité siéent à un notaire.

- Merci, tabellion magnanime! Je prétends donc que tout homme - M.

Taine l'a brillamment démontré - est, plus ou moins, et à son insu, le produit de sa race, de son milieu, de son époque et qu'en bonne justice vous ne sauriez reprocher à celui que vous vous entêtez à nommer Arouet, mais que les siècles appelleront Voltaire, d'avoir été un Français, un bour­ geois parisien du xvin• siècle, semblable - au génie près - à ses contem­ porains.

- Je le lui reproche moins que je ne le déplore.

- Déplorez ou reprochez, à votre gré, c'est là une excuse qui, si elle ne la justifie pas tout à fait, doit atténuer singulièrement sa responsabilité, à vos yeux, j'entends.

____.:, Je lui pardonnerais volontiers ses faiblesses, comme vous dites, s'il n'avait prétendu diriger l'opinion et se donner en modèle.

Un chef doit d',abord se.

respecter lui-même.

«Les Français, a dit La Bruyère, aiment le sérieux dans le souverain.» Votre «roi Voltaire» - êtes-vous content? - manque de sérieux et tourne en dérision tout ce qui est sérieux.

Et puis certaines faiblesses ne sont imputables ni à la race, ni au milieu, ni au siècle.

Je crois, moi, au libre arbitre, et le positivisme fataliste de M.

Taine qu:i nous ravale au rang de la bête ou de la machine, me répugne.

Ce char­ latan --:- je par.le de Voltaire ,---- a érigé Je mensonge en système.

Mentir à bouche-que-veux-tu, se démentir, àccuser les autres de mensonge, d'im­ posture, d'hypocrisie; crier à la calomnie, à la trahison, renier ses propres œuvres et en attribuer la paternité à quelqu'un de ses amis; salir ce qu'il savait être propre, comme notre héroïne nationale, insulter Dieu, Je Christ, son Eglise, et s'en aller - pour le bon exemple - faire dévotement ses Pâques, pareilles abominations .ne méritent aucune indulgence et ne sau­ raient être rejetées sur le.

siècle ...

- Quelle sévérité, grand Dieu! ...

Il faut être indulgent pour être juste et connaître tous les éléments du procès pour condamner.

A mon tour, j'accuse.

J'accuse une éducation où l'amour de la vérité ne tient pas, à mon sens, la place d'honneur qu'il mérite.

Parmi les maîtres de Voltaire il en était, .comme au temps de Pascal, « de bien subtils », docteurs accom­ modants aux riches pécheurs, cultivant en eau trouble l'équivo~ue et la restriction mentale.

Y .avez-vous songé, avant de porter un verdict impi- toyable et sans appel? · ----, Oui, .mon bon Monsieur Dupont.

Je me .suis même demandé si, à défaut des Jésuites de la légende, le parrain du petit collégien vicieux, abbé scandaleux, qui le conduisait chez la vieille Ninon, ne lui enseigna pas le pire des mensonges : le mensonge en a.ction.

On ment lorsqu~ par­ tant un habit vénérable, on le prostitue chez une courtisamr .décatie;- on ment quand on fait donner à un enfant une éducation religieuse et qu'on mène sous ses yeux une existence impie.

- Ne vous disais-je pas que de cette impiété tant reprochée il n'est pa~ responsable? Nous voila donc d'ae~ord.

sur ce point.

Mais du passif, pas­ sons à l'actif.

Ne vous rappelez-vous point le verS' fameux, fier et modeste, qui suffirait à laver mainte honte.: J'ai fait un peu de bien, c'est mon meilleur ouvrage? Souvenez-vous de la générosité, du désintéressement de cet égoïste.

II assiste­ de ses deniers un pauvre hère, comme Thiériot; il encourage nn génie mal­ heureux, comme Vauvenargues et sauve sa mémoire de l'oubli; il dote, au prix d'tin travail fastidieux, la petite-nièce de Corneille; il recommande à ses puissants aniis de paùvres gens méritants; il crée à Ferney des m,anu­ factures qui enrichissent un pays déshérité; il améliore les terres l?aysann.es.

Il fait face à tout, et écrivant, recevànt, jouant la comédie, il denonce 1~ abus de l'ancien régime; émule de Beccaria, il réclame une plus juste pro­ portion entre les délits et les peines, prend la défense du faible et de l'opprimé, élève hardiment la voix en faveur des Calas, des Sirven, des La Barre, des Lally-Tollendal, victimes d'erreurs judiciaires.

Les contem­ porains, émerveillés par l'activité bienfaisante du patriarche, honorent une vieillesse qui fait oublier ce qu'avait pu avoir de trouble une vie si remplie et si agitée.

L'unanimité se fait, lors de son retour triomphal.

Tout. »

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