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BÉRANGER (1780-1857). Le Roi d'Yvetot

Publié le 20/06/2011

Extrait du document

Béranger dut à ses chansons la popularité et la gloire. Libéral sous la Restauration, il chanta les soldats de l'Empire avec émotion et persifla le pouvoir avec esprit Ses chansons, qui paraissaient dans les journaux, et couraient les salons et les cafés, formèrent successivement trois recueils, en 1815, en i8zi et en 1833. Bien qu'elles aient beaucoup perdu, puisque l'allusion en faisait presque tout le prix, quelques-unes survivent à leur succès d'actualité : la Sainte-Alliance, le Vieux drapeau, la Bonne vieille, les Hirondelles, le Vieux sergent, le Roi d' Yvetot.

Le Roi d'Yvetot (mai 1813).

Il était un roi d'Yvetot Peu connu dans l'histoire, Se levant tard, se couchant tôt, Dormant fort bien sans gloire, Et couronné par Jeanneton D'un simple bonnet de coton, Dit-on. Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah! Quel bon petit roi c'était là! La, la. Il faisait ses quatre repas Dans son palais de chaume, Et sur un âne, pas à pas, Parcourait son royaume. Joyeux, simple et croyant le bien, Pour toute garde il n'avait rien Qu'un chien. Oh! oh! etc... Il n'avait de goût onéreux Qu'une soif un peu vive; Mais, en rendant son peuple heureux, Il faut bien qu'un roi vive. Lui-même, à table et sans suppôt, Sur chaque muid levait un pot D'impôt. Oh! oh! etc... Il n'agrandit point ses États, Fut un voisin commode, Et, modèle des potentats, Prit le plaisir pour code. Ce n'est que lorsqu'il expira Que le peuple, qui l'enterra Pleura. Oh! oh! etc... On conserve encor le portrait De ce digne et bon prince. C'est l'enseigne d'un cabaret Fameux dans la province. Les jours de fête, bien souvent, La foule s'écrie en buvant Devant ; Oh! oh! etc...

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — La plupart des chansons de Béranger, si elles ont conservé leurs qualités de versification habile, ont perdu leur signification d'actualité politique et sociale. Or les contemporains ont surtout goûté ce sens relatif, aujourd'hui presque évaporé, — et qu'il est nécessaire de reconstituer si l'on veut s'expliquer leur prodigieux et peu durable succès. — Ainsi les chansons consacrées à Napoléon et à son armée, publiées sous la Restauration, avaient, de 182o à 1830, l'attrait d'une opposition libérale et bonapartiste. — Il en est de même avec le Roi d'Yvetot, dont on ne saisit plus le sens ironique et satirique, mais qui, en 1823, opposait la vulgarité du gouvernement de Louis XVIII à la grandeur épique de l'Empire.

II . — L'analyse du morceau. — Le premier couplet définit d'une façon générale, la personne et les moeurs de ce roi d'une petite ville provinciale. — Le second couplet donne en quelque sorte le programme de ses journées, et décrit son attitude officielle, son cortège et ses gardes. — Là il est représenté comme un bon vivant, avec une maligne allusion aux impôts. Il est pacifique; son peuple n'a pleuré qu'à ses funérailles. — Sa place dans l'histoire : son portrait est devenu l'enseigne d'un cabaret.

III.— Le style. — Ton de la chanson populaire, sans aucune recherche apparente. Mais, bien étudié, ce style paraît très savant. Les termes en sont choisis pour former des antithèses très spirituelles. Ainsi, ce roi d'Yvetot est couronné... mais d'un bonnet de coton; — et par qui? par Jeanneton, sa servante: — Il habite un palais.... de chaume. Il parcourt son royaume, mais pas à pas, et sur un âne. — Pour garde, il n'a qu'un chien. — Les rois ont souvent des goûts onéreux, dont souffre le peuple; — pour lui, il ne lève comme impôt qu'un pot par muid de vin, pour satisfaire sa soif un peu vive.

Rédaction. — Dans le cabaret à l'enseigne du roi d'Yvetot, un groupe (le touristes s'entretient de cette légende.

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