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A. H. DE DAMPMARTIN (1755-1825) Les romans de « l’horreur révoltante »

Publié le 14/01/2018

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cherche dans les livres que des distractions, la fantaisie exerce un pouvoir absolu : bientôt blasée, elle éprouve aujourd'hui du dégoût pour ce qui, la veille, faisait ses délices. Des moyens extraordinaires deviennent seuls capables de la réveiller : les incidents peu vraisemblables finissent eux-mêmes par devenir fades et sont remplacés par des prodiges qui violent toutes les lois de la nature. C'est ainsi qu'après nous avoir longtemps promenés dans des ruines et pris des tours menaçantes, les romanciers ont enS'Uite étonné notre imagination par les cris funèbres des oiseaux de nuit, par le bruissement des orages, par les éclats de la foudre et par la fureur des combats. Réduits maintenant aux dernières ressources, ils invoquent les ombres et nous entourent de spectres. Les tombeaux, quoiqu'éclairés par des lampes sépulcrales, ne sauraient plus émouvoir aucune de nos fibres, à moins que les dépouilles qu'ils renferment ne reçoivent du mouvement et ne prennent même la parole. Cette horreur révoltante s'évanouira par degrés pour faire place à des teintes plus douces, dont l'œil attentif reconnaît avec transport les premières nuances, depuis que la voix de la justice et celle de l'humanité se font entendre.

 

Des Romans, Paris, Duraucoy, 1803, pp. 55 sq.

A. H. DE  DAMPMARTIN (1755-1825)

Les romans de « l’horreur révoltante »

L'abondance des romans est liée, selon Dampmartin, aux secousses politiques qui ont agité la France, Le public a cherché dans le roman une distraction. Et les auteurs ont dû, pour parvenir à le distraire, se livrer à une surenchère...

 

La lecture immodérée des Romans traîne à sa suite une foule d'inconvénients; entre autres, elle donne toutes les heures à la dissipation et n'en laisse aucune pour l'étude ; ( . . .) elle enflamme des passions qu'il est toujours avantageux de calmer. L'on ne peut donc que gémir sur la monstrueuse et stérile abondance qui, depuis quelques années, nous inonde de romans. Provient-elle d'une dépravation du goût ? Ne doit-elle pas être plutôt rangée parmi les suites des événements extraordinaires dont, durant le long cours de violents orages, les Français ont été les témoins, les acteurs et les victimes ? Des hommes plongés dans le tumulte des crises politiques, froissés par des maux intérieurs, enivrés par une gloire éclatante, goûtent mal les charmes d'une lecture suivie, encore moins ceux des méditations studieuses. Les débats violents, les cris de la douleur, les plaintes de la misère, le fracas du luxe et les chants de victoire nous ont longtemps harassés. Quelques heures de dissipation devenaient alors précieuses et même nécessaires. Cet avantage qui se rencontrait dans les romans a produit leur multiplicité, mais quelle cause nous condamne à payer la jouissance d'un bon roman par l'ennui de cent qui sont au-dessous du médiocre ? ( . . . ) Lorsque l'on ne

« cherche dans les livres que des distracti ons, la fantaisie exerce un pouvoir absolu : bientôt blasée, elle éprou ve aujourd' hui du dégoût pour ce qui, la veil le, faisait ses délices.

Des moyens extraordina ires deviennent seuls capa bles de la réveiller : les incide nts peu vraisemblables finissen t eux-mê mes par devenir fades et son t remplacés par des prodiges qui violent toutes les lois de la na ture.

C' est ainsi qu'après nous avoir longtem ps pro menés dans des ruines et pris des tours menaçantes, les roman ciers ont enS'Uite étonné notre imaginati on par les cris funèbres des oiseaux de nuit, par le bruiss ement des orages, par les éclats de la foud re et par la fureur des com bats.

Rédu its maintenan t aux dernières ressources, ils invoquent les ombres et nou s entou rent de spec tres.

Les tombeaux, quoiqu'éc lairés par des lampes sépu lcrales, ne sauraient plus émouvoir aucune de nos fibres , à moins que les dépouilles qu'ils renferment ne reçoivent du mouvement et ne prennen t même la parole .

Cette horreur révoltante s'évanou ira par degrés pour faire place à des teintes plus douces, dont l'œil attentif reconnaît avec transport les pre mières nuances, depuis que la voix de la justice et celle de l'human ité se font entend re.

Des Romans, Paris, Duraucoy, 1803, pp.

55 sq.. »

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