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Anie --C'est ça le commerce: des faillites à l'étranger suspendent depuis deux mois les acceptations de mes traites et, de mon côté, je suis engagé pour de grosses sommes.

Publié le 11/04/2014

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Anie --C'est ça le commerce: des faillites à l'étranger suspendent depuis deux mois les acceptations de mes traites et, de mon côté, je suis engagé pour de grosses sommes. --Mais je n'ai pas 80,000 fr.; le mariage de ma fille, son établissement, les frais que je fais dans cette propriété... --C'est ta signature que je te demande. --Signer, c'est payer. --Pas avec moi. Viens à la maison, je te montrerai mes livres; c'est d'une situation accidentellement gênée qu'il s'agit, et nullement désespérée. Barincq était bouleversé: libre, maître de sa fortune, il eût donné sans hésitation la signature que ce camarade, ce vieil ami lui demandait si franchement, avec la conviction évidemment qu'on ne pouvait pas la refuser; mais il n'était ni l'un ni l'autre, ce ne serait pas sa signature qu'il engagerait, ce serait celle de Sixte. --Sais-tu, dit-il avec embarras, que si depuis que je suis de retour dans ce pays j'avais prêté tout ce qu'on m'a demandé, il ne me resterait pas grand chose? --Combien as-tu prêté? --Rien. --Alors il te reste tout. --Mais... --Enfin, peux-tu ou ne peux-tu pas faire ce que je te demande? Il y eut un moment de silence, cruel pour tous les deux, et plus encore peut-être pour celui qui ne répondait pas que pour celui qui attendait. Mais Pédebidou était un homme résolu et de premier mouvement; il se leva. --C'est bien, dit-il, tu es un mauvais riche; je regrette, je regrette bien sincèrement de t'avoir mis dans la nécessité de me le montrer; je n'aurais pas cru cela d'un homme qui a tant souffert de la pauvreté. --Je t'assure que je ne peux pas. --Ta fortune est à toi. --Non, à mes enfants. --Adieu. Barincq passa une nuit terrible; le lendemain il partait pour Bayonne par le premier train, et en arrivant courait à la maison de commerce de son cousin. --Je t'apporte ma signature, dit-il en entrant dans le bureau où Pédebidou, tout seul, dépouillait son courrier. II 133 Anie En entendant ces quelques paroles Pédebidou se leva vivement et, venant à lui, il l'embrassa: --Fais préparer les traites, dit Barincq se méprenant sur les causes de cette émotion. --Tu ne sauras jamais combien ta générosité me touche, mais il est trop tard, mon pauvre ami, je ne peux accepter ta signature. --Tu me refuses! dit Barincq. --Hier, je pouvais te la demander parce que j'étais certain que ton argent ne courrait aucun risque; aujourd'hui que je sais qu'il serait perdu je ne peux pas te le prendre; je viens d'apprendre de nouvelles faillites, c'est fini pour moi. Malgré le chagrin que lui causait cette nouvelle, Barincq eut l'humiliation de sentir que d'un autre côté il éprouvait un soulagement. --Mon pauvre ami, dit-il, mon pauvre ami! Et pendant quelques instants ils s'entretinrent de ce désastre. Mais, quand Barincq fut dans la rue, il eut la stupeur de reconnaître qu'une fois encore il était bien le mauvais riche qu'avait dit son cousin. Il ne le serait pas plus longtemps. III Il fallait donc que le testament fût remis à Sixte et que la fortune qu'il lui léguait passât tout entière entre ses mains. Son repos, sa dignité, son honnêteté, le voulaient ainsi. D'ailleurs pas si héroïque qu'elle paraissait au premier abord, cette restitution; que la fortune de Gaston restât entre ses mains, ou passât entre celles de son gendre, ce serait toujours Anie qui en profiterait, car Sixte, droit et sage tel qu'il le connaissait, était incapable de la gaspiller ou d'en mal user. Pour accomplir cette remise du testament, une difficulté se présentait devant laquelle il resta embarrassé un certain temps. Le mieux assurément serait que Sixte le trouvât, par hasard, dans le bureau de Gaston, comme lui-même l'avait trouvé; mais pour cela il fallait commencer par l'introduire dans ce bureau; et, comme il n'en avait plus la clé, ce moyen n'était pas praticable, et il dut recourir à un autre plus simple encore. Un dimanche soir que Sixte repartait en voiture avec Anie pour Bayonne, il lui remit une liasse de papiers en prenant un air aussi indifférent qu'il pût. --Qu'est-ce que tu veux que nous fassions de cela, papa? demanda-t-elle. --Cela ne te regarde pas: ce sont des papiers qui concernent Sixte et qu'il aura intérêt à lire, je pense un jour de loisir. III 134

« En entendant ces quelques paroles Pédebidou se leva vivement et, venant à lui, il l'embrassa: —Fais préparer les traites, dit Barincq se méprenant sur les causes de cette émotion. —Tu ne sauras jamais combien ta générosité me touche, mais il est trop tard, mon pauvre ami, je ne peux accepter ta signature. —Tu me refuses! dit Barincq. —Hier, je pouvais te la demander parce que j'étais certain que ton argent ne courrait aucun risque; aujourd'hui que je sais qu'il serait perdu je ne peux pas te le prendre; je viens d'apprendre de nouvelles faillites, c'est fini pour moi. Malgré le chagrin que lui causait cette nouvelle, Barincq eut l'humiliation de sentir que d'un autre côté il éprouvait un soulagement. —Mon pauvre ami, dit-il, mon pauvre ami! Et pendant quelques instants ils s'entretinrent de ce désastre. Mais, quand Barincq fut dans la rue, il eut la stupeur de reconnaître qu'une fois encore il était bien le mauvais riche qu'avait dit son cousin. Il ne le serait pas plus longtemps. III Il fallait donc que le testament fût remis à Sixte et que la fortune qu'il lui léguait passât tout entière entre ses mains. Son repos, sa dignité, son honnêteté, le voulaient ainsi. D'ailleurs pas si héroïque qu'elle paraissait au premier abord, cette restitution; que la fortune de Gaston restât entre ses mains, ou passât entre celles de son gendre, ce serait toujours Anie qui en profiterait, car Sixte, droit et sage tel qu'il le connaissait, était incapable de la gaspiller ou d'en mal user. Pour accomplir cette remise du testament, une difficulté se présentait devant laquelle il resta embarrassé un certain temps. Le mieux assurément serait que Sixte le trouvât, par hasard, dans le bureau de Gaston, comme lui-même l'avait trouvé; mais pour cela il fallait commencer par l'introduire dans ce bureau; et, comme il n'en avait plus la clé, ce moyen n'était pas praticable, et il dut recourir à un autre plus simple encore. Un dimanche soir que Sixte repartait en voiture avec Anie pour Bayonne, il lui remit une liasse de papiers en prenant un air aussi indifférent qu'il pût. —Qu'est-ce que tu veux que nous fassions de cela, papa? demanda-t-elle. —Cela ne te regarde pas: ce sont des papiers qui concernent Sixte et qu'il aura intérêt à lire, je pense un jour de loisir.

Anie III 134. »

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