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La littérature, pour quoi faire ?

Publié le 25/04/2011

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   Il était une fois la mère d'un philosophe dont les livres ont éclairé et modifié le destin des hommes et le mouvement des faits. Mais la mère de ce philosophe se lamentait de le voir griffonner tout le jour. « Karl aurait mieux fait d'amasser du capital plutôt que d'écrire un livre sur le Capital « disait en soupirant la mère de Karl Marx. Il y a dans ce regret naïf l'expression candide d'un étonnement, au fond assez général, qui pousse la plupart des hommes à se demander, quand il y a tant de choses pressantes, plaisantes et utiles à faire dans la vie, pourquoi, au lieu de vivre, les écrivains écrivent.    Il y a cet étonnement devant l'homme qui s'abstrait de la vie pour nous la restituer; qui dans une réclusion volontaire et quotidienne s'arrache aux êtres et à leur chaleur, au soleil et à son éclat, pour évoquer avec des mots les êtres, le soleil, la nature; l'homme qui renonce méthodiquement à être pendant une partie de sa vie pour imaginer ce qu'il est, et qui substitue enfin délibérément aux belles réalités où il est si bon de mordre, les artifices de l'illusion, du trompe-l'œil, de la fiction et de l'image. Oui, pourquoi les écrivains écrivent-ils? se demandent les écoliers paresseux et beaucoup de personnes raisonnables.    Un des premiers résultats de la bonne littérature, c'est peut-être de nous aider à guérir de la maladie première qui est de croire que nous sommes seuls à être comme nous sommes, seuls à nous sentir seuls. La consolation bourrue de la sagesse populaire qui nous tape dans le dos quand tout semble aller mal et qui nous dit bravement : « Si tu crois que tu es seul! « résume grossièrement, mais véridiquement, un des premiers effets de la littérature, qui est de nous arracher à l'illusion d'être les seuls à ne pas être naturels.    Il n'est pas naturel d'écrire ou de lire. Mais est-il naturel d'être?    Quand Eschyle ou Hugo, Shakespeare ou Balzac prennent la parole, et même ceux-là dont c'est surtout la souffrance et la faiblesse qui nous sautent aux yeux, Leopardi ou Proust, Rousseau ou Malcom Lowry, c'est d'abord un sentiment de force, et de contagion d'être, qui s'empare de nous. L'Ecclésiaste (1) et Tolstoï ont beau dire que la terre n'est qu'une vallée de larmes, ils le disent avec une énergie et une autorité vitale qui nous rendent énergiques et vivants. Pascal dit avec tant de force que l'homme est un roseau, qu'on sort de chez lui content comme un chêne. La littérature est toujours, même quand les écrivains expliquent comment ils se sentent mal et pourquoi il faut se sentir mal, une façon de se sentir mieux, une façon aussi de sentir mieux.    Claude Roy, Défense de la littérature.    Vous ferez d'abord, suivant votre préférence, soit un résumé soit une analyse de ce passage. Puis vous choisirez dans ce texte une question à laquelle vous attachez un intérêt particulier, vous en préciserez les données et vous exposerez vos propres vues sur le problème que vous aurez retenu.

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