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analyse scène d'expo de Ruy Blas

Publié le 20/11/2013

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Ruy Blas- Victor Hugo (1838) : Acte I scène 1, la scène d'exposition Le D.R qui émerge en France au 19 siècle est une forme théâtrale neuve, en rupture avec les oeuvres antérieures. Il réunit à la fois le beau et le laid, le sublime et le grotesque. Grace aux migrations du XIX siècle les littéraires vont s'intéresser plus particulièrement a Shakespeare qui va être un modèle pour les romantiques. Ainsi ils vont créer ce qui est un art total représentant la vie sous toutes ses facettes, cette dernière étant ancrée dans la grande Histoire. Hernani, représenté en 1830, et illustrant l'ascension de la dynastie des Habsbourg d'Espagne d'une part, puis Ruy Blas, représenté en 1838 d'autre part et illustrant lui le déclin de cette même dynastie.. Le texte qui nous est proposé à étudier représente la scène d'exposition de Ruy Blas, le rôle de celle-ci étant à la fois de séduire et d'informer le spectateur, et s'étalant ici sur l'ensemble de l'acte I. Il s'agira ici de voir en quoi cette scène est représentative du drame romantique, puisque cette pièce en est une mise en pratique. Pour se faire, nous allons en premier lieu étudier la portée historique de cette scène, puis montrer en second lieu certains aspects par lesquels cette scène se rapproche néanmoins de la tradition classique pour enfin montrer en quoi est cette scène représente un art total. Théâtre dans cette scène est contrasté. I- La portée historique de cette scène 1)- Une scène qui informe - l'époque / le moment : - didascalie initiale « Madrid. 169. » = fin du XVII siècle - la « cour du temps de Charles II », roi d'Espagne de 1665 à 1700 (roi faible et maladif qui mourra sans descendance) - mention de « Neubourg » (v10) : Charles II avait en effet épousé en secondes noces Maria de Neubourg. - v2 « le jour va naître » : la scène se déroule à la pointe du jour (l'aube, encore noyée de pénombre, prend une dimension symbolique en faisant écho au champ lexical de l'ombre qui traverse la scène et évoque les sombres machinations de Don Salluste : « Don Salluste est vêtu de velours noir », « Gudiel est en noir », v15 « travaux nuit et jour », v29 « une sape profonde, obscure et souterraine », v34 « l'ombre », v36 « la profondeur du puits » ) 2) La « couleur locale » - Un élément est surprenant : l'importance de la première didascalie (plus de 20 lignes) qui tranche radicalement avec la tradition classique très avare en didascalies, quasiment absentes dans certaines pièces (en effet, pour les théoriciens du théâtre classique les dialogues devaient contenir toutes les informations nécessaires à la compréhension2). - C'est qu'à l'inverse des tragédies classiques ancrées dans une forme d'intemporalité, le drame romantique cherche au contraire à inscrire le drame dans la vie réelle et l'Histoire. Il s'agit là d'une volonté de donner plus fidèlement l'illusion de la vie, de refléter sa complexité. - Le drame romantique doit être le miroir de la réalité, une réalité proche des spectateurs (c'est ce qu'on appelle la « couleur locale »). C'est ce qui explique l'importance et la précision des didascalies sur le décor, les costumes, les déplacements des personnages. Ici on relèvera toutes les références à une Espagne réelle, avec un vocabulaire exotique (« alcades », « alguazils », « Castille ») et les noms aux sonorités hispaniques (« Ruy Blas », « Don César », « Gudiel ») - En outre, la longue didascalie initiale offre deux références historiques temporelles précises (« du temps de Philippe IV », « costume de cour du temps de Charles II ») qui renvoient à la monarchie espagnole de la fin du XVII siècle. Le spectateur est donc plongé dans l'actualité de l'époque. 3) II- Un art total Une scène représentative du D.R et en rupture avec la T.C Ainsi notera-on la remarquable efficacité dramatique de cette ouverture qui introduit immédiatement les différents personnages présents sur scène (« Ruy Blas » nommé dès le premier vers, « Gudiel » dès le vers 4 et Don Salluste « chef de la maison de Bazan » vers 17) et hors scène (« la reine » - v10 - qui « vient de Neubourg »). - Remarquable efficacité aussi dans la présentation de la situation de disgrâce de Don Salluste dès le vers 4 « - renvoyé, disgracié, chassé ! - ». Quelques vers suffisent à Hugo pour évoquer le passé : « pour une amourette » (v6) / « Ordre de l'épouser. Je refuse. On m'exile ! » (v13) acc. Rythme ternaire. - Les didascalies qui décrivent les costumes des personnages participent aussi à cette efficacité : d'emblée, le spectateur est à même de deviner le statut social des différents personnages (p. ex. « Toison d'or » / « riche manteau » / « épée » / « chapeau » : autant de signes distinctifs de la noblesse de Don Salluste ; même remarque pour Ruy Blas et Gudiel dont le statut social est apparent dans les vêtements) Reprise du procédé classique de la scène de confidence pour la présentation de l'essentiel de l'intrigue (voir, par exemple, Racine au début de Phèdre qui s'ouvre sur un dialogue entre Hippolyte et son précepteur Théramène, ou Molière dans l'exposition des Fourberies de Scapin qui débute par un échange entre Octave et Sylvestre, Ce procédé s'inscrit dans le respect de la règle de la vraisemblance Vraisemblance encore dans la disproportion de la parole L'installation d'un univers proche du théâtre classique par certains aspects - L'univers de la pièce semble proche de celui de la tragédie par certains aspects : - une cour royale (« le palais du roi à Madrid »), - des personnages de haut-rang (le roi « Charles II », la « reine », un grand d'Espagne qui porte la « toison d'or »), - la thématique du pouvoir (cf. champ lexical du pouvoir : « règne » v3, « ambition » v15, « président » v16, « pouvoir » v19, « charges, emplois, honneurs » v21, « mes états » v38, « le maître » v42), Certains aspects par lesquels cette scène se rapproche néanmoins de la tradition classique Une rupture annoncée dès le premier vers et le titre - Première réplique indigne et révoltante pour les partisans du classicisme (« Ruy Blas, fermez la porte, - ouvrez cette fenêtre »), car prosaïsme (=qui est banal, commun, bassement matériel ou vulgaire, sans distinction) de la parole + statut de simple laquais du héros qui donne son titre à la pièce. - Le titre de Ruy Blas appelle quelques commentaires : - Dans la tragédie classique du XVII, le nom du personnage principal (de rang élevé, roi, reine ou prince, héros mythologiques, ...) donne souvent son titre à l'oeuvre (voir par ex. Phèdre, Andromaque, ... de Racine ; Médée, Le Cid, Horace pour Corneille) - En revanche, la comédie classique qui met en scène des personnages d'une condition inférieure (bourgeois, petite noblesse, valets, ...) porte souvent pour titre le vice qu'elle dénonce (p. ex Molière avec L'Avare, Le Misanthrope, Les Précieuses ridicules, ...) - Il s'agit donc ici d'ores et déjà d'une première rupture avec la tradition classique, puisqu'un simple laquais, Ruy Blas, le valet de Don Salluste, donne son titre à la pièce. le mélange des genres et le traitement du vers - Le drame romantique se définit par le mélange des genres (cf. préface de Ruy Blas « le drame tient de la tragédie par 2 « Toutes les pensées du poète, soit pour les décorations du théâtre, soit pour les mouvements de ses personnages, habillement et gestes nécessaires à l'intelligence du sujet, doivent être exprimées par les vers qu'il fait réciter » in Pratique du théâtre, L'abbé d'Aubignac (1657)la peinture des passions, et de la comédie par la peinture des caractères »). Ici, la scène relève : - du mélodrame : un « donzelle » innocente est victime d'un odieux personnage malfaisant, Don Salluste, qui ressemble fort au traître de mélodrame (habillé de noir, rusé, intriguant, foncièrement mauvais) qui fomente de sombres machinations. Les « petites portes », l'escalier « étroit », l'heure encore noyée de pénombre, ... autant d'éléments qui participent à l'installation d'une atmosphère propre au mélodrame. - de manière moins sensible, de la tragédie par certains aspects : cf. analyse du I.c - et, moins sensiblement encore, de la comédie : cf. Ic + l'épisode du « pourpoint » trop serré de Don Salluste vers 26-27 + la grandiloquence parfois ridicule de Don Salluste. Conclusion :... (+ouverture : Lorenzaccio-de Musset)

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