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LA POESIE

Publié le 23/11/2010

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poesie

 Le mot poésie vient du grec « poiêsis« qui signifie création. Or toute création émane de son créateur . Le Poète puise dans ses expériences, ses ressentis pour écrire ses poèmes. Ceci est notamment visible dans la poésie lyrique où le « Je « est au centre de l'œuvre et où l'exaltation des sentiments du poète en est l'une des principales composantes. Nous pouvons nous demander quelles sont les raisons pour lesquelles la poésie est un genre propice à l'expression des sentiments du poètes. Se résume-t'elle à cela ?Nous tenterons de répondre en étudiant tout d'abord la place du lyrisme en poésie et les raisons pour lesquelles ce genre littéraire est propice à l'exaltation des sentiments. Nous verrons ensuite les autres buts de la poésie. Finalement nous nous interrogerons sur la place du « créateur « dans son œuvre et sur la nécessite de réduire la poésie à son seul enjeu. 

 

Le lyrisme en poésie occupe une place importante. Selon la phrase d'Alfred de Musset : « Ah frappe toi le cœur, c'est là qu'est le génie «, il est même l'une de ses principales composantes. Celui ci s'appuie sur des caractéristiques particulières : la musicalité, la forme versifiée ou non, le langage poétique mais aussi la place particulière du poète. 

La poésie, tirant ses origines du chant et de la musique, en a gardé la trace dans sa musicalité particulière. Celle-ci s'appuie sur des rythmes, des sonorités, qui peuvent être le reflet des sentiments de l'auteur. Un Poète qui utilisera des vers plutôt longs, tels les alexandrins ou les décasyllabes, peut vouloir exprimer de la langueur, de la mélancolie car il proposera aux lecteurs des pauses peu fréquentes. A l'opposé, les vers plus courts sont davantage associés à un sentiment léger. Dans Sagesse, Verlaine utilise des vers de 4 syllabes alternés à des octosyllabes, pour décrire la beauté d'un paysage regretté. De son côté, André Chénier alterne des octosyllabes avec des alexandrins lorsque qu'il exprime son désespoir face à sa condamnation à mort. Cette nuance se retrouve également dans les vers antiques avec l'utilisation de dactyles légers ou de spondées plus longs. D'autres procédés rythmiques interviennent : les enjambements entraînent des rythmes bancales et allongent les vers. Dans le poème « Angoisse « de Paul Verlaine l'abondance de ceux ci nous donne l'image d'un être balloté par les évènements, un peu désorienté. De nombreux autres éléments rythmiques se distinguent comme la place des mots dans le vers, les rimes, la ponctuation, l'absence de ponctuation mais également les sonorités. Dans un autre de ses poèmes, « Chanson d'automne « Verlaine écrit un vers fameux dont la mélancolie passe notamment par les assonances en « on « et « an « : « Les sanglots longs, des violons de l'automne blessent mon cœur d'une langueur monotone «. Tous ces procédés rythmiques, auxquels s'ajoute le langage poétique, offrent aux poètes des moyens variés d'exprimer leur sentiments. 

Si l'on se réfère à Arthur Rimbaud, le poète se doit de « trouver une langue « qui lui est propre. Le poète Paul Claudel accrédite cette idée par cette phrase : « Les mots que j'emploie, ce sont les mots de tous les jours et ce ne sont point les mêmes «. La réinvention du langage par l'utilisation de mots choisis et d'images accroît la subjectivité du poème. Dans « les Colchiques «, Apollinaire détourne la forme traditionnelle du blason amoureux pour nous offrir un poème élégiaque. Pour cela,il détourne les éléments du blason traditionnel grâce au langage : il compare Annie Playden à une fleur empoisonnée, aux sonorités disgracieuses et dont la couleur rappelle ses cernes, peu flatteurs. L'importance du choix des mots est flagrant notamment dans les haïku japonais qui ne se composent que de quelques vers. De plus l'utilisation d'images poétiques est fréquente, notamment grâce à des métaphores et des comparaisons. Elles peuvent permettre d'associer un sentiment à un élément concret. D'autres figures de style sont également utilisées : l'hypallage du poème « Derniers vers « de Chénier, « les murs effrayés «, accentue l'expression d'effroi du poète. Le langage poétique sert à l'expression des sentiments du poète, par la richesse de ses images, de ses sonorités et par la singularité d'un style spécifique à l'auteur. 

Cependant la poésie ne peut se résumer à sa forme , à un enchaînement de jeux de langage {text:soft-page-break} ou encore de figures de style. Le poème nait avant tout de l'inspiration du poète, il a une place majeur, bien plus que le romancier qui peut s'effacer derrière ses personnages. Il est donc normal que les thèmes poétiques découlent de la vie de leur auteurs. Le poète se doit, d'après Rimbaud, de se faire « voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens «. Il se base sur ses ressentis, ses expériences, sa vision du monde particulière. De là, le lyrisme ne peut que tenir une place centrale. Lorsque Victor Hugo écrit les Contemplations, il expérimente le genre de l'autobiographie versifiée. La mort de sa fille Léopoldine marquera un tournant dans son écriture. Les poèmes qui lui sont dédiés, tel « Demain dès l'aube « sont plus légers et plus simples que ceux des Châtiments , et réellement plus touchants. La figure du poète est au centre du genre. C'est pourquoi l'expression de ses sentiments occupe une place importante. 

La poésie est un genre propice à l'expression des sentiments du poète notamment car c'est un genre qui s'appuie sur une recherche rythmique et linguistique particulière. La conjugaison de la musicalité et des images, apportées notamment par les figures de style, permet de refléter les sentiments abstraits de l'auteur. Le statut particulier de ce dernier est également l'une des causes de la place essentielle du lyrisme en poésie. Cependant la poésie a bien d'autres enjeux. 

 

 La poésie a eu, depuis l'antiquité, d'autres fonctions que celle de l'expression des sentiments de son auteur. 

 Certains poètes tentent des expériences littéraires ou détournent simplement le genre afin de le rendre plus divertissant. Certaines figures de styles comme les paronomases de Max Jacob ( « Avenue du Maine / Les manèges déménagent « ) ou encore les jeux de sonorité des Poézies de Michel Deville peuvent créer un effet ludique. D'autres utilisent des sujets difficilement poétiques au premier abord, comme Alfred de Musset avec son « Petit Endroit « ou les « Huitres « de Ponge. Ce qui prouve notamment que le thème n'occupe pas une place dominante, il est supplanté par la « vision « du poète. Les membres de l'Oulipo se donnent des contraintes poétiques comme dans ce vers « est-ce esprit pris aux eaux ? (= essesspriprizozo) « où chaque syllabe paire est identique à la syllabe impaire qui la précède. De même Mallarmé écrit un « sonnet en yx «, cherchant une rime exceptionnelle : « Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx, / L’Angoisse ce minuit, soutient, lampadophore, / Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix/ Que ne recueille pas de cinéraire amphore.« Ainsi la poésie a également pour but de magnifier le langage, d'expérimenter grâce à « ces mots de tous les jours [qui] ne sont pas les mêmes « indépendamment d'un quelconque aspect lyrique. 

Dans l'Antiquité, la poésie est transmise à l'oral. Les sonorités, les rythmes servent alors de repères pour les conteurs. Les premiers grands mythes de l'histoire, tels l'Illiade et l'Odysée d'Homère, font partie d'une catégorie appelée poésie épique. Ainsi pouvons nous voir que la poésie a quelque fois pour vocation de conter des histoires. Cette notion se retrouve dans certaines pièces, comme Phèdre de Racine, ou encore dans de nombreux poèmes médiévales, contant les exploits de preux chevaliers. De même, elle permet l'évasion : sa dimension esthétique crée un dépaysement pour le lecteur. La vision du poète est poétique car elle n'est pas commune, le lecteur se retrouve ainsi « embarqué « dans l'univers de l'auteur. De nombreux poèmes traduisent concrètement cette idée comme « l'Invitation au Voyage « de Baudelaire ou encore « Ma bohême « de Rimbaud Ainsi l'évasion du lecteur est également un enjeu de la poésie. 

 De même la poésie peut permettre à son auteur de faire partager ses idées. Aussi, certaines fables, étant considérées comme de la poésie, apportent une morale. Le poème « Zone « de Guillaume Apollinaire présente l'esprit nouveau et sert ainsi de manifeste poétique. La poésie donne naissance à de nombreuses réflexions, à de nombreux courants de pensée : les poètes de la Pléiade par exemple voulait rompre avec la poésie médiévale, tout en tentant d'enrichir la langue française. De plus certains poètes ont utilisés cette forme pour décrire leur propre rôle : Alain bosquet, Alfred de Musset ou encore Francis Ponge définisse le rôle du poète dans « Défense du poète «, « Impromptu « et « L'oeillet «. Elle peut également être le prétexte à une critique politique ou social. Ainsi Victor Hugo a longuement critiquer Napoléon III, qu'il appelle « Napoléon le petit « {text:soft-page-break} dans son recueil Les Châtiments. De même Arthur Rimbaud déplore l'absurdité de la guerre dans son poème « Le dormeur du Val « grâce un contraste fort entre la nature luxuriante et le jeune soldat mort qui provoque comme une surprise émotionnelle . La poésie, malgré sa différenciation avec la réalité, peut apporter une réflexion sur le monde. 

La poésie est tout autant le prétexte aux jeux de langage, au divertissement et à l'évasion qu'à la réflexion sur le monde et aux critiques politiques et sociales. 

 

Malgré ses enjeux divers, le poète n'est jamais totalement absent. L'expression de ses sentiments est alors omniprésente mais également utile. 

Un poète dévoilant ses sentiments peut provoquer de l'empathie chez son lecteur. Celle-ci conjuguée à une poésie argumentative, permet de le persuader. Rimbaud dénonce la misère dans son poème « Les effares « en utilisant sa subjectivité grâce à des termes comme « les pauvres petits « ou « au vent d'hiver... « où les points de suspension font office d'insistance. L'exemple le plus frappant est le poète André Chénier qui, dans son poème lyrique que nous avons étudié précédemment, joint à l'expression de sa mélancolie, une révolte contre les condamnations à mort. Pour cela il « aiguis[e] ces dards persécuteurs du crime «. Le lyrisme en poésie peut servir d'autres fonctions. 

Les sentiments personnels du poète ne seraient pas aussi passionnants si ils ne parlaient pas au lecteur. Ils sont universels, c'est ce qui permet au lecteur de s'identifier à l'auteur, et d'éprouver de puissantes émotions à la lecture d'un poème. En effet, les sentiments du poète sont les «échos sonores « de tous les sentiments humains. C'est pour cette raison que Baudelaire est en mesure d'apostropher son « hypocrite lecteur, son semblable, son frère « au début des Fleurs de Mal. Sans cet aspect universel, le lyrisme perdrait de son sens. Ainsi lorsque Louise Labbé nous parle, dans l'un de ses sonnets de l'inconstance et de l'ambiguïté de l'amour, au XVI ème siècle, celui-ci est toujours aussi pertinent à notre époque. C'est cette universalité des sentiments qui est au cœur de l'existence du lyrisme. 

Cependant, assimiler la poésie à son seul enjeu semble réducteur. Elle en a de nombreux, mais également aucun. Ou du moins, elle sert essentiellement à la recherche et au partage d' une esthétique particulière. C'est ce que semblent dire Baudelaire, dans l'Art Romantique pour qui « La poésie n'a pas d'autres buts qu'elle même « et Cocteau qui « sai[t] que la poésie est indispensable, mais [ qui ne sait ] pas à quoi «. La notion d'utilité en poésie se révèle donc extrêmement complexe. Pour le poète, elle permet cependant de sublimer ses expériences et de les pérenniser. 

La poésie s'appuie sur les sentiments du poète pour servir une argumentation, et pour offrir la description de sentiments universels. Il ne semble cependant pas pertinent de la réduire à ses seuls enjeux. 

 

 L'expression des sentiments en poésie occupe une place importante : celle ci est due à la musicalité particulière de la poésie, à l'existence d'un langage poétique qui se base sur des images et sur la place particulière de l'artiste. C'est un genre littéraire qui permet notamment d'assimiler des images concrètes à une notion abstraite telle que la joie, la peine, le regret. La poésie a cependant d'autres enjeux. Elle est prétexte à des recherches sur le langage, sert à transmettre des idées ou encore à conter des histoires tout en permettant au lecteur de s'évader. C'est également un genre littéraire paradoxale qui touche à la fois à l'intime et à l'universel.

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