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Qui est Autrui ?

Publié le 27/02/2005

Extrait du document

Autrui ne désigne pas quelqu'un en particulier, mais tout autre que moi, avec la précision essentielle que cet autre est considéré comme un autre sujet, doté de conscience, tout comme moi. C'est un autre moi car sa conscience lui donne la représentation de lui-même comme personne individuelle et, en ce sens, tous les sujets se ressemblent. Mais cette conscience ne m'est pas accessible de l'intérieur. Il reste donc un autre que moi, au même titre que n'importe quel phénomène extérieur à ma conscience, par exemple un objet. La notion d'autrui pose un problème sur la relation classique entre sujet et objet.

« qu'assurent l'unité et l'universalité des sciences (les mathématiques ne diffèrent pas selon les peuples, pas plus quela logique). La communication avec autrui. Le langage est, sans doute, le moyen de communication le plus usuel avec autrui, mais il traduit surtout desdonnées objectives, générales et semble impropre à l'expression du singulier, des sentiments.

D'où l'idée qu'il n'yaurait de véritable communication que dans la communion des personnes et des sentiments.

De ce point de vue,Gaston Berger affirme que « l'homme est condamné, par sa condition même, à ne jamais satisfaire un désir decommunication auquel il ne saurait renoncer.

»Chacun est enfermé dans la souffrance, isolé dans le plaisir, solitaire jusque dans la mort.

Mon ami souffre, je peuxbien souffrir de le voir souffrir, autant que lui, plus peut-être, mais je souffre autrement que lui : je ne suis jamaistout à fait avec lui.

On pourrait certes objecter que, dans ce cas, s'il y a séparation entre moi et mon ami, c'estparce qu'il y a une distance entre les expériences vécues.

Je ne souffre pas pour la même raison que mon ami.Qu'en est-il dans le cas où deux êtres qui s'aiment sont confrontés à une même épreuve ? Dans l'amour ou l'amitié,est-ce que je ne connais pas suffisamment l'autre pour éprouver de l'intérieur une souffrance identique ? On peuttoujours répondre que chacun ne souffre jamais que pour soi en fonction de son vécu passé, de sa personnalité,qu'on peut partager ce que l'on a mais non ce que l'on est, et conclure avec Gaston Berger que « l'univers desautres m'est aussi exactement interdit que le mien leur est fermé»),Seule la subjectivité est, en effet, une existence véritable.

En d'autres termes, le fait d'être est ce qu'il y a de plusprivé.

Mon existence est la seule chose que je ne puisse communiquer.

Je peux la raconter mais je ne peux lapartager.

Vision pessimiste ? Non, car la sympathie est tout autre chose que la fusion des sentiments et despersonnes.

Elle est compréhension affective d'autrui.

Je peux saisir ses sentiments, sans pour autant les éprouvermoi-même.

Je peux ainsi sympathiser avec des sentiments que je n'ai jamais éprouvés et des situations que je n'aijamais vécues.

De plus, l'idée d'une fusion avec autrui qui serait une confusion entre deux êtres est, comme lesouligne Lévinas, « une fausse idée romantique ».

Le pathétique de la relation à autrui, de l'amour, consisteprécisément dans « le fait d'être deux », et que « l'autre y est absolument autre ».

Poser autrui comme autre,comme liberté, ce n'est pas reconnaître l'échec de la communication, mais l'échec « du mouvement qui tend à saisirou à posséder une liberté ». « Je pense plutôt que l'accès au visage est d'emblée éthique.

C'est lorsque vous voyez un nez, des yeux, un front, un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un objet.

Lameilleure manière de rencontrer autrui, c'est de ne pas même remarquer la couleur de ses yeux ! Quand on observela couleur des yeux, on n'est pas en relation sociale avec autrui.

La relation avec le visage peut certes être dominéepar la perception, mais ce qui est spécifiquement visage, c'est ce qui ne s'y réduit pas.Il y a d'abord la droiture même du visage, son expression droite, sans défense.

La peau du visage est celle qui restela plus nue, la plus dénuée.

La plus nue, bien que d'une nudité décente.

La plus dénuée aussi: il y a dans le visageune pauvreté essentielle.

La preuve en est qu'on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant des poses, unecontenance.

Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence.

En même temps le visageest ce qui nous interdit de tuer.

» Lévinas , « Ethique et infini ». Lévinas commence par opposer perception d'un objet et rencontre authentique d'autrui.

Quand je pose l'autre comme objet, je le projette sur une surface d'objectivité : il m'apparaît comme un tableau à décrire, une surface àobserver et détailler, son unité éclate en autant de petits objets à commenter (les éléments du visage sont eux-mêmes réductibles à des unités plus petites.

Ce rapport est un rapport théorique qui ne me donne pas véritablementautrui : dans un processus de connaissance, ma conscience s'assimile l'objet plutôt qu'elle ne s'ouvre à l'altérité dudonné.

En posant autrui comme objet, je reste seul. La saisie véritable d'autrui (celle qui me fait vraiment sortir de moi et rencontrer une dimension irréductible auxsimples données de l'expérience) ne donne pas une richesse d ‘éléments à décrire mais présente une pauvreté.L'autre se présente simultanément comme sans défense et invitation au respect : en effet, la possibilité physique detuer autrui se donne en même temps que l'impossibilité morale d'accomplir cet acte.

Autrui nous est livré dans unedimension éthique comme celui que je n'ai pas le droit de tuer. Conclusion Nous reconnaissons autrui à son visage, à son regard, à son sourire, à son comportement, et au fait qu'il parle.Naturellement haineux, nous sommes aussi naturellement amicaux.

Amour et haine cohabitent en nous.Il n'y a pas de connaissance directe de l'autre, mais une reconnaissance par analogie, par ressemblance, c'estpourquoi les manières et les politesses sont si déterminantes, permettant la reconnaissance.

Une passion communeprovoque la rencontre authentique; mais la mérencontre (rencontre manquée) est aussi fréquente; c'est pourquoi làoù manque l'amitié, il nous faut affirmer le devoir d'aimer l'autre et de lui rendre justice. Pour reconnaître l'autre homme, il faut tâcher – ce qui exige une oeuvre longue, lente, patiente, parcourue d'erreurset de préjugés – de se mettre à sa place; or l'accès à la conscience d'autrui nous est impossible, seule lamultiplication des paroles, des entretiens (mais n'oublions pas les obstacles de la mauvaise foi et des mensonges). »

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