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avenir !

Publié le 01/11/2013

Extrait du document

avenir !... Enfin, si jusqu'ici j'ai été maître de lui, à son tour, il devient maître de moi ! « La situation était bien telle que la voyait Sarcany. Il ne pouvait se faire d'illusion sur la valeur morale de son complice. Il lui avait autrefois donné des leçons : Silas Toronthal ne regarderait pas à en profiter, lorsqu'il n'aurait plus rien à perdre. Sarcany se demandait donc ce qu'il conviendrait de faire. Ainsi absorbé dans ses réflexions, il ne vit rien de ce qui se passait à l'entrée du port de Monaco, à quelques centaines de pieds audessous de lui. À une demi-encablure au large, un long fuseau, sans mât ni cheminée, glissait au ras de la mer, dont sa coque n'excédait la surface que de deux ou trois pieds. Bientôt, après s'être peu à peu rapproché de la pointe Focinana, au-dessous du tir aux pigeons de Monte-Carlo, il vint chercher des eaux plus tranquilles à l'abri du ressac. Alors se détacha une légère yole de tôle, qui était comme incrustée au flanc de ce bateau presque invisible. Trois hommes y prirent place. En quelques coups d'aviron, ils eurent atteint une petite grève sur laquelle ils débarquèrent à deux, tandis que le troisième ramenait la yole à bord. Quelques instants plus tard, la mystérieuse embarcation, qui n'avait trahi sa présence ni par une lueur ni par un bruit, s'était perdue dans l'ombre, sans avoir laissé trace de son passage. Quant aux deux hommes, dès qu'ils eurent dépassé la petite grève, ils suivirent la lisière des roches en se dirigeant vers la gare du chemin de fer, et ils remontèrent l'avenue des Spelugues qui contourne les jardins de Monte-Carlo. Sarcany n'avait rien vu. En ce moment, sa pensée l'entraînait loin de Monaco, du côté de Tétuan... Mais il n'y allait pas seul, il forçait son complice à l'accompagner. « Silas, maître de moi !... se répétait-il, Silas, pouvant d'un mot m'empêcher d'atteindre mon but !... Jamais !... Si demain le jeu ne nous a pas rendu ce qu'il nous a pris, je saurai bien l'obliger à me suivre !... Oui !... à me suivre jusqu'à Tétuan, et là, sur cette côte du Maroc, qui s'inquiétera de Silas Toronthal, s'il vient à disparaître ? « On le sait, Sarcany n'était pas homme à reculer devant un crime de plus, surtout quand les circonstances, l'éloignement du pays, la sauvagerie de ses habitants, l'impossibilité de rechercher et de retrouver le coupable, en rendraient l'accomplissement si facile. Son plan étant combiné de la sorte, Sarcany referma sa fenêtre, se coucha et ne tarda pas à s'endormir, sans que sa conscience eut été troublée d'aucun remords. Il n'en fut pas ainsi de Silas Toronthal. Le banquier passa une nuit horrible. De sa fortune d'autrefois, que lui restait-il ? À peine deux cent mille francs, épargnés par le jeu, et encore n'en était-il plus le maître ! C'était la mise d'une dernière partie ! Ainsi le voulait son complice, ainsi il le voulait lui-même. Son cerveau affaibli, empli de calculs chimériques, ne lui permettait plus de raisonner froidement ni juste. Il était même incapable - en ce moment, du moins - de se rendre compte de sa situation comme l'avait fait Sarcany. Il ne se disait pas que les rôles étaient changés, qu'il tenait maintenant en son pouvoir celui qui l'avait tenu si longtemps dans le sien. Il ne voyait que le présent avec sa ruine immédiate, et ne songeait qu'à la journée du lendemain, qui le remettrait à flot ou le jetterait au dernier degré de la misère. Telle fut cette nuit pour les deux associés. Si elle permit à l'un de prendre quelques heures de repos, elle laissa l'autre se débattre dans toutes les angoisses de l'insomnie. Le lendemain, vers dix heures, Sarcany rejoignit Silas Toronthal. Le banquier, assis devant sa table, s'entêtait à couvrir de chiffres et de formules les pages de son carnet. « Eh bien, Silas, lui demanda-t-il d'un ton léger - le ton d'un homme qui ne veut pas accorder aux misères de ce monde plus d'importance qu'elles ne le méritent, - eh bien, dans vos rêves, avez-vous donné la préférence à la rouge ou à la noire ? - Je n'ai pas dormi un seul instant !... non !... Pas un seul ! répondit le banquier. - Tant pis, Silas, tant pis !... Aujourd'hui il faut avoir du sang-froid, et quelques heures de repos vous eussent été nécessaires ! Voyez-moi ! Je n'ai fait qu'un somme, et je suis dans de bonnes conditions pour lutter contre la fortune ! C'est une femme, après tout, et elle aime les gens qui sont capables de la dominer ! - Elle nous a trahis, cependant ! - Bah !... Un simple caprice !... Et son caprice passé, elle nous reviendra ! « Silas Toronthal ne répondit rien. Entendait-il même ce que lui disait Sarcany, tandis que ses yeux ne quittaient pas la feuille du carnet, sur lequel il avait tracé ses inutiles combinaisons ? « Que faisiez-vous donc là ? demanda Sarcany. Des marches, des martingales ?... Diable !... Vous me paraissez bien malade, mon cher Silas !... Il n'y a pas de calculs auxquels on puisse soumettre le hasard, et c'est le hasard seul qui se prononcera pour ou contre nous aujourd'hui ! - Soit ! répondit Silas Toronthal, après avoir fermé son carnet. - Eh ! sans doute, Silas !... Je ne connais qu'une manière de le diriger, ajouta Sarcany ironiquement. Mais, pour cela, il faut avoir fait des études spéciales... et notre éducation est incomplète sur ce point ! Donc, tenons-nous-en à la chance !... Elle a été pour la banque hier ! Il est possible qu'elle l'abandonne aujourd'hui !... Et si cela est, Silas, le jeu nous rendra tout ce qu'il nous a pris ! - Tout !... - Oui, tout, Silas ! Mais pas de découragement ! Au contraire, de la hardiesse et du sang-froid ! - Et, ce soir, si nous sommes ruinés ? reprit le banquier, qui vint regarder Sarcany en face. - Eh bien, nous quitterons Monaco ! - Pour aller où ?... s'écria Silas Toronthal. Ah ! maudit soit le jour où je vous ai connu, Sarcany, le jour où j'ai réclamé vos services !... Je n'en serais pas arrivé où j'en suis ! - Il est un peu tard pour récriminer, mon cher ! répondit l'impudent personnage, et un peu trop commode de désavouer les gens, quand on s'en est servi ! - Prenez garde ! s'écria le banquier. - Oui !... Je prendrai garde ! « murmura Sarcany. Et cette menace de Silas Toronthal ne put que le fortifier dans son projet de le mettre hors d'état de lui nuire. Puis reprenant : « Mon cher Silas, dit-il, ne nous fâchons pas ! À quoi bon ?... Cela excite les nerfs, et il ne faut pas être nerveux aujourd'hui !... Ayez confiance, et ne désespérez pas plus que moi !... Si, par malheur, la déveine s'acharnait encore contre nous, n'oubliez pas que d'autres millions m'attendent et que vous en aurez votre part ! - Oui !... oui !... Il me faut ma revanche ! reprit Silas Toronthal, en qui reparut l'instinct du joueur, un moment détourné. Oui ! la banque a été trop heureuse hier, et ce soir... - Ce soir, nous serons riches, très riches, s'écria Sarcany, et je vous promets, Silas, que, cette fois, nous ne reperdrons pas ce que nous aurons regagné ! Quoi qu'il arrive, d'ailleurs, demain nous quitterons Monte Carlo !... Nous partirons... - Pour ? - Pour Tétuan, où nous avons une dernière partie à jouer, et la belle, celle-là, la belle ! «

« conditions pourlutter contre lafortune ! C’estunefemme, aprèstout,etelle aime lesgens qui sont capables deladominer ! – Elle nousatrahis, cependant ! – Bah !… Unsimple caprice !… Etson caprice passé,ellenous reviendra ! » Silas Toronthal nerépondit rien.Entendait-il mêmeceque luidisait Sarcany, tandisqueses yeux nequittaient paslafeuille ducarnet, surlequel ilavait tracé sesinutiles combinaisons ? « Que faisiez-vous donclà ?demanda Sarcany.Desmarches, desmartingales ?… Diable !…Vous me paraissez bienmalade, moncherSilas !… Iln’y apas decalculs auxquels onpuisse soumettre lehasard, etc’est lehasard seulquiseprononcera pouroucontre nousaujourd’hui ! – Soit ! répondit SilasToronthal, aprèsavoirfermé soncarnet. – Eh ! sansdoute, Silas !… Jene connais qu’unemanière delediriger, ajoutaSarcany ironiquement.

Mais,pourcela,ilfaut avoir faitdes études spéciales… etnotre éducation est incomplète surcepoint ! Donc,tenons-nous-en àla chance !… Elleaété pour labanque hier !Il est possible qu’ellel’abandonne aujourd’hui !… Etsicela est,Silas, lejeu nous rendra toutce qu’il nous apris ! – Tout !… – Oui, tout,Silas ! Maispasdedécouragement ! Aucontraire, delahardiesse etdu sang-froid ! – Et, cesoir, sinous sommes ruinés ?repritlebanquier, quivint regarder Sarcanyenface. – Eh bien, nousquitterons Monaco ! – Pour alleroù ?… s’écria SilasToronthal.

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Oui !labanque aété trop heureuse hier,etce soir… – Ce soir,nous serons riches,trèsriches, s’écriaSarcany, etjevous promets, Silas,que,cette fois, nous nereperdrons pasceque nous aurons regagné ! Quoiqu’ilarrive, d’ailleurs, demain nous quitterons MonteCarlo !… Nouspartirons… – Pour ? – Pour Tétuan, oùnous avons unedernière partieàjouer, etlabelle, celle-là, labelle ! ». »

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