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SAPHO ET L'ÉDUCATION DES FEMMES

Publié le 25/04/2011

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   Ces extraits d'une conversation de Sapho, héroïne du fameux roman précieux L'Artamène ou le grand Cyrus (1648), suffirait à prouver que Molière ne pouvait être totalement contre Mlle de Scudéry, qui défendait les mêmes idées que lui :    Je ne sache rien de plus injurieux à notre sexe que de dire qu'une femme n'est point obligée de rien apprendre. Mais si cela est, je voudrais donc en même temps qu'on lui défendît de parler et qu'on ne lui apprît point à écrire ; car si elle doit écrire et parler, il faut qu'on lui apprenne toutes les choses qui peuvent lui éclairer l'esprit, lui former le jugement et lui apprendre à bien parler et à bien écrire. Sérieusement, y a-t-il rien de plus bizarre que de voir comment on agit pour l'ordinaire en l'éducation des femmes ? On ne veut pas qu'elles soient coquettes, ni galantes, et on leur permet pourtant d'apprendre soigneusement tout ce qui est propre à la galanterie, sans leur permettre de savoir rien qui puisse fortifier leur vertu, ni occuper leur esprit...    Vu la manière dont il y a des dames qui passent leur vie, on dirait qu'on leur a défendu d'avoir de la raison et du bon sens, et qu'elles ne sont au monde que pour dormir, pour être grasses, pour être belles, pour ne rien faire et pour ne dire que des sottises...    A dire la vérité, je voudrais qu'on eût autant de soin d'orner son esprit que son corps et qu'entre être ignorante et savante, on prit un chemin entre ces deux extrémités qui empêchât d'être incommode par une suffisance impertinente ou par une stupidité ennuyeuse. Ce que je pose pour fondement est qu'encore que je voulusse que les femmes sussent plus de choses qu'elles n'en savent pour l'ordinaire, je ne veux pourtant jamais qu'elles agissent ni qu'elles parlent en savantes. Je veux donc bien qu'on puisse dire d'une personne de mon sexe qu'elle sait cent choses dont elle ne se vante pas, qu'elle a l'esprit fort éclairé, qu'elle connaît finement les beaux ouvrages, qu'elle parle bien, qu'elle écrit juste et qu'elle sait le monde; mais je ne veux pas qu'on puisse dire d'elle : « C'est une femme savante «, car ces deux caractères sont si différents qu'ils ne se ressemblent point...    Ce que je voudrais principalement apprendre aux femmes serait de ne parler point trop de ce qu'elles sauraient bien, et de ne parler jamais de ce qu'elles ne savent point du tout.

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