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Qu'est qui fait la force des préjugés?

Publié le 21/02/2005

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Cependant ce pouvoir ne réside pas dans les préjugés eux-mêmes mais est attribué par l'homme de l'extérieur. L'homme se trompe en prenant un préjugé pour un jugement objectif. Cette tendance à l'erreur est inhérente à l'esprit humain celui-ci devant en être conscient pour pouvoir rompre avec ses préjugés et rendre ainsi possible la science.    CITATIONS: « L'évidence est le caractère (ou signe ou critérium) d'une vérité clairement et distinctement conçue qui s'impose à l'esprit. » Lagneau, Célèbres Leçons et Fragments, 1950 (posth.) « Toute vérité nouvelle naît malgré l'évidence. » Bachelard, Le Nouvel Esprit scientifique, 1934. Préjugé : « Ce qui est jugé d'avance, c'est-à-dire avant qu'on se soit instruit. Le préjugé fait qu'on s'instruit mal. » Alain, Définitions, 1953 (posth.

« Introduction : Un préjugé est une opinion émise avant d'être passée au crible du jugement .

Il est la plupart du temps compris comme une entité négative responsable desdésaccords entre les hommes : la rais on aurait alors pour mission de l'éradiquer.

Or dans s on entreprise de destruction des préjugés, la raison se heurte àleur force, c'est à dire à leur capacité à avoir un effet sur nos pensées .

A quelle source tire sa force ce qui en nous paraît plus faible que la raison elle- même ?En tant que les préjugés sont des opinions affirmées avant d'être jugées, leur capacité d'action résiderait dans ce statut antérieur à la connaissance quel'on appelle ignorance.

Il suffirait alors de les révéler à la raison pour qu'ils disparaissent.

C ependant certains préjugés persistent ou renaissent après leurdéconstruction par la raison.

Aussi loin de se réduire à de l'ignorance, leur force résiderait dans leur capacité à se faire passer pour des vérités.

C 'est laraison pour laquelle il serait impossible de les éradiquer définitivement.

Si les préjugés ne peuvent être éradiqués, il s'agirait alors de comprendre qu'ilss'enracinent dans une faculté d'adaptation sociale.

I La force des préjugés provient d'une faiblesse _ Un préjugé es t une opinion émise avant d'être jugée.

A utrement dit, celui qui l'affirme croit exprimer une pens ée personnelle quand il ne fait que répéter cequ'on lui a appris.

Par exemple dans le dialogue éponyme de P laton, Menon pense qu'il y a une vertu propre de la femme qui est de savoir rester à la mais on, une de l'homme qui est de savoir conduire sa carrière dans la cité et une de l'esclave qui es t d'obéir.

Bref à la question de Socrate ‘qu'est-ce que la vertu ? »Menon énonce un véritable « essaim de vertus » qu'il tient pour une véritable définition..

Q uand Menon lui fait s entir son ignorance, Menon résiste car il croitsa voir.

Ainsi la force des préjugés provient d'une ignorance qui s'ignore elle-même par opposition au savoir de Socrate qui consiste comme il le dit dansson Apologie à savoir qu'il ne s ait pas.

Si le préjugé résiste, c'est d'abord parce qu'il s e présente comme une connaissance et non comme ce qu'il est vraiment, c'est à dire une ignoranc e.

Ainsi pour donner envie à M enon de s'arracher à ses préjugés, il faut d'abord, à l'instar de la torpille, qu'il embarras sejusqu'à le plonger dans l'aporie.

C'est seulement lorsqu'il aura reconnu son ignorance qu'ils pourront cherc her ensemble ce qu'est la vertu ;_ Mais la force des préjugés ne vient pas seulement d'une ignorance qui s'ignore elle-même, elle s'enracine aussi dans la lâcheté et la paresse deshommes.

Si la plupart des hommes ne pens ent pas par eux-mêmes, explique Kant dans Qu'est-ce que les Lumières ? , c'es t qu'ils craignent de se servir de leur entendement sans la direction d'autrui.

En effet la liberté de penser par eux-mêmes fait partie de leur essence raisonnable, mais comme cette liberté seconquiert, et nécessite un travail et une déc ision individuelle, les hommes préfèrent en général se reposer sur leurs tuteurs.

La paresse désigne un défaut devolonté qui suit la pente de la facilité et refuse d'aller dans le sens du devoir être..

A insi, pour ‘arracher à ses préjugés, il s'agirait seulement de le vouloir :« Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement » : telle est la devise des Lumières .

La force des préjugées trouverait son origine dans des faiblesses accidentelles des facultés humaines qui peuvent être corrigées par la connaissanc e et lecourage.

Cependant si les préjugés résultent de leur ignorance, ils se présentent eux-mêmes pour des vérités, ce qui rend plus difficile la tentative pour leséradiquer.

II La pensée aliénée _ La force des préjugés réside dans leur capacité à se présenter s ous la forme de vérités prétendues.

Le préjugé ne se révèle pas lui-même préjugé, maismasque sa véritable nature en portant le masque de la vérité.

C 'est ce qui explique pourquoi il est s i difficile de faire prendre conscience à quelqu'un qu'ilvient d'énoncer un préjugé.

En effet dans la mes ure où il croit lui-même dire une vérité, c'est celui qui cherche à lui faire prendre conscience de son préjugéqui se trouve c oupable, selon son jugement biaisé, de préjugé.

Il s'agirait alors de remettre en cause notre propre capacité individuelle à nous arrac her denos préjugés par la seule force de la raison.

Le propre de la pensée aliénée est en effet de se croire pensée active et libre alors qu'elle est aliénée.

Lamarque de l'idéologie, c omme l'écrit A lthusser est de s'ignorer comme idéologie et de se présenter comme vérité : « ceux qui sont dans l'idéologie secroient par définition hors de l'idéologie ».

C e serait alors sombrer complètement dans l'idiologie que de croire avec trop de naïveté qu'on puisse en être audehors ou s'en excepter avec facilité.

La force de la raison dans ce cas est moins d'avoir confiance en elle que dans sa c apacité à comprendre sa faiblesse,non pour se soumettre, mais pour pouvoir mieux résister._ De plus si la raison parvient à détruire certains préjugés, rien ne garantit qu'ils ne repoussent pas derrière elle avec plus de force enc ore.

En effet la bonnefoi intellectuelle et la décision prise une fois pour toutes de se débarrass er de ses préjugés est insuffisante face à la puissance du préjugé.

Dans sapremière Méditation métaphysique , Descartes se donne pour projet de remettre en question une fois dans sa vie « semel in vita » toutes les opinions qu'il avait reçues comme évidentes depuis l'enfance.

Or ce que montre Bachelard dans son introduction à la psychanalyse du feu , c'est que l'infanticide par lequel Descartes croyait pouvoir s e libérer une fois pour toutes de ses préjugées relève d'une chimère volontariste.

En vérité, l'enfant qui représente notremémoire sensible ne meurt jamais vraiment en nous .

Même chez les scientifiques, les préjugés issus de notre enfance résistent à toute leur éducationrationnelle.

Ainsi la psychanalyse de la pensée scientifique propose de faire et de refaire sans cesse ce qui ne peut jamais s'achever : la purificationcontinuelle de la pensée scientifique des préjugés issus de la vie courante qui viennent s'y glisser.

Par c onséquent si les préjugés s'enracinent dans l'inc onscient idéologique ou sensible de l'être humain, il semble qu'il faille reconnaître leur force plutôt quede chercher absolument à les détruire et éventuellement penser leur pos itivité.

III La force des préjugés vient de leur puissance fonctionnelle _ Dans la perspective rationaliste, le préjugé désigne le mal qu'il faut absolument éradiquer sous peine de ne jamais être libre.

Or si les préjugés sont aussiforts, c'es t qu'ils ne se réduisent pas à une opinion illusoire reçue passivement par un individu.

P lus exactement on ne peut, si l'on veut comprendre, leurforce, considérer les préjugés uniquement du point de vue du projet émancipateur des Lumières .

En effet s'ils résistent à la raison, c'est qu'ils pos sèdentune fonction nécessaire à la vie en commun .

A insi Pascal dans le fragment 44 de ses Pensées , montre que la puis sance de l'imagination maîtresse d'erreur et de fausseté permet la pratique de la justice.

Depuis le péché originel, les hommes ont perdu la c apacité d'appréhender la justice par la raison.

Aussi illeur a fallu inventer des produits de substitution comme le bonnet c arré des médecins ou le manteau à hermine des juges.

Si ces professons détenaient unvéritable pouvoir, ils n'auraient pas besoin de ces déguisements qui n'ont de puissance que par les préjugés qui y s ont attachés.

Si l'on se place du point devue de la raison, cette substitution est une supercherie c ondamnable.

Mais il faut bien que certains hommes rendent la justice en soc iété.

Aussi comme ledit P ascal dans le fragment 787 ce qui semble au premier abord déraisonnable devient raisonnable du fait du dérèglement des hommes ._ La force des préjugés résiderait dans leur capacité fonctionnelle permettant d'organiser la vie en société, de réunir les individus autour de valeurscommunes.

En effet si la raison permet à l'individu de s'émanciper, les préjugés permettent à la c ollectivité de se constituer en fabriquant du consensus.

Parexemple au livre II de la République , Platon prévoit de faire apprendre par cœur à ses gardiens le mythe de l'autochtonie.

C e mythe se présente comme une pure invention destinés à fédérer les volontés individuelles et à inspirer à chacun un fort sentiment d'unité.

T ous les individus de cette cité s eraient nés d'unmême sol.

Aussi les individus doivent s'entraider comme des frères issus de la même mère et garder le sentiment de l'appartenance à un territoire.

Cemythe est particulièrement fécond dans les périodes de crise comme les guerres où les individus doivent défendre un territoire au risque de leur vie.

A insi laforce des préjugés ne proviendrait pas que de source négative à supprimer, mais aus si de leur conséquences, c'est à dire de leur puissance à créer de lacohésion et de l'unité sociale.

Conclusion : La force des préjugés provient moins de la faiblesse des facultés humaines que de leur capacité à se cacher sous le masque de vérité.

A insi nous avonsmontré quand dans le champ théorique, il est impossible d'éradiquer définitivement les préjugés ; ils résistent aux entreprises les plus radicales de prise deconsc ience.

La raison de cette persistance est que l'homme n'est pas essentiellement une raison solitaire, mais un d'abord et avant tout un individu vivantau sein d'une société donnée.

La force des préjugés résiderait alors dans leur puis sance à c réer de la cohésion sociale.. »

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