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Chapitre 4 Le dernier enjeu Les salons du Cercle des Étrangers - vulgairement le Casino - étaient ouverts depuis onze heures.

Publié le 01/11/2013

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Chapitre 4 Le dernier enjeu Les salons du Cercle des Étrangers - vulgairement le Casino - étaient ouverts depuis onze heures. Bien que le nombre des joueurs fût encore restreint, quelques tables de roulette commençaient à fonctionner. L'aplomb de ces tables avait été préalablement rectifié, car il importe que leur horizontalité soit parfaite. En effet, une défectuosité quelconque, qui altérerait le mouvement de la bille lancée dans le cylindre tournant, serait vite remarquée et utilisée au détriment de la banque. Sur chacune des six tables de roulette, soixante mille francs en or, en argent et en billets, avaient été déposés ; sur chacune des deux tables de trente et quarante, cent cinquante mille. C'est l'enjeu habituel de la banque, en attendant l'ouverture de la grande saison, et il est bien rare que l'administration soit obligée de renouveler cette première mise de fonds. Rien qu'avec le refait et le zéro, dont le profit lui appartient, elle doit gagner - et toujours. Si donc le jeu est immoral en soi, de plus, il est stupide, puisqu'on opère dans de telles conditions d'inégalité. Autour de chaque table de roulette, huit croupiers, leur râteau à la main, occupaient déjà les places qui leur sont réservées. À leurs côtés, assis ou debout, se tenaient joueurs ou spectateurs. Dans les salons, les inspecteurs se promenaient en observant aussi bien les croupiers que les pontes, tandis que les garçons de salle circulaient pour le service et du public et de l'administration, qui ne compte pas moins de cent cinquante employés des jeux. Vers midi et demi, le train de Nice amena son contingent habituel de joueurs. Ce jour-là, ils étaient peut-être plus nombreux. Cette série de dix-sept à la rouge avait produit son effet naturel. C'était comme une nouvelle attraction, et tout ce qui vit du hasard venait en suivre les péripéties avec plus d'ardeur. Une heure après, les salons étaient remplis. On y causait, surtout de cette passe extraordinaire, mais généralement à voix basse. Rien de lugubre, en somme, comme ces immenses salles, malgré la prodigalité des dorures, la fantaisie de l'ornementation, le luxe de l'ameublement, la profusion des lustres qui versent à flots la lumière du gaz, sans parler de ces longues suspensions, dont les lampes à huile, aux abat-jour verdâtres, éclairent plus spécialement les tables de jeu. Ce qui domine, malgré l'affluence du public, ce n'est pas le bruit des conversations, c'est le tintement des pièces d'or et d'argent, comptées ou lancées sur les tapis, c'est le froissement des billets de banque, c'est l'incessant : « Rouge gagne et couleur « - ou « dix-sept, noir, impair et manque «, jetés par la voix indifférente des chefs de parties - tout cela, triste ! Toutefois, deux des perdants, qui comptaient parmi les plus célèbres de la veille, n'avaient pas encore paru dans les salons. Déjà quelques joueurs cherchaient à suivre les chances diverses, à saisir la veine, les uns à la roulette, les autres au trente et quarante. Mais les alternatives de gain et de perte se compensaient, et il ne semblait pas que le « phénomène « de la soirée précédente dût se reproduire. Vers trois heures seulement, Sarcany et Silas Toronthal entrèrent au Casino. Avant de paraître dans les salles de jeu, ils se promenèrent à travers le hall, où ils furent quelque peu l'objet de la curiosité publique. On les regardait, on les guettait, on se demandait s'ils entreraient encore en lutte avec ce hasard qui leur avait coûté si cher. Quelques professeurs auraient volontiers profité de l'occasion pour leur vendre d'infaillibles martingales, s'ils n'eussent été peu abordables en ce moment. Le banquier, l'air égaré, voyait à peine ce qui se passait autour de lui. Sarcany était plus froid, plus fermé que jamais. Tous deux se recueillaient au moment de tenter un dernier coup. Parmi les personnes qui les observaient avec cette curiosité spéciale qu'on accorde à des patients ou à des condamnés, se trouvait un étranger qui semblait décidé à ne pas les quitter d'un instant. C'était un jeune homme de vingt-deux à vingt-trois ans, physionomie fine, air futé, nez pointu, - un de ces nez qui regardent. Ses yeux, d'une vivacité singulière, s'abritaient derrière un lorgnon à simples verres de conserve. Comme s'il avait eu du vif argent dans les veines, il gardait ses mains dans les poches de son pardessus pour s'interdire de gesticuler, et tenait ses pieds rassemblés à la première position pour être plus sûr de rester en place. Convenablement habillé, sans avoir sacrifié aux dernières exigences du gandinisme, il n'affectait aucune prétention dans sa mise ; mais peut-être ne se sentait-il pas très à l'aise avec ses vêtements correctement ajustés. Cela ne saurait surprendre : ce jeune homme n'était autre que Pointe Pescade. Au dehors, dans les jardins, l'attendait Cap Matifou. Le personnage pour le compte duquel ils étaient venus tous deux en mission particulière dans ce paradis ou cet enfer de l'enclave monégasque, c'était le docteur Antékirtt. L'embarcation qui les avait déposés la veille sur la pointe de Monte-Carlo, c'était l'Electric 2, de la flottille d'Antékirtta. Dans quel but, le voici : Deux jours après sa séquestration à bord du Ferrato, Carpena avait été mis à terre, et, malgré ses réclamations, incarcéré dans une des casemates de l'île. Là, cet échappé des présides espagnols n'eut pas de peine à comprendre qu'il n'avait changé une prison que pour une autre. Au lieu d'appartenir au personnel pénitentiaire du gouverneur, il était, sans le savoir, au pouvoir du docteur Antékirtt. En quel endroit ? Il n'aurait pu le dire. Avait-il gagné à ce changement ? C'est ce qu'il se demandait, non sans quelque inquiétude. Il était décidé, d'ailleurs, à faire tout ce qu'il faudrait pour améliorer sa position. Aussi, à la première injonction qui lui fut faite par le docteur lui-même, n'hésita-t-il point à répondre avec la plus entière franchise. Connaissait-il Silas Toronthal et Sarcany ? Silas Toronthal, non, Sarcany, oui, - et encore ne l'avait-il vu qu'à de rares intervalles. Sarcany avait-il des relations avec Zirone et sa bande depuis qu'elle opérait aux environs de Catane ? Oui, puisque Sarcany était attendu en Sicile et qu'il y fût certainement venu, sans l'issue de cette malheureuse expédition qui se termina par la mort de Zirone. Où était-il maintenant ? À Monte-Carlo, à moins qu'il n'eût quitté récemment cette ville, dont il faisait depuis quelque temps sa résidence, et très probablement en compagnie de Silas Toronthal. Carpena n'en savait pas davantage, mais ce qu'il venait d'apprendre allait suffire au docteur pour entrer de nouveau en campagne. Il va sans dire que l'Espagnol ignorait quel intérêt le docteur avait eu à le faire évader de Ceuta pour s'emparer de sa personne, et que sa trahison envers Andréa Ferrato fût connue de celui qui l'interrogeait. D'ailleurs, il ne sut même pas que Luigi était le fils du pêcheur de Rovigno. Au fond de cette casemate, le prisonnier allait être plus étroitement gardé qu'il ne l'était au pénitencier de Ceuta, sans pouvoir communiquer avec personne, jusqu'au jour où il serait statué sur son sort. Ainsi donc, des trois traîtres qui avaient amené le sanglant dénouement de la conspiration de Trieste, l'un était maintenant entre les mains du docteur. Il restait à s'emparer des deux autres, et Carpena venait de dire en quel lieu on pouvait les rejoindre. Toutefois, comme le docteur était connu de Silas Toronthal, Pierre, de Silas Toronthal et de Sarcany, il leur parut bon de n'intervenir qu'au moment où l'on pourrait le faire avec chance de succès. Mais, maintenant qu'on avait retrouvé les traces des deux complices, il importait de ne plus les perdre de vue, en attendant que les circonstances permissent d'agir contre eux. C'est pourquoi Pointe Pescade, afin de les suivre partout où ils iraient, et Cap Matifou, pour

« C’était unjeune homme devingt-deux àvingt-trois ans,physionomie fine,airfuté, nezpointu, – un deces nez quiregardent.

Sesyeux, d’une vivacité singulière, s’abritaient derrièreunlorgnon à simples verresdeconserve.

Commes’ilavait eudu vifargent danslesveines, ilgardait ses mains danslespoches deson pardessus pours’interdire degesticuler, ettenait sespieds rassemblés àla première positionpourêtreplussûrderester enplace.

Convenablement habillé, sansavoir sacrifié auxdernières exigences dugandinisme, iln’affectait aucune prétention danssamise ; maispeut-être nesesentait-il pastrès àl’aise avecsesvêtements correctement ajustés. Cela nesaurait surprendre : cejeune homme n’étaitautrequePointe Pescade. Au dehors, danslesjardins, l’attendait CapMatifou. Le personnage pourlecompte duquelilsétaient venustousdeux enmission particulière dans ce paradis oucet enfer del’enclave monégasque, c’étaitledocteur Antékirtt. L’embarcation quilesavait déposés laveille surlapointe deMonte-Carlo, c’étaitl’ Electric 2 , de la flottille d’Antékirtta. Dans quelbut,levoici : Deux joursaprès saséquestration àbord du Ferrato , Carpena avaitétémis àterre, et,malgré ses réclamations, incarcérédansunedescasemates del’île.

Là,cet échappé desprésides espagnols n’eutpasdepeine àcomprendre qu’iln’avait changé uneprison quepour uneautre. Au lieu d’appartenir aupersonnel pénitentiaire dugouverneur, ilétait, sanslesavoir, au pouvoir dudocteur Antékirtt.

Enquel endroit ? Iln’aurait puledire.

Avait-il gagnéàce changement ? C’estcequ’il sedemandait, nonsans quelque inquiétude.

Ilétait décidé, d’ailleurs, àfaire toutcequ’il faudrait pouraméliorer saposition. Aussi, àla première injonction quiluifut faite parledocteur lui-même, n’hésita-t-il pointà répondre aveclaplus entière franchise. Connaissait-il SilasToronthal etSarcany ? Silas Toronthal, non,Sarcany, oui,–et encore nel’avait-il vuqu’à derares intervalles. Sarcany avait-ildesrelations avecZirone etsa bande depuis qu’elle opérait auxenvirons de Catane ? Oui, puisque Sarcanyétaitattendu enSicile etqu’il yfût certainement venu,sansl’issue de cette malheureuse expéditionquisetermina parlamort deZirone. Où était-il maintenant ? À Monte-Carlo, àmoins qu’iln’eût quitté récemment cetteville,dont ilfaisait depuis quelque temps sarésidence, ettrès probablement encompagnie deSilas Toronthal. Carpena n’ensavait pasdavantage, maiscequ’il venait d’apprendre allaitsuffire audocteur pour entrer denouveau encampagne. Il va sans direquel’Espagnol ignoraitquelintérêt ledocteur avaiteuàle faire évader deCeuta pour s’emparer desapersonne, etque satrahison enversAndréa Ferrato fûtconnue decelui qui l’interrogeait.

D’ailleurs,ilne sut même pasque Luigi était lefils dupêcheur deRovigno.

Au fond decette casemate, leprisonnier allaitêtreplusétroitement gardéqu’ilnel’était au pénitencier deCeuta, sanspouvoir communiquer avecpersonne, jusqu’aujouroùilserait statué surson sort. Ainsi donc, destrois traîtres quiavaient amenélesanglant dénouement delaconspiration de Trieste, l’unétait maintenant entrelesmains dudocteur.

Ilrestait às’emparer desdeux autres, et Carpena venaitdedire enquel lieuonpouvait lesrejoindre. Toutefois, commeledocteur étaitconnu deSilas Toronthal, Pierre,deSilas Toronthal etde Sarcany, illeur parut bonden’intervenir qu’aumoment oùl’on pourrait lefaire avecchance de succès.

Mais,maintenant qu’onavaitretrouvé lestraces desdeux complices, ilimportait dene plus lesperdre devue, enattendant quelescirconstances permissentd’agircontre eux. C’est pourquoi PointePescade, afindeles suivre partout oùilsiraient, etCap Matifou, pour. »

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