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Le renouveau nécessaire

Publié le 27/02/2008

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21 mars 1993 -   Au tout début de la Cinquième République, à l'issue des élections législatives de 1958, la gauche était anéantie, ses dirigeants - François Mitterrand, Gaston Defferre, Pierre Mendès France notamment - battus et la droite installée au pouvoir pour plus de vingt ans. Une période s'achevait.

   Les socialistes allaient pourtant remonter la pente et, dès l'élection présidentielle de 1965, rétablir un certain équilibre : dès lors, les deux camps feraient, d'un scrutin à l'autre, jeu égal ou presque. Nous voilà revenus trente-cinq ans en arrière.

   Une époque prend fin, celle de la bipolarisation, que le gaullisme, puis le " giscardisme " et le " mitterrandisme " avaient fait vivre. La gauche est en miettes, la plupart de ses dirigeants sont en mauvaise posture et la droite, de nouveau, en position dominante.

   Pour le PS, tout est à reconstruire. Pour l'opposition, redevenue majorité, beaucoup reste à faire.

   La défaite de la gauche n'est pas une surprise. Elle était annoncée et déjà, par avance, expliquée. Elle n'en est pas moins d'une ampleur inattendue. " La sanction est rude ", a dit M. Fabius. De fait, le PS retrouve son niveau de 1973, deux ans après le congrès d'Epinay.

   Toutefois, à l'époque le PC faisait beaucoup mieux qu'aujourd'hui, avec plus de 21 % des suffrages, l'extrême gauche en obtenait plus de 3 % et les divers gauche presque autant. Sans parler des réformateurs, qui étaient alors dans l'opposition à Georges Pompidou et qui rassemblaient près de 13 % des voix. C'est dire que les candidats de la gauche au second tour ne manquaient pas de réserves.

   Vingt ans plus tard, ces réserves se sont largement évaporées, de sorte que même les socialistes qui ont fait mieux que la moyenne nationale de leur parti sont en ballottage difficile. M. Jack Lang, par exemple, avec 34,37 % des voix, ne peut guère compter que sur les 6,65 % du PC et, éventuellement, les 6,45 % des Verts, ce qui est peu.

   M. Laurent Fabius, avec 27,67 %, aura impérativement besoin des 12,31 % du PC, des 7,17 % de Génération Ecologie, des 3,17 % de Lutte ouvrière. M. Michel Rocard, avec 27,21 %, devra rassembler bien au-delà des 4,54 % du PC et des 6,33 % de GE. Seuls ceux qui, comme M. Henri Emmanuelli, ont dépassé la barre des 40 %, peuvent être à peu près tranquilles.

   Il est vrai que le PC a mieux résisté que prévu, en partie sans doute grâce au concours de socialistes déçus.

   On ne sait s'il faut s'étonner que, plus de trois ans après la chute du mur de Berlin, le parti de Georges Marchais continue de recueillir près de 10 % des suffrages exprimés ou se réjouir qu'il perde près de deux points par rapport à1988. Il n'en reste pas moins marginal dans le système politique français et, que ses électeurs apportent ou non leurs suffrages aux socialistes au second tour, ils ne pourront sauver la plupart d'entre eux.

   Les mêmes observations valent pour les écologistes.

   Faut-il tenir leur défaite inattendue pour le signe d'un déclin aussi rapide que l'a été leur ascension ? Ou doit-on considérer qu'en dépit de leur score modeste ils sont désormais présents dans le paysage politique, alors qu'ils étaient quantité négligeable il y a cinq ans ?

   En tout cas, ils n'ont pas réussi leur percée : si les socialistes misaient sur eux pour constituer le " vaste mouvement ouvert et moderne " souhaité par M. Rocard, pour le moment, c'est raté. A court terme, c'est-à-dire dimanche prochain, ils n'ont guère les moyens de venir en aide au PS, à supposer qu'ils le veuillent, ce qui n'est pas sûr.

   La droite a donc gagné. Sa majorité à l'Assemblée nationale sera probablement écrasante. En voix, elle fait mieux qu'en 1988 mais moins bien qu'en 1986. Elle doit évidemment compter avec le Front national, dont la bonne tenue est l'une des leçons du scrutin. Le parti de M. Le Pen progresse en effet de près de trois points par rapport aux deux précédentes législatives, où il avait obtenu 9,65 % des suffrages. Il consolide notamment ses positions en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Ile-de-France. M. Le Pen peut à bon droit s'indigner qu'avec un score supérieur à celui du PCF il ne puisse faire élire plus d'un ou deux députés. Il montre qu'il dispose désormais d'une base électorale assez stable, qui appartient durablement à la vie politique française.

   Inquiétude et scepticisme La concurrence du Front national ne saurait toutefois suffire à expliquer que l'union du RPR et de l'UDF ne franchisse pas la barre des 40 %. Il faut noter en effet le pourcentage important des " divers droite " qui, avec 4,61 %, est supérieur de près de deux points au chiffre des précédentes. Sans parler des " divers " tout court, qui, avec 3,79 % des suffrages, totalisent près d'un million d'électeurs. M. Giscard d'Estaing n'avait pas tort de souligner, dimanche soir, que beaucoup de Français " sont encore hésitants, inquiets " et " n'arrivent pas à avoir confiance dans la possibilité de redressement du pays ".

   Ces sceptiques ont parfois préféré donner leurs voix à des " petits " candidats plutôt qu'aux représentants des " grands " partis.

   D'autres ont choisi de se réfugier dans l'abstention.

   Avec près de 31 % de non-participation, ce premier tour est nettement moins " civique " que celui de 1986. On peut certes soutenir qu'en un temps où la politique est, dit-on, discréditée, il est plutôt encourageant de voir près de 70 du corps électoral se déplacer pour un scrutin joué d'avance et qu'une telle performance devrait au moins relativiser les discours sur le rejet du système par les Français. Toutefois, pour la première élection susceptible de traduire en actes le refus du " mitterrandisme " cinq ans après la reconduction du président de la République, le taux de participation est tout de même faible.

   Cela signifie que le renouveau, qui est, à l'évidence, la priorité de la gauche, doit être en même temps un mot d'ordre pour la droite. François Léotard a relancé dimanche soir l'idée de réunir le RPR et l'UDF en une seule formation, mettant ainsi a contrario l'accent sur le risque de désunion qui pèse, plus que jamais, sur la future majorité de gouvernement et sur l'affrontement qui va, une fois de plus, opposer les deux partis dans la préparation de l'élection présidentielle. Si le PS, vaincu, est acculé au changement, son vainqueur est, lui aussi, au pied du mur. 

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