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Cependant Buquet activait le repas.

Publié le 04/11/2013

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Cependant Buquet activait le repas. "Sophie! criait-il à la bonne, le boeuf, la salade! Sophie, le fromage! le café!" 'observai que Mme Buquet n'avait rien mangé. "Allons, lui dit son mari, va t'habiller. Va, ne nous fais pas manquer le remier acte. Une pièce de Dumas n'est pas comme ces opérettes dont il suffit d'attraper un air ou deux. C'est une suite ogique de déductions, dont il ne faut rien perdre. Va, ma chérie. Quant à moi, je n'ai qu'à passer ma redingote." Elle se eva et s'en alla dans sa chambre d'un pas lent et comme involontaire. Nous prîmes le café, son mari et moi, en fumant des cigarettes. "Ce brave Géraud, me dit Paul, je suis tout de même ontrarié qu'il ne soit pas venu ce soir. Ça l'aurait amusé de voir Denise. Mais conçois-tu Adrienne qui se tourmente de on absence? J'ai beau lui faire entendre que cet excellent garçon peut avoir des affaires qu'il ne nous dit pas, que sais-je, es affaires de femmes. Elle ne comprend pas. Passe-moi une cigarette." u moment où je lui tendis mon étui, nous entendîmes sortir de la pièce voisine un long cri d'épouvante suivi du bruit 'une chute lourde et molle. "Adrienne!" s'écria Buquet. Et il s'élança dans la chambre à coucher. Je l'y suivis. Nous y rouvâmes Adrienne couchée de son long sur le parquet, la face blanche les yeux révulsés, immobile. Le sujet ne présentait aucun symptôme d'un état épileptique ou épileptiforme. Pas d'écume aux lèvres. Les membres étaient allongés, sans rigidité. Le pouls inégal et court. J'aidai son mari à la mettre dans un fauteuil. Presque aussitôt la circulation se rétablit, son teint, ordinairement d'un blanc mat, s'inonda de rose. "Là! dit-elle, en montrant son armoire à glace, là! je l'ai vu. Comme je boutonnais mon corsage, je l'ai vu dans la glace. Je me suis retournée, croyant qu'il était derrière moi. Mais ne voyant personne, j'ai compris et je suis tombée." "Cependant je recherchais si sa chute n'avait pas produit quelque lésion et je n'en trouvais aucune. Buquet lui faisait avaler de l'eau de mélisse avec du sucre. "Voyons, ma chérie, lui disait-il, remets-toi? Qui diable as-tu vu? et qu'est-ce que tu dis?" Elle pâlit de nouveau. "Oh! je l'ai vu, lui, Marcel. Elle a vu Géraud! c'est particulier! s'écria Buquet. Oui, je l'ai vu, reprit-elle gravement, il m'a regardée, sans rien dire ; comme cela." Et elle faisait un visage hagard. Buquet m'interrogea de l'oeil. "Ne vous inquiétez pas, lui répondis-je ; ADRIENNE BUQUET 40 Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables ces troubles ne sont pas graves ; peut-être viennent-ils d'une affection de l'estomac. C'est ce que nous étudierons à loisir. Pour le moment, il n'y a pas à s'en occuper. J'ai connu à la Charité un sujet gastralgique qui voyait des chats sous tous les meubles." "En quelques minutes, Mme Buquet s'étant tout à fait remise, son mari tira sa montre et me dit: "Si vous croyez, Laboullée, que le théâtre ne lui fera pas mal, il est temps de partir. Je vais dire a Sophie d'aller chercher une voiture." Adrienne mit brusquement son chapeau. "Paul! Paul! docteur! écoutez: passons d'abord chez M. Géraud. Je suis inquiète je suis plus inquiète que je ne peux dire. Tu es folle! s'écria Buquet. Qu'est-ce que tu veux qui soit arrivé à Géraud? Nous l'avons vu hier en parfaite santé." Elle me jeta un regard suppliant, dont la brûlante lumière me traversa le coeur. "Laboullée, mon ami, passons chez M. Géraud, tout de suite, n'est-ce pas?" Je le lui promis. Elle me l'avait si bien demandé! Paul grognait ; il voulait voir le premier acte. Je lui dis: "Allons toujours chez Géraud, cela ne fait pas un grand détour." La voiture nous attendait. Je criai au cocher: "5, rue du Louvre. Et marchez bon train." "Géraud habitait au 5 de la rue du Louvre, pas loin de sa banque, un petit appartement de trois pièces, rempli de cravates. C'était le grand luxe de ce brave garçon. A peine arrêtés devant sa maison, Buquet sauta hors du fiacre et passant la tête dans la loge, demanda: "Comment va M. Géraud?" La concierge lui répondit: "M. Géraud est rentré à cinq heures, il a pris ses lettres. Et il n'est pas ressorti. Si vous voulez le voir, c'est l'escalier au fond, au quatrième, à droite." Mais déjà Buquet à la portière de la voiture criait: "Géraud, il est chez lui. Tu vois bien que tu n'avais pas le sens commun, ma chérie. Cocher, à la Comédie-Française." Alors Adrienne se jeta à demi hors de la voiture. "Paul, je t'en conjure, monte chez lui. Vois-le. Vois-le, il le faut. Monter quatre étages! dit-il en haussant les épaules, Adrienne, tu vas nous faire manquer le théâtre. Enfin, quand une femme a une idée dans la tête..." "Je restai seul dans la voiture avec Mme Buquet dont je voyais luire dans l'ombre les yeux tournés sur la porte de la maison. Paul reparut enfin: "Ma foi, dit-il, j'ai sonné trois fois. Il ne m'a pas répondu. Après tout, ma chère, il avait sans doute ses raisons de vouloir n'être pas dérangé. Il est peut-être avec une femme. Qu'est-ce qu'il y aurait d'étonnant à cela?" Le regard d'Adrienne prit une expression si tragique, que j'en ressentis moi-même un sentiment d'inquiétude. Et puis, en y songeant, il ne me semblait pas très naturel que Géraud qui ne dînait jamais chez lui, y fût resté depuis cinq heures du soir jusqu'à sept et demie. "Attendez-moi là, dis-je à M. et Mme Buquet ; je vais parler à la concierge." Cette femme, elle aussi, trouvait singulier que Géraud ne fût pas sorti pour aller dîner comme d'habitude. C'était elle qui faisait le ménage de son locataire du quatrième, aussi avait-elle la clef du logement. Elle prit cette clef au râtelier, et m'offrit de monter avec moi. Arrivés tous deux sur le palier, elle ouvrit la porte, et, de l'antichambre elle appela trois ou quatre fois: "Monsieur Géraud!" Ne recevant pas de réponse, elle se risqua à entrer dans la pièce suivante qui servait de chambre à coucher. Elle appela encore: "Monsieur Géraud! Monsieur Géraud!" Rien ne répondit, il faisait noir. Nous n'avions pas d'allumettes. "Il doit y avoir une boîte de suédoise sur la table de nuit", me dit la femme qui commençait à trembler et ne pouvait faire un pas. Je me mis à tâter sur la table et sentis mes doigts se prendre dans quelque chose de gluant. "Je connais ça, pensai-je, c'est du sang." "Quand enfin nous eûmes allumé une bougie, nous vîmes Géraud étendu sur son lit, la tête fracassée. Son bras pendait jusque sur le tapis où son revolver était tombé. Une lettre tachée de sang était ouverte sur la table. Écrite de sa main, elle tait adressée à M. et à Mme Buquet et commençait ainsi: "Mes chers amis, vous avez été la joie et le charme de ma vie." l leur annonçait ensuite sa résolution de mourir, sans leur en révéler positivement les motifs. Mais il donnait à entendre que des embarras d'argent avaient déterminé son suicide. Je reconnus que la mort remontait à une heure environ ; ainsi donc il s'était tué au moment même où Mme Buquet l'avait vu dans la glace. "N'est-ce pas là, comme je te le disais, mon cher, un cas parfaitement constaté de double vue ou, pour parler plus exactement, un exemple de ces étranges synchronismes psychiques que la science étudie aujourd'hui avec plus de zèle que de succès? ADRIENNE BUQUET 41 Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables C'est peut-être autre chose, répondis-je. Es-tu bien sûr qu'il n'y avait rien entre Marcel Géraud et Mme Buquet? Mais... je ne me suis jamais aperçu de rien. Et puis, qu'est-ce que cela ferait?..." LA PIERRE GRAVÉE J'étais venu chez lui à midi, comme il m'en avait prié. Pendant le déjeuner, dans cette salle à manger aussi longue qu'une nef d'église, où il a rassemblé un trésor d'orfèvreries anciennes, je le trouvai non point triste, mais songeur. Çà et là reparaissait dans ses propos la vive élégance de son esprit. Parfois un mot révélait ses goûts artistes, d'une si rare finesse, ou ses ardeurs sportives que n'a point calmées la terrible chute de cheval dont il eut la tête fendue. Mais ses idées s'arrêtaient court. Les unes après les autres, elles donnaient, eût-on dit, contre une barre. De cette conversation assez fatigante à suivre, je retins seulement qu'il venait d'envoyer une paire de paons blancs à son château de Raray, et que, sans motif, il négligeait depuis trois semaines ses amis, délaissait même les plus intimes, M. et Mme N*** Évidemment il ne m'avait pas fait venir pour entendre des confidences de cette sorte. En prenant le café, je lui demandai ce qu'il avait à me dire. Il me regarda un peu surpris: "J'avais quelque chose à te dire? Dame! tu m'as écrit: "Viens déjeuner demain avec moi. Je voudrais te parler." Comme il se taisait, je tirai de ma poche la lettre et la lui montrai. L'adresse était écrite de sa jolie écriture vive, un peu brisée. Il y avait sur l'enveloppe un cachet de cire violette. Il effleura son front du doigt. "Je me rappelle. Fais-moi le plaisir de passer chez Féral. Il te montrera une esquisse de Romney, une jeune femme: des cheveux d'or, dont le reflet lui dore le front et les joues... Des prunelles d'un bleu sombre qui lui bleuissent tout l'orbite de l'oeil... La fraîcheur chaude de la peau... C'était délicieux. Mais un bras en baudruche. Enfin vois et tâche de savoir si..." Il s'interrompit. Et la main sur le bouton de la porte: "Attends-moi. Je vais passer une jaquette. Nous allons sortir ensemble." *** Resté seul dans la salle à manger, je m'approchai d'une fenêtre et je regardai le cachet de cire violette plus attentivement que je n'avais fait encore. C'était l'empreinte d'une intaille antique représentant un satyre qui soulevait les voiles d'une nymphe endormie au pied d'un cippe, sous un laurier, sujet cher aux peintres et aux graveurs sur pierre de la belle époque romaine. Cette réplique me parut excellente. La pureté du style, l'incomparable sentiment de la forme, l'harmonie de la composition faisaient de cette scène grande comme l'ongle une composition vaste et puissante. J'étais sous le charme, quand mon ami se montra par la porte entrebâillée. "Allons! viens!" LA PIERRE GRAVÉE 42 Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables Il avait son chapeau sur la tête et semblait pressé de sortir. Je lui fis compliment de son cachet. "Je ne te connaissais pas cette admirable pierre." Il me répondit qu'il l'avait depuis peu de temps, depuis six semaines environ. C'était une trouvaille. Il la tira de son doigt, où il la portait montée en bague, et me la tendit. On sait que les pierres gravées de ce beau style classique sont pour la plupart des cornalines. Je fus donc un peu surpris de voir une gemme mate, d'un violet sombre. "Tiens! m'écriai-je, une améthyste.

« me ditlafemme quicommençait àtrembler etne pouvait faireunpas.

Jeme mis àtâter surlatable etsentis mesdoigts se prendre dansquelque chosedegluant.

"Jeconnais ça,pensai−je, c'estdusang." "Quand enfinnouseûmes allumé unebougie, nousvîmes Géraud étendusurson lit,latête fracassée.

Sonbras pendait jusque surletapis oùson revolver étaittombé.

Unelettre tachée desang était ouverte surlatable.

Écrite desamain, elle était adressée àM.

etàMme Buquet etcommençait ainsi:"Mes chers amis,vousavezétélajoie etlecharme dema vie." Il leur annonçait ensuitesarésolution demourir, sansleurenrévéler positivement lesmotifs.

Maisildonnait àentendre que desembarras d'argentavaientdéterminé sonsuicide. Je reconnus quelamort remontait àune heure environ ;ainsi donc ils'était tuéaumoment mêmeoùMme Buquet l'avait vu dans laglace. "N'est−ce paslà,comme jete ledisais, moncher, uncas parfaitement constatédedouble vueou,pour parler plus exactement, unexemple deces étranges synchronismes psychiquesquelascience étudieaujourd'hui avecplusdezèle que desuccès? ADRIENE BUQUET 41 Crainquebille, Putois,Riquetetplusieurs autresrécitsprofitables C'estpeut−être autrechose, répondis−je.

Es−tubiensûr qu'il n'yavait rienentre Marcel Géraud etMme Buquet? Mais...

jene me suis jamais aperçu derien.

Etpuis, qu'est−ce quecela ferait?..." LA PIERRE GRAVÉE J'étais venuchezluiàmidi, comme ilm'en avaitprié.Pendant ledéjeuner, danscette salleàmanger aussilongue qu'une nef d'église, oùila rassemblé untrésor d'orfèvreries anciennes,jeletrouvai nonpoint triste, maissongeur.

Çàetlà reparaissait danssespropos lavive élégance deson esprit.

Parfois unmot révélait sesgoûts artistes, d'unesirare finesse, ou ses ardeurs sportives quen'apoint calmées laterrible chutedecheval dontileut latête fendue.

Maissesidées s'arrêtaient court.Lesunes après lesautres, ellesdonnaient, eût−ondit,contre unebarre. De cette conversation assezfatigante àsuivre, jeretins seulement qu'ilvenait d'envoyer unepaire depaons blancs àson château deRaray, etque, sansmotif, ilnégligeait depuistroissemaines sesamis, délaissait mêmelesplus intimes, M.et Mme N***Évidemment ilne m'avait pasfaitvenir pourentendre desconfidences decette sorte.

Enprenant lecafé, jelui demandai cequ'il avait àme dire.

Ilme regarda unpeu surpris: "J'avais quelque choseàte dire? Dame! tum'as écrit: "Viens déjeuner demainavecmoi.Jevoudrais teparler." Comme ilse taisait, jetirai dema poche lalettre etlalui montrai.

L'adresse étaitécrite desajolie écriture vive,unpeu brisée.

Ilyavait surl'enveloppe uncachet decire violette. Il effleura sonfront dudoigt. "Je me rappelle.

Fais−moi leplaisir depasser chezFéral.

Ilte montrera uneesquisse deRomney, unejeune femme: des cheveux d'or,dont lereflet luidore lefront etles joues...

Desprunelles d'unbleusombre quiluibleuissent toutl'orbite de l'oeil...

Lafraîcheur chaudedelapeau...

C'étaitdélicieux.

Maisunbras enbaudruche.

Enfinvoisettâche desavoir si..." Il s'interrompit.

Etlamain surlebouton delaporte: "Attends−moi.

Jevais passer unejaquette.

Nousallons sortirensemble." * ** Resté seuldans lasalle àmanger, jem'approchai d'unefenêtre etjeregardai lecachet decire violette plus attentivement quejen'avais faitencore.

C'étaitl'empreinte d'uneintaille antique représentant unsatyre quisoulevait les voiles d'unenymphe endormie aupied d'un cippe, sousunlaurier, sujetcherauxpeintres etaux graveurs surpierre dela belle époque romaine.

Cetteréplique meparut excellente.

Lapureté dustyle, l'incomparable sentimentdelaforme, l'harmonie delacomposition faisaientdecette scène grande comme l'ongleunecomposition vasteetpuissante. J'étais souslecharme, quandmonamisemontra parlaporte entrebâillée. "Allons! viens!" LA PIERRE GRAVÉE 42 Crainquebille, Putois,Riquetetplusieurs autresrécitsprofitables Ilavait sonchapeau surlatête etsemblait presséde sortir. Je lui fiscompliment deson cachet. "Je neteconnaissais pascette admirable pierre." Il me répondit qu'ill'avait depuis peudetemps, depuissixsemaines environ.C'étaitunetrouvaille. Il la tira deson doigt, oùilla portait montée enbague, etme latendit. On sait que lespierres gravées decebeau styleclassique sontpour laplupart descornalines.

Jefus donc unpeu surpris de voir unegemme mate,d'unviolet sombre. "Tiens! m'écriai−je, uneaméthyste.. »

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