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Le moi dans la création littéraire

Publié le 29/01/2011

Extrait du document

1 Etes-vous de l'avis de Chateaubriand lorsqu'il écrit : «Nous sommes persuadés que les grands écrivains ont mis leur histoire dans leurs ouvrages. On ne peint bien que son propre coeur, en l'attribuant à un autre ; et la meilleure partie du génie se compose de souvenirs.« (Génie du Christianisme, II, 1, 3.)

2 Que pensez-vous de ces lignes d'André Gide : «Quelle chose absurde cette crainte de parler de soi, d'intéresser à soi, de se montrer! Le besoin de macération de Flaubert lui a fait inventer cette fausse, cette déplorable vertu. Pascal blâme le parler de soi dans Montaigne, y voit une démangeaison ridicule, mais n'est jamais si grand que lorsque lui-même y cède malgré lui.« (Un Esprit non prévenu.)

3 Vous essaierez de montrer, par quelques exemples précis et soigneusement étudiés, dans quelle mesure on peut parler d'égotisme dans la littérature française. (CAPES, Femmes, 1953.) N.B. Extrait du rapport du Jury : «... L'égotisme est à la fois connaissance, culture et jouissance du moi. Sans prétendre imposer par ces trois mots un plan inévitable, on voudrait souligner que le développement eût gagné souvent à s'appuyer sur une analyse méthodique du concept. Au contraire trop de candidats ont pris le parti simpliste de consacrer, par exemple, une première partie à Montaigne, une seconde à Stendhal, une troisième à Proust. Un tel plan, ou plutôt une telle absence de plan conduisait fatalement à des redites et, au terme, à une conclusion artificiellement plaquée sur une juxtaposition de cas singuliers...«

4 Commentez ces lignes de V. Hugo : «On se plaint quelquefois des écrivains qui disent : moi. Parlez-nous de nous, leur crie-t-on. Hélas! Quand je parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas? Ah! Insensé, qui crois que je ne suis pas toi!« (Contemplations, Préface.)

5 Quelles réflexions vous suggèrent ces deux affirmations de Zola : «Si vous me demandez ce que je viens faire en ce monde, moi artiste, je vous répondrai : je viens vivre tout haut. Ma définition de l'oeuvre d'art serait, si je la formulais : une oeuvre d'art est un coin de la création vu à travers un tempérament.«

6 Sans vous interroger sur l'époque, ni sur l'auteur, ni sur les raisons qu'il pouvait avoir de soutenir cette position, examinez, dans une réflexion suivie qui s'appuie constamment sur l'analyse d'exemples choisis dans notre littérature, ces extraits de la préface de Frédéric, roman de Joseph Fiévée, publié en 1799 : «L'idée généralement reçue qu'un homme se peint dans ses écrits est une erreur accréditée par les écrivains médiocres. On entend dire partout : «L'auteur de tel ou tel ouvrage doit avoir une âme bien sensible.« Aussi voyons-nous dans les romans nouveaux des voleurs qui ne manquent pas de probité, des assassins qui sont philanthropes, et des scélérats qui versent des larmes de sensibilité. On brise tous les caractères pour faire ressortir le sien : on croit donner la mesure de son coeur, on ne donne que celle de son talent ; et presque toujours la mesure est petite. Un romancier et un auteur dramatique sont des peintres : ce n'est pas ce qu'ils sentent qu'ils doivent exprimer, c'est ce qui existe. [...] On n'imagine ni ne compose un personnage, et [...] quand on veut le présenter, on ne se met pas à sa place ; on le pose devant soi, et on le peint. Lorsque Vernet dessinait une tempête, il ne se mettait pas plus à sa place qu'Isabey ne se met à la mienne quand il fait mon portrait. [...] Cherchons la sensation que doit éprouver un auteur en travaillant. Je soutiens qu'on peut bâiller en peignant des caractères honnêtes, frapper du pied en faisant l'apologie de la patience, sourire à l'attitude d'un sot et se réjouir en saisissant la figure d'un scélérat. Le plaisir n'est dans l'ouvrage, tant qu'on travaille, qu'autant que l'exécution répond à nos désirs. [...] Si le public voulait perdre l'habitude de juger la moralité d'un écrivain par ses ouvrages, cela nous débarrasserait peut-être des phrases à contresens sur la sensibilité et d'apologies bien dangereuses de la morale et de la vertu.« (CAPES, Lettres modernes, Hommes, 1965.)

7 Quelles réflexions vous suggère cette pensée d'Alfred de Vigny : «Le mot de la langue le plus difficile à prononcer et à placer convenablement, c'est moi.« (Journal d'un Poète) (CAPES, Lettres classiques, 1970.)

8. Dans quelle mesure pouvez-vous, en recourant à des exemples précis, souscrire à ces réflexions de Paul Valéry : «Les auteurs de Confessions ou de Souvenirs ou de Journaux intimes sont invariablement les dupes de leur espoir de choquer ; et nous, dupes de ces dupes. Ce n'est jamais soi-même que l'on veut exhiber tel quel ; on sait bien qu'une personne réelle n'a pas grand-chose à nous apprendre sur ce qu'elle est H. La confidence toujours songe à la gloire, au scandale, à l'excuse, à la propagande«. (Variété II, «Stendhal«, texte publié en 1927 Gallimard.). (CAPES, Lettres classiques, 1970).

9 Que pensez-vous de cette opinion de Lucien Goldmann : «On peut dire que, lorsqu'il s'agit d'ouvrages philosophiques ou littéraires valables, ils embrassent nécessairement l'ensemble de la vie humaine, de sorte que les seuls groupes auxquels ces oeuvres peuvent être rattachées sont ceux dont la conscience et l'action tendent vers une organisation d'ensemble de la vie sociale, c'est-à-dire que tout au moins dans le monde moderne depuis le Mlle siècle, les oeuvres littéraires, artistiques et philosophiques se rattachent aux classes sociales et plus étroitement à la conscience de classe.« (Le Dieu caché, Gallimard, 1959.)

10 Albert Camus écrit dans Le Mythe de Sisyphe (Gallimard): «L'oeuvre d'art est la chance unique de maintenir sa conscience et d'en fixer les aventures.« Expliquez et commentez. (CAPET, toutes langues vivantes, 1967.)

11 Jean Rousset écrit : «L'artiste ne connaît pas d'autre instrument de l'exploration et de l'organisation de soi-même que la composition de son oeuvre.« (Forme et Signification, José Corti, 1962.) Expliquez et discutez.

12 Que pensez-vous de cette analyse de Jean-Pierre Richard sur le rôle de la sensation dans la création littéraire? : «C'est par la sensation que tout commence : chair, objets, humeurs composent au moi un espace premier, un horizon d'épaisseur ou de vertige. Là-dessus intervient la littérature : conscience active d'un moi projeté dans les choses, et qui poursuit sans fin son être dans l'aventure du monde et du langage. Au coeur du sensible l'écrivain va donc se tailler des chemins ; il éprouve des contacts, soupèse des densités, sonde des vides, tente des équilibres ou des déséquilibres. Il cherche en tous sens son paysage vrai. Quelquefois il le trouve, en soi et hors de soi, dans un objet ou bien dans une phrase : c'est ce qu'on nomme un bonheur d'expression.« (Littérature et Sensation, Le Seuil, 1954.)

13 Expliquez et discutez ces lignes de Lucien Goldmann : «Il nous semble qu'il n'y a création littéraire et artistique valable que là où il y a aspiration au dépassement de l'individu et recherche de valeurs qualitatives trans-individuelles. «L'homme passe l'homme«, avons-nous écrit en modifiant légèrement un texte de Pascal. Cela signifie que l'homme ne saurait être authentique que dans la mesure où il se conçoit ou se sent comme partie d'un ensemble en devenir et se situe dans une dimension trans-individuelle historique ou transcendante.« (Pour une sociologie du roman, Gallimard,1964.)

14 Expliquez et discutez cette analyse de Bernard Pingaud sur la création littéraire : «J'écris pour ne pas être pris. Et je veux bien que dans la vie, qui ne ressemble que de loin aux jeux de l'enfance, on ne soit jamais pris, sinon à l'instant mortel. Mais on pourrait l'être, et de façon bien pire que par la mort. Comment expliquer ceci? Rien ne m'oblige vraiment à parler. Il est même possible (et souvent je me dis : probable) que si je décidais enfin de me taire, c'est-à-dire de ne plus écrire, pas même un article, pas même un brouillon, pas même une note sur un carnet, de vivre tout simplement, comme font les gens à qui l'idée d'écrire n'a jamais effleuré l'esprit, l'ennemi se tairait aussi, cesserait de me poser son éternelle question muette. Mais nous sommes liés par cet étrange dialogue à une voix que nous poursuivons depuis des années : il m'attend et j'écris. J'écris parce qu'il m'attend, il m'attend parce que j'écris.« (Inventaire, Gallimard, 1964.)

« une organisation d'ensemble de la vie sociale, c'est-à-dire que tout au moins dans le monde moderne depuis le Mllesiècle, les oeuvres littéraires, artistiques et philosophiques se rattachent aux classes sociales et plus étroitement àla conscience de classe.» (Le Dieu caché, Gallimard, 1959.) 10 Albert Camus écrit dans Le Mythe de Sisyphe (Gallimard): «L'oeuvre d'art est la chance unique de maintenir saconscience et d'en fixer les aventures.» Expliquez et commentez.

(CAPET, toutes langues vivantes, 1967.) 11 Jean Rousset écrit : «L'artiste ne connaît pas d'autre instrument de l'exploration et de l'organisation de soi-mêmeque la composition de son oeuvre.» (Forme et Signification, José Corti, 1962.) Expliquez et discutez. 12 Que pensez-vous de cette analyse de Jean-Pierre Richard sur le rôle de la sensation dans la création littéraire? :«C'est par la sensation que tout commence : chair, objets, humeurs composent au moi un espace premier, unhorizon d'épaisseur ou de vertige.

Là-dessus intervient la littérature : conscience active d'un moi projeté dans leschoses, et qui poursuit sans fin son être dans l'aventure du monde et du langage.

Au coeur du sensible l'écrivain vadonc se tailler des chemins ; il éprouve des contacts, soupèse des densités, sonde des vides, tente des équilibresou des déséquilibres.

Il cherche en tous sens son paysage vrai.

Quelquefois il le trouve, en soi et hors de soi, dansun objet ou bien dans une phrase : c'est ce qu'on nomme un bonheur d'expression.» (Littérature et Sensation, LeSeuil, 1954.) 13 Expliquez et discutez ces lignes de Lucien Goldmann : «Il nous semble qu'il n'y a création littéraire et artistiquevalable que là où il y a aspiration au dépassement de l'individu et recherche de valeurs qualitatives trans-individuelles.

«L'homme passe l'homme», avons-nous écrit en modifiant légèrement un texte de Pascal.

Cela signifieque l'homme ne saurait être authentique que dans la mesure où il se conçoit ou se sent comme partie d'un ensembleen devenir et se situe dans une dimension trans-individuelle historique ou transcendante.» (Pour une sociologie duroman, Gallimard,1964.) 14 Expliquez et discutez cette analyse de Bernard Pingaud sur la création littéraire : «J'écris pour ne pas être pris.Et je veux bien que dans la vie, qui ne ressemble que de loin aux jeux de l'enfance, on ne soit jamais pris, sinon àl'instant mortel.

Mais on pourrait l'être, et de façon bien pire que par la mort.

Comment expliquer ceci? Rien nem'oblige vraiment à parler.

Il est même possible (et souvent je me dis : probable) que si je décidais enfin de metaire, c'est-à-dire de ne plus écrire, pas même un article, pas même un brouillon, pas même une note sur un carnet,de vivre tout simplement, comme font les gens à qui l'idée d'écrire n'a jamais effleuré l'esprit, l'ennemi se tairaitaussi, cesserait de me poser son éternelle question muette.

Mais nous sommes liés par cet étrange dialogue à unevoix que nous poursuivons depuis des années : il m'attend et j'écris.

J'écris parce qu'il m'attend, il m'attend parceque j'écris.» (Inventaire, Gallimard, 1964.). »

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