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AUGUSTIN THIERRY (1795-1856). Meurtre de Thomas Becket

Publié le 03/05/2011

Extrait du document

augustin

Augustin Thierry publia, en 1825, l'Histoire de la conquête de l' Angleterre par les Normands (4 vol.). Puis il devint aveugle; mais il continua, avec l'aide de sa femme et de ses secrétaires, à préparer de nouveaux ouvrages, et il donna encore : les Récits des temps mérovingiens (1833-40), les Considérations sur l'histoire de France (184o) et l'Essai sur le Tiers État (1845). Augustin Thierry est guidé dans ses études par une idée générale : l'antagonisme persistant entre la race conquérante et la race conquise. Il développe aisément cette thèse pour l'Angleterre ; mais il exagère quand il veut expliquer par là, en France, les conflits de la noblesse (franque) avec la bourgeoisie (gallo-romaine). On peut reprocher à Thierry de n'avoir pas toujours su distinguer ni établir la valeur critique des documents qu'il utilisait, et d'avoir cru sans contrôle à leur authenticité. Mais si, sous ce rapport, son oeuvre a subi, en un temps où nous sommes devenus plus scrupuleux, une certaine . dépréciation, son style à la fois simple et coloré assure à son oeuvre plus de durée.  

Meurtre de Thomas Becket (1823).

L'archevêque de Canterbury, Thomas Bechet, se fit le défenseur des Anglais de race contre les barons normands et contre le roi d'Angleterre Henri II; de plus, protestait contre les Statuts de Clarendon, qui asservissaient le clergé d'Angleterre. Le roi résolut de s'en débarrasser, et envoya contre lui quatre chevaliers suivis de plusieurs hommes d'armes. — La narration d'Augustin Thierry est faite d'après des documents; chaque phrase est, dans l'édition complète, appuyée par une citation. Aussi est-on frappé par le ton très simple, presque sec, de ce récit : ce sont les faits qui parlent, et non l'auteur. Celui-ci nous laisse le soin de réfléchir et de nous émouvoir. Il ne nous impose pas sa personnalité. Thomas Becket venait d'achever Son repas du matin, et ses serviteurs étaient encore à table; il salua les Normands à leur entrée et demanda le sujet de leur visite. Ceux-ci ne lui firent aucune réponse intelligible, s'assirent et le regardèrent fixement pendant quelques minutes. Renault, fils d'Ours, prit ensuite la parole : « Nous venons, dit-il, de la part du roi pour que les excommuniés soient absous, que les évêques suspendus soient rétablis et que vous-même donniez raison de vos desseins contre le roi. — Ce n'est pas moi, répondit Thomas, c'est le souverain pontife lui-même qui a excommunié l'archevêque d'York, et qui seul, par conséquent, a droit de l'absoudre. Quant aux autres, je les rétablirai, s'ils veulent me faire leur soumission. — Mais de qui donc, demanda Renault, tenez-vous votre archevêché? Est-ce du roi ou du pape? — J'en tiens les droits spirituels de Dieu et du pape, et les droits temporels du roi. — Quoi ! ce n'est pas le roi qui vous a tout donné? — Aucunement «, répondit Becket. Les Normands murmurèrent à cette réponse, traitèrent la distinction d'argutie, et firent des mouvements d'impatience, s'agitant sur leur siège et tordant leurs gants, qu'ils tenaient à la main. « Vous me menacez, à ce que je crois, dit le primat, mais c'est inutilement ; quand toutes les épées de l'Angleterre seraient tirées contre ma tête, vous ne gagneriez rien sur moi. — Aussi ferons-nous mieux que menacer «, répliqua le fils d'Ours, se levant tout à cour; et les autres le suivirent vers la porte, en criant : « Aux armes! « La porte de l'appartement fut fermée aussitôt derrière eux : Renault s'arma dans l'avant-cour, et prenant une hache des mains du charpentier qui travaillait, il frappa contre la porte pour l'ouvrir ou la briser. Les gens de la maison, entendant des coups de hache, supplièrent le primat de se réfugier dans l'église, qui communiquait à son appartement par un cloître ou une galerie; il ne le voulut point ; et on allait l'entraîner de force, quand un des assistants fit remarquer que l'heure des vêpres avait sonné. « Puisque c'est l'heure de mon devoir, j'irai à l'église «, dit l'archevêque; et, faisant porter sa croix devant lui, il traversa le cloître à pas lents, puis marcha vers le grand autel, séparé de la nef par une grille de fer entr'ouverte. A peine il avait les pieds sur les marches de l'autel, que Renault, fils d'Ours, parut à l'autre bout de l'église, revêtu de sa cotte de mailles, tenant à la main sa large épée à deux tranchants, et criant : « A moi! à moi! loyaux servants du roi. « Les autres conjurés le suivirent de près, armés comme lui de la tête aux pieds, et brandissant leurs épées. Les gens qui étaient avec le primat voulurent alors fermer la grille du choeur ; lui-même le leur défendit, et quitta l'autel pour les en empêcher; ils le conjurèrent, avec de grandes instances, de se mettre en sûreté dans l'église souterraine, ou de monter l'escalier par lequel, à travers beaucoup de détours, on parvenait au faîte de l'édifice. Ces deux conseils furent repoussés aussi positivement que les premiers. Pendant ce temps, les hommes armés s'avançaient, une voix cria : « Où est le traître? « Becket ne répondit rien. « Où est l'archevêque? — Le voici, répondit Becket ; mais il n'y a pas de traître ici. Que venez-vous faire dans la maison de Dieu avec un pareil vêtement? quel est votre dessein.? — Que tu meures. — Je m'y résigne; vous ne me verrez point fuir devant vos épées; mais, au nom de Dieu tout-puissant, je vous défends de toucher à aucun de mes compagnons, clerc ou laïc, grand ou petit. « Dans ce moment il reçut par derrière un coup de plat d'épée entre les épaules ; et celui qui le lui porta lui dit : « Fuis, ou tu es mort. « Il ne fit pas un mouvement ; les hommes d'armes entreprirent de le tirer hors de l'église, se faisant scrupule de l'y tuer. Il se débattit contre eux, et déclara fermement qu'il ne sortirait point, et les contraindrait à exécuter sur la place même leurs intentions ou leurs ordres.... Guillaume de Tracy leva son épée, et d'un même coup de revers trancha la main d'un moine saxon appelé Edward Grimm (2), et blessa Becket à la tête. Un second coup, porté par un autre Normand, le renversa la face contre terre; un troisième lui fendit le crâne, et fut assené avec une telle violence, que l'épée se brisa sur le pavé. Un homme d'armes, appelé Guillaume Maltret, poussa du pied le cadavre immobile, en disant : « Qu'ainsi meure le traître qui a troublé le royaume et fait insurger les Anglais! «

(Histoire de la conquête de l'Angleterre, livre IX.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Nature du morceau : une narration d'un puissant intérêt dramatique. — Quels sont les personnages mis en présence? Pourquoi les chevaliers normands sont-ils envoyés auprès de Thomas Becket? (dire qui les envoie); Comment vous apparaît l'archevêque? De quelles qualités fait-il preuve? (le calme, une inébranlable fermeté, le mépris de la mort); Quelle impression produisent en vous ses paroles et son attitude? Par quoi est assurée l'unité de ce récit? (Le lecteur s'intéresse vivement au sort de Thomas Becket, dont la belle figure domine toute cette scène de meurtre...).

II. — L'analyse du morceau.— L'action, comme dans toute narration, présente un certain nombre de phases : distinguez-les : a) L'entrée des chevaliers normands dans l'appartement de Thomas Becket, leurs paroles, leur sortie menaçante; b) Les supplications adressées à l'archevêque par les gens de sa maison; c) Sa décision; d) L'entrée des chevaliers normands, armés, dans l'église; e) Le dialogue; f) Le refus de s'enfuir; g) Le meurtre; Il est deux dialogues dans ce récit : détachez-les de l'ensemble; Quels caractères offrent-ils? Pourquoi l'archevêque se décide-t-il à entrer dans l'église? Pour quelle raison traverse-t-il le cloître à pas lents? Les hommes d'armes essaient de tirer- l'archevêque hors de l'église : pourquoi?

III. — Le style ; — les expressions. — Quelles sont les qualités dominantes du style dans ce récit? (la simplicité; rien d'outré, rien de théâtral; — la sobriété; l'auteur ne dit que ce qui est rigoureusement nécessaire; il ne cherche pas à émouvoir le lecteur, il se borne à laisser parler les faits; — le pittoresque; dans la description d'une scène de violence ou de meurtre, les mots doivent faire image, en effet, et laisser une vive impression dans l'esprit du lecteur). Faites ressortir ces qualités par l'étude de quelques passages bien choisis; Commentez cette phrase : Ils traitèrent la distinction d'argutie; Quel est le sens de chacune des expressions suivantes : aucune réponse intelligible, — les évêques suspendus, — de grandes instances?

IV. — La grammaire. — Indiquez un nom de la même famille que chacun des verbes suivants : tuer, briser, insurger, absoudre; Quelle est la composition des mots : archevêque, excommuniés? Distinguez les propositions contenues dans la dernière phrase du morceau (Qu'ainsi meure le traître...); Nature e fonction de chacun des mots suivants Qu'ainsi meure le traître !

Rédaction. — La narration qui vient d'être étudiée a tout l'intérêt d'un drame. Indiquez-en l'exposition, les principales scènes, le dénouement. Dites l'impression qu'en laisse en vous la lecture.

augustin

« QUESTIONS D'EXAMEN I.

— L'ensemble.

— Nature du morceau : une narration d'un puissant intérêt dramatique.

— Quels sont lespersonnages mis en présence? Pourquoi les chevaliers normands sont-ils envoyés auprès de Thomas Becket? (direqui les envoie); Comment vous apparaît l'archevêque? De quelles qualités fait-il preuve? (le calme, une inébranlablefermeté, le mépris de la mort); Quelle impression produisent en vous ses paroles et son attitude? Par quoi estassurée l'unité de ce récit? (Le lecteur s'intéresse vivement au sort de Thomas Becket, dont la belle figure dominetoute cette scène de meurtre...). II.

— L'analyse du morceau.— L'action, comme dans toute narration, présente un certain nombre de phases :distinguez-les : a) L'entrée des chevaliers normands dans l'appartement de Thomas Becket, leurs paroles, leur sortiemenaçante; b) Les supplications adressées à l'archevêque par les gens de sa maison; c) Sa décision; d) L'entréedes chevaliers normands, armés, dans l'église; e) Le dialogue; f) Le refus de s'enfuir; g) Le meurtre;Il est deux dialogues dans ce récit : détachez-les de l'ensemble; Quels caractères offrent-ils? Pourquoi l'archevêquese décide-t-il à entrer dans l'église? Pour quelle raison traverse-t-il le cloître à pas lents? Les hommes d'armesessaient de tirer- l'archevêque hors de l'église : pourquoi? III.

— Le style ; — les expressions.

— Quelles sont les qualités dominantes du style dans ce récit? (la simplicité; riend'outré, rien de théâtral; — la sobriété; l'auteur ne dit que ce qui est rigoureusement nécessaire; il ne cherche pasà émouvoir le lecteur, il se borne à laisser parler les faits; — le pittoresque; dans la description d'une scène deviolence ou de meurtre, les mots doivent faire image, en effet, et laisser une vive impression dans l'esprit dulecteur).

Faites ressortir ces qualités par l'étude de quelques passages bien choisis; Commentez cette phrase : Ilstraitèrent la distinction d'argutie; Quel est le sens de chacune des expressions suivantes : aucune réponseintelligible, — les évêques suspendus, — de grandes instances? IV.

— La grammaire.

— Indiquez un nom de la même famille que chacun des verbes suivants : tuer, briser, insurger,absoudre; Quelle est la composition des mots : archevêque, excommuniés? Distinguez les propositions contenuesdans la dernière phrase du morceau (Qu'ainsi meure le traître...); Nature e fonction de chacun des mots suivantsQu'ainsi meure le traître ! Rédaction.

— La narration qui vient d'être étudiée a tout l'intérêt d'un drame.

Indiquez-en l'exposition, les principalesscènes, le dénouement.

Dites l'impression qu'en laisse en vous la lecture.. »

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