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Rien n'échappe-t-il à l'empire de la Raison ?

Publié le 26/06/2009

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A son origine, le logos est une raison unificatrice, une loi qui engendre le devenir (chez Héraclite par exemple), ou encore une loi divine qui ordonne la totalité du réel (chez les Stoïciens). Il inclut l'idée de l'union, du rassemblement ou de la liaison. Le latin "ratio" rassemble les idées de calcul, de système, de méthode, de procédé, de plan, de jugement, d'intelligence, d'analyse. En dépassant la connaissance sensible soumise aux contradictions des apparences, la raison s'élève jusqu'aux Idées. La tradition philosophique occidentale est celle du rationalisme qui a trouvé son plein essor avec Descartes. La raison, ou bon sens, ou lumière naturelle est le propre de l'homme et se trouve tout entière en chacun. Bien conduite, la raison est source de toute connaissance vraie. Avec Hegel, on assiste à l'avènement d'une philosophie rationaliste intégrale. La raison, comme principe suprême, gouverne le monde. Elle est le sens profond de tous les événements et le sens ultime de l'histoire universelle. Dans une telle perspective, l'irrationnel ne trouve pas de place. Rien n'échappe en droit à l'empire de la Raison, même s'il se trouve nombre de choses dont la rationalité nous échappe encore. Pourtant, il faut convenir qu'il y a une part de réalité irréductible au système de la raison, comme l'a montré la théorie scientifique moderne des quantas, ou les théories microphysiques du chaos et de l'aléatoire. L'irrationnel n'est pas l'inexpliqué, mais l'Autre de la raison, son au-delà, une fois franchies les limites de l'intelligibilité. D'un point de vue concret et immédiat, l'existentialisme a montré que l'existence n'avait rien de nécessaire, mais qu'elle était absurde et dépouillée de sens a priori. L'existence est donnée, mais non sa cause, sa raison ou sa signification profonde. De son côté, la psychanalyse a souligné le caractère irrationnel des processus de l'inconscient qui échappent pour une large part à la maîtrise de la volonté consciente. Si ce n'est l'existence vécue elle-même, nombre de phénomènes se dérobent à la raison qui ne peut plus prétendre constituer un système intégral de compréhension de la réalité. La question du sens soulève une interrogation qui peut se porter au-delà du domaine de l'explication ou de l'analyse rationnelle. Le sens est un vecteur de signification qui permet la compréhension d'une chose, d'un événement, d'un acte, d'une conduite. Comprendre quelque chose, c'est accéder au coeur de sa signification singulière. Au contraire de l'explication qui consiste à déplier les composantes d'un tout pour les considérer extérieurement les unes par rapport aux autres, la compréhension requiert l'exercice de l'intuition qui vise à coïncider avec l'intériorité de la chose. Les phénomènes physiques de la nature se laissent expliquer, tandis que l'homme, comme sujet libre et en partie irrationnel, ne peut être "accessible" qu'au moyen d'une compréhension sympathique (sumpatheia : "être affecté" ou "sentir avec quelqu'un") qui saisit et partage le sens intérieur de ses conduites. Comprendre, c'est accéder à un sens ou à une signification commune. L'exigence d'un sens global est légitime si l'on ne veut pas tenir l'existence pour une chose absurde. L'univers n'a pas été créé, nous dit Kant, pour faire l'objet d'une contemplation théorique et rationnelle. Nous sommes en droit de supposer que l'homme, comme être raisonnable plutôt que rationnel, c'est-à-dire comme être moral donc perfectible, est la finalité ultime de la création.

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