Devoir de Philosophie

  CAESONIA   Viens.

Publié le 15/12/2013

Extrait du document

  CAESONIA   Viens. Étends-toi près de moi. Mets ta tête sur       mes genoux. (Caligula obéit.) Tu es bien. Tout se tait.   CALIGULA   Tout se tait ! Tu exagères. N'entends-tu pas ces cliquetis de fers ? (On les entend.) Ne perçois-tu pas es mille petites rumeurs qui révèlent la haine aux aguets ?   Rumeurs.   CAESONIA   Personne n'oserait...   CALIGULA   Si, la bêtise.   CAESONIA   Elle ne tue pas. Elle rend sage.   CALIGULA   Elle est meurtrière, Caesonia. Elle est meurtrière lorsqu'elle se juge offensée. Oh ! ce ne sont pas ceux dont j'ai tué les fils ou le père qui m'assassineront. Ceux-là ont compris. Ils sont avec moi, ils ont le même goût dans la bouche. Mais les autres, ceux que j'ai moqués et ridiculisés, je suis sans défense contre leur vanité.   CAESONIA, avec véhémence.   Nous te défendrons, nous sommes encore nombreux à t'aimer.   CALIGULA   Vous êtes de moins en moins nombreux. J'ai fait ce qu'il fallait pour cela. Et puis, soyons justes, je n'ai pas seulement la bêtise contre moi, j'ai aussi la loyauté et le courage de ceux qui veulent être heureux.   CAESONIA, même jeu.   Non, ils ne te tueront pas. Ou alors quelque chose, venu du ciel, les consumerait avant qu'ils t'aient touché.   CALIGULA   Du ciel !, Il n'y a pas de ciel, pauvre femme. (Il s'assied.) Mais pourquoi tant d'amour, tout d'un coup, ce n'est pas dans nos conventions ?   CAESONIA, qui s'est levée et marche.   Ce n'est donc pas assez de te voir tuer les autres qu'il faille encore savoir que tu seras tué ? Ce n'est pas assez de te recevoir cruel et déchiré, de sentir ton odeur de meurtre quand tu te places sur mon entre ! Tous les jours, je vois mourir un peu plus en toi ce qui a figure d'homme. (Elle se tourne vers lui.) Je suis vieille et près d'être laide, je le sais. Mais le souci que j'ai de toi m'a fait maintenant une telle âme qu'il n'importe plus que tu ne m'aimes pas. Je voudrais seulement te voir guérir, toi qui es encore un enfant. Toute une vie devant toi ! Et que demandes-tu donc qui soit plus grand que toute une vie ?   CALIGULA, se lève et il la regarde.   Voici déjà bien longtemps que tu es là.   CAESONIA   C'est vrai. Mais tu vas me garder, n'est-ce pas ?   CALIGULA   Je ne sais pas. Je sais seulement pourquoi tu es là : pour toutes ces nuits où le plaisir était aigu et sans joie, et pour tout ce que tu connais de moi.   Il la prend dans ses bras et, de la main, lui renverse un peu la tête.   J'ai vingt-neuf ans. C'est peu. Mais à cette heure où ma vie m'apparaît cependant si longue, si chargée de dépouilles, si accomplie enfin, tu restes le dernier témoin. Et je ne peux me défendre d'une sorte de tendresse honteuse pour la vieille femme que tu vas être.   CAESONIA   Dis-moi que tu veux me garder !   CALIGULA   Je ne sais pas. J'ai conscience seulement, et c'est le plus terrible, que cette tendresse honteuse est le seul sentiment pur que ma vie m'ait jusqu'ici donné.   Caesonia se retire de ses bras, Caligula la suit. Elle colle son dos contre lui, il l'enlace.   Ne vaudrait-il pas mieux que le dernier témoin disparaisse ?   CAESONIA   Cela n'a pas d'importance. je suis heureuse de ce que tu m'as dit. Mais pourquoi ne puis-je pas partager ce bonheur avec toi ?   CALIGULA   Qui te dit que je ne suis pas heureux ?       CAESONIA   Le bonheur est généreux. Il ne vit pas de destructions.   CALIGULA   Alors, c'est qu'il est deux sortes de bonheur et j'ai choisi celui des meurtriers. Car je Puis heureux. Il y a eu un temps où je croyais avoir atteint l'extrémité de la douleur. Eh bien ! non, on peut encore aller lus loin. Au bout de cette contrée, c'est un bonheur stérile et magnifique. Regarde-moi.   Elle se tourne vers lui.   Je ris, Caesonia, quand je pense que, pendant des années, Rome tout entière a évité de prononcer le om de Drusilla. Car Rome s'est trompée pendant des années. L'amour ne m'est pas suffisant, c'est cela que j'ai compris alors. C'est cela que je comprends aujourd'hui encore, en te regardant. Aimer un être, 'est accepter de vieillir avec lui. Je ne suis pas capable de cet amour. Drusilla vieille, c'était bien pis que Drusilla morte. On croit qu'un homme souffre parce que l'être qu'il aime meurt en un jour. Mais sa vraie souffrance est moins futile : c'est de s'apercevoir que le chagrin non plus ne dure pas. Même la douleur est privée de sens. Tu vois, je n'avais pas d'excuses, pas même l'ombre d'un amour, ni l'amertume de la mélancolie. Je suis sans alibi. Mais aujourd'hui, me voilà encore plus libre qu'il y a des années, libéré que je suis du souvenir et de l'illusion. (Il rit d'une façon passionnée.) Je sais que rien ne dure ! Savoir cela ! Nous sommes deux ou trois dans l'histoire à en avoir fait vraiment l'expérience, accompli ce bonheur dément. Ceasonia, tu as suivi jusqu'au bout une bien curieuse tragédie. Il est temps que pour toi le rideau se baisse.   Il passe à nouveau derrière elle et passe son avant-bras autour du cou de Caesonia.   CAESONIA, avec effroi.   Est-ce donc du bonheur, cette liberté épouvantable ?   CALIGULA, écrasant peu à peu de son bras la gorge de Caesonia.  

«   CAESONIA   Elle netue pas.

Ellerend sage.   CALIGULA   Elle estmeurtrière, Caesonia.Elleestmeurtrière lorsqu'ellesejuge offensée.

Oh !cene sont pasceux dont j'aituélesfils oulepère quim'assassineront.

Ceux-làontcompris.

Ilssont avec moi,ilsont lemême goût dans labouche.

Maislesautres, ceuxquej'aimoqués etridiculisés, jesuis sans défense contreleur vanité.   CAESONIA,avec véhémence .   Nous tedéfendrons, noussommes encorenombreux àt'aimer.   CALIGULA   Vous êtesdemoins enmoins nombreux.

J'aifaitcequ'il fallait pourcela.

Etpuis, soyons justes, jen'ai pas seulement labêtise contre moi,j'aiaussi laloyauté etlecourage deceux quiveulent êtreheureux.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles