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Pétrone

Publié le 18/04/2012

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Pétrone entra dans le petit cercle des intimes de Néron, après avoir prouvé son intelligence et son amour des plaisirs en tant que gouverneur puis consul de Bithynie. L'empereur avait surnommé cet homme extravagant “ arbiter elegantiæ ”, l'arbitre des élégances, en raison de ses mœurs débauchées ; il conseillait la cour corrompue en matière de bon goût. On lui attribue la paternité du Satiricon, roman d'aventures en seize volumes, qui décrit avec cynisme et ironie les mœurs dissolues de la société néronienne. L'ouvrage relate les aventures de trois Romains : le narrateur Encolpe, son compagnon Ascylte et un jeune éphèbe dont ils se disputent les faveurs, Giton. Les trois amis parcourent l'Italie de festivités en méfaits. Pétrone mania avec virtuosité prose et poésie, pour décrire la société dépravée de son époque. L'épisode le plus complet qui ait survécu, le Dîner de Trimalchion, relate un banquet orgiaque chez un ancien esclave affranchi et prospère. L'hôte vêtu d'un costume grotesque apparaît dans toute sa médiocrité culturelle face à ses brillants invités. On suppose que le roman visait à ridiculiser Néron. Soupçonné d'avoir participé à la conjuration de Pison, Pétrone fut arrêté sur ordre de l'empereur et contraint au suicide. La légende veut qu'il se soit tranché les veines, puis lié les poignets pour mourir lentement. Tandis que le sang s'écoulait, il aurait festoyé une dernière fois avec quelques amis, tout en rédigeant un long document sur les vices et les hontes de Néron.      

 

« mystère! Et qu'il n'en subsiste que ce que nous en avons, c'en est un autre, car ce qui a disparu ne devait être que difficilement plus obscène que ce qui a été recopié par les moines au Moyen Age, ce n'est donc pas ·cela qui a été éliminé.

D'autre part, des épisodes comme la Matrone d'Ephèse ou le testament d'Eumolpe ont subsisté.

Or des chrétiens susceptibles auraient pu y trouver des plaisanteries sacrilèges.

Ce n'est pas non plus le latin vulgaire, le latin parlé, qui a été émondé.

Alors? Il est difficile d'admettre que ce soit l'œuvre d'un faussaire de la Renaissance, plus habile que Nodet et Marchena, rapidement démas­ qués lorsqu'ils voulurent mettre en circulation des Satyricon plus ou moins complets.

Si le Petronius Ar biter dont Tacite raconte la mort (Annales, XVI, 18-1 g) est bien l'auteur du Satyricon, ledit Satyricon n'est certainement pas le pamphlet qu'il écrivit après s'être ouvert les veines.

Sans aller jusqu'à penser (comme Bürger et Bloch, ce que je fais d'ailleurs) qu'il ne nous en reste que le trente­ cinquième, les plus opti~istes estiment qu'il nous manque au moins les deux tiers du Satyricon, ce qui rend peu vraisemblable que ce soit l'œuvre nocturne d'un homme qui se vide de son sang en préparant une vengeance posthume.

Il n'y a d'ailleurs là aucune difficulté : ce pamphlet, après tout, a fort bien pu exister, et d'autre part, comme l'a conjecturé M.

Ernout dans sa préface de l'édition des Belles Lettres : « Tacite a fait une énorme confusion », et c'est « par amour du pitto­ resque dramatique » qu'il a « attribué à la dernière nuit de Pétrone un roman depuis longtemps composé.

» Constamment, l'identification entre le Petronius Arbiter auteur du Satyricon, et C.

Petronius, l' « arbiter elegantiarum », l' « ami » et victime de Néron, est mise en question.

Pour le moment, il n'y a guère de raison de douter.

Ce C.

Petronius qui dormait le jour et vivait la nuit, ce débauché insouciant, ce consul énergique, ce « voluptueux raffiné » qui savoure sa propre mort et défie les puissants, -comme il devait mépriser le Néron, même lorsqu'il était bien en cour, -comment ne pas reconnaître en lui l'auteur du Satyricon? Il y a dans ce roman, l'un des plus grands de toutes les littératures, cette connaissance de l'homme qui ne s'apprend qu'à l'aube après la nuit passée dans les « mauvais » lieux avec des rencontres de carrefour, une connaissance de l'homme qui prouve une incessante et vorace curiosité envers les mœurs littéraires aussi bien qu'envers celles des B.

O.

F., pour les religions à mystères comme pour les histoires de fantômes, pour l'adminis­ tration des colonies romaines comme pour la législation sur les héritages chez les différentes nations (annonçant ainsi Montesquieu), une connaissance de l'homme qui s'exprime avec une grâce, une lucidité, une species simplicitatis comme dit Tacite, qui semble bien être le fait de l'ancien proconsul de Bithynie.

Auteur à l'identité incertaine d'une œuvre aux dimensions inconnues, au plan mystérieux et au sujet énigmatique, Pétrone est, comme Villon, un de ces écrivains merveilleux que l'on ne peut expliquer.

Plus fort il est fixé dans le temps et dans l'espace, plus libre il se montre.

Avec des histoires de voyous pédérastes, de prêtresses entremetteuses et de nouveaux riches orduriers, il accède d'emblée et sans conteste à la Littérature Universelle dont il demeure un des plus exaltants flambeaux.

RAYMOND QUENEAU de l'Académie Goncourt. »

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