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corpus poesie

Publié le 16/12/2014

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poesie
Le sentiment amoureux porte en lui le contraste et suscite à la fois joie et souffrance : joie, lorsque l'amour est partagé ou que l'être aimé est présent, souffrance quand l'amour est ravageur, ou que l'être aimé est absent ou se trouve loin. La poésie lyrique se fait l'écho de cette dualité. Mais ce sont surtout les images poétiques, comparaisons et métaphores qui rendent compte de l'effet bénéfique de l'amour : certaines d'entre elles par un effet d'amplification, prennent une dimension cosmique, notamment dans l'entame du poème extrait des Fleurs du Mal [« Vous êtes un beau ciel d'automne »]. Elsa se métamorphose en un astre lumineux : « C'est toi non le soleil qui fais pour moi le jour » (vers 15) ; les charmes de Fanny ont un caractère métaphysique puisqu'ils sont assimilés à « des hôtes divins (dont) le ciel est habité » (vers 3). D'autres images suggèrent la richesse et la joie chez Baudelaire, par une métaphore précieuse renouvelée, le regard de feu de la femme devient diamant, puis, par une comparaison surajoutée, ses « yeux de feu » sont « brillants comme des fêtes » (excipit du poème d'Aragon). Une métaphore marine, permet d'assimiler Elsa à « la perle des plongeurs » (vers 35). Enfin, certaines images puisent leur force dans leur relation aux sens : voir Fanny, c'est comme se délecter d'un « miel » (le sens gustatif est ici sollicité) ; Elsa est « l'écho des voix » (v. 32), le roucoulement des colombes (« la nuit le bruire des colombes sur le toit », vers 34), phénomènes qui sollicitent donc l'ouïe. Dans « Causerie », « un parfum nage » (vers 11) autour de la poitrine de la femme aimée (sens olfactif). Enfin, à plusieurs reprises, les poètes suggèrent la jeunesse : Chénier parle des « roses de jeunesse », « roses de pudeur»(vers 8 et 9), Aragon mentionne des enfants qui jouent dans un « préau ». Les poètes exploitent aussi les ressources de la syntaxe pour traduire leur joie: certains vers du poème « Causerie » reposent sur des exclamations lyriques, doublées parfois d'une allégorie: «Ô Beauté! » ; Chénier s'exclame: « Qu'elle est belle! ». Chez Aragon, c'est le rythme ample des anaphores successives (« C'est toi... C'est toi... ») et l'accumulation de noms juxtaposés qui rendent cet enthousiasme joyeux du poète amoureux. En contraste, les trois poèmes expriment aussi la souffrance de l'amour. Les images sont empruntées au domaine de la souffrance physique et de blessure, évoquée de façon réaliste et violente : le poète est assimilé à un « jeune faon d'un plomb percé» (André Chénier, vers 26-27), ou encore à un lieu saccagé par « la griffe et la dent féroce » (Baudelaire, vers 6-7) d'une femme plus impitoyable que les « bêtes »...Chez Aragon, il est question enfin d' « un coeur qui se déchire ». Là encore, les sens sont sollicités, par exemple le toucher et le goût, à travers un « souvenir cuisant » comme un « limon amer » (Causerie, vers 4). Les termes à valeur négative, qui suggèrent des réalités douloureuses, émaillent le texte. Le vocabulaire de la dévastation ou de la désolation rend compte de l'état dans lequel cette violence laisse l'amoureux: « palpitant », « hors d'haleine », réduit à des « lambeaux calcinés » (ibid.). Toutes notations qui débouchent sur la mention de lamort, du « trépas » (document A, vers 30) : le coeur est « mangé ». L'effet de ces blessures et les manifestations de la douleur sont mentionnés explicitement : la « plainte » ou les pleurs, les « sanglots » (Baudelaire, vers 28) forment des expressions très pathétiques. Le vocabulaire de la séparation, de l'«absence» (Chénier, vers 17) et de la solitude indique la source de cette meurtrissure : le poète est « seul», « loin » (ibid.), un « tramway [...] emporte » Elsa, et les mouchoirs agités offrent une vision saisissante de la douleur de « ceux qui se séparent » (Aragon). Certains choix grammaticaux, syntaxiques, permettent d'intensifier l'expression pathétique, presque doloriste, des sentiments. Le regret est exprimé sur le mode exclamatif : « Oh ! que n'ai-je moi seul tout l'éclat et la gloire / Que donnent les talents...). L'emploi de certains temps comme l'imparfait de l'indicatif « Elle était là. Tous disaient » / « elle suivait les obliques détours » (A Fanny, vers 19) : par ce renvoi dans un passé définitivement résolu, les poètes font ressentir au lecteur que les conséquences de certaines actions du passé se prolongent dans un présent immédiat. Ce qui rend la réalité vécue du présent encore plus douloureuse. Les poètes exploitent tous les ressources de la versification : à la joie et à l'exaltation correspond en général un rythme régulier, avec des enjambements qui allongent, dilatent le vers. Le rythme est nettement plus heurté et disloqué (présence de coupes fortes) lorsque l'écrivain évoque la douleur, la peine. On le voit, tous les artifices de la poésie (rimes, métrique, coupes, prosodie), du style (métaphores), de la syntaxe, visent à traduire des états d'âme différents ou des émotions violemment contrastées qui accompagnent le sentiment amoureux.

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