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Sois-en sûre, Caesonia.

Publié le 15/12/2013

Extrait du document

Sois-en sûre, Caesonia. Sans elle, j'eusse été un homme satisfait. Grâce à elle, j'ai conquis la divine lairvoyance du solitaire. (Il s'exalte de plus en plus, étranglant peu à peu Caesonia qui se laisse aller sans résistance, les mains un peu offertes en avant. Il lui parle, penché sur son oreille.) Je vis, je tue, j'exerce e pouvoir délirant du destructeur, auprès de quoi celui du créateur paraît une singerie. C'est cela, être eureux. C'est cela le bonheur, cette insupportable délivrance, cet universel mépris, le sang, la haine autour de moi, cet isolement non pareil de l'homme qui tient toute sa vie sous son regard, la joie démesurée de l'assassin impuni, cette logique implacable qui broie des vies humaines (il rit), qui te broie, Caesonia, pour parfaire enfin la solitude éternelle que je désire.   CAESONIA, se débattant faiblement.   Caïus !   CALIGULA, de plus en plus exalté.   Non, pas de tendresse. Il faut en finir, car la temps presse. Le temps presse, chère Caesonia !   Caesonia râle. Caligula la traîne sur le lit où il la laisse tomber. La regardant d'un air égaré ; d'une voix rauque.   Et toi aussi, tu étais coupable. Mais tuer n'est pas la solution.     SCÈNE XIV   Il tourne sur lui-même, hagard, va vers le miroir.   CALIGULA   Caligula ! Toi aussi, toi aussi, tu es coupable. Alors, n'est-ce pas, un peu plus, un peu moins ! Mais qui serait me condamner dans ce monde sans juge, où personne n'est innocent ! (Avec tout l'accent de la détresse, se pressant contre le miroir.) Tu le vois bien, Hélicon n'est pas venu. Je n'aurai pas la lune. Mais u'il est amer d'avoir raison et de devoir aller jusqu'à la consommation. Car j'ai peur de la consommation. es bruits d'armes ! C'est l'innocence qui prépare son triomphe. Que ne suis-je à leur place ! J'ai peur. uel dégoût, après avoir méprisé les autres, de se sentir la même lâcheté dans l'âme. Mais cela ne fait ien. La peur non plus ne dure pas. Je vais retrouver ce grand vide où le coeur s'apaise.   Il recule un peu, revient vers le miroir. Il semble plus calme. Il recommence à parler, mais d'une voix plus basse et plus concentrée.   Tout a l'air si compliqué. Tout est si simple pourtant. Si j'avais eu la lune, si l'amour suffisait, tout serait changé. Mais où étancher cette soif ? Quel coeur, quel dieu auraient pour moi la profondeur d'un lac ? (S'agenouillant et pleurant.) Rien dans ce monde, ni dans l'autre, qui soit à ma mesure. Je sais pourtant, et tu le sais aussi (il tend les mains vers le miroir en pleurant), qu'il suffirait que l'impossible soit. L'impossible ! Je l'ai cherché aux limites du monde, aux confins de moi-même. J'ai tendu mes mains (criant), je tends mes mains et c'est toi que je rencontre, toujours toi en face de moi, et je suis pour toi plein de haine. Je n'ai pas pris la voie qu'il fallait, je n'aboutis à rien. Ma liberté n'est pas la bonne. élicon ! Hélicon ! Rien ! rien encore. Oh, cette nuit est lourde 1 Hélicon ne viendra pas : nous serons coupables à jamais ! Cette nuit est lourde comme la douleur humaine.   Des bruits d'armes et des chuchotements s'entendent en coulisse.   HÉLICON, surgissant au fond.   Garde-toi, Caïus ! Garde-toi !   Une main invisible poignarde Hélicon. Caligula se relève, prend un siège bas dans la main et approche du miroir en soufflant. Il s'observe, simule un bond en avant et, devant le mouvement symétrique de son double dans la glace, lance son siège à toute volée en hurlant :       CALIGULA   À l'histoire, Caligula, à l'histoire.   Le miroir se brise et, dans le même moment, par toutes les issues, entrent les conjurés en armes. Caligula leur fait face, avec un rire fou. Le vieux patricien le frappe dans le dos, Cherea en pleine figure. Le rire de Caligula se transforme en hoquets. Tous frappent. Dans un dernier hoquet, Caligula, riant et râlant, hurle :   Je suis encore vivant     Rideau.     Fin du texte

«   CALIGULA,de plus enplus exalté .   Non, pasdetendresse.

Ilfaut enfinir, carlatemps presse.

Letemps presse, chèreCaesonia !   Caesoniarâle.Caligula latraîne surlelit où illa laisse tomber. La regardant d'unairégaré ; d'unevoixrauque.   Et toi aussi, tuétais coupable.

Maistuern'est paslasolution.     SCÈNEXIV   Il tourne surlui-même, hagard,vavers lemiroir.   CALIGULA   Caligula ! Toiaussi, toiaussi, tues coupable.

Alors,n'est-ce pas,unpeu plus, unpeu moins ! Maisqui oserait mecondamner danscemonde sansjuge, oùpersonne n'estinnocent ! ( Avec toutl'accent dela détresse, sepressant contrelemiroir .) Tu levois bien, Hélicon n'estpasvenu.

Jen'aurai paslalune.

Mais qu'il estamer d'avoir raisonetde devoir allerjusqu'à laconsommation.

Carj'aipeur delaconsommation. Des bruits d'armes ! C'estl'innocence quiprépare sontriomphe.

Quenesuis-je àleur place ! J'aipeur. Quel dégoût, aprèsavoirméprisé lesautres, desesentir lamême lâcheté dansl'âme.

Maiscelanefait rien.

Lapeur nonplus nedure pas.Jevais retrouver cegrand videoùlecœur s'apaise.   Ilrecule unpeu, revient verslemiroir. Il semble pluscalme.

Ilrecommence àparler, maisd'une voixplusbasse etplus concentrée.   Tout al'air sicompliqué.

Toutestsisimple pourtant.

Sij'avais eulalune, sil'amour suffisait, tout serait changé.

Maisoùétancher cettesoif ? Quelcœur, queldieu auraient pourmoilaprofondeur d'un lac ? ( S'agenouillant etpleurant .) Rien dans cemonde, nidans l'autre, quisoit àma mesure.

Jesais pourtant, ettulesais aussi ( il tend lesmains verslemiroir enpleurant ), qu'il suffirait quel'impossible soit.

L'impossible ! Jel'ai cherché auxlimites dumonde, auxconfins demoi-même.

J'aitendu mesmains ( criant ), je tends mesmains etc'est toique jerencontre, toujourstoienface demoi, etjesuis pour toi plein dehaine.

Jen'ai paspris lavoie qu'il fallait, jen'aboutis àrien.

Maliberté n'estpaslabonne. Hélicon ! Hélicon !Rien !rienencore.

Oh,cette nuitestlourde 1Hélicon neviendra pas :nousserons coupables àjamais ! Cettenuitestlourde comme ladouleur humaine.   Desbruits d'armes etdes chuchotements s'entendentencoulisse.. »

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