Devoir de Philosophie

COLETTE: La chatte et le lézard. Prisons et Paradis

Publié le 21/06/2011

Extrait du document

De toutes les romancières, Colette est certainement la plus originale. Son oeuvre est très variée; elle témoigne à la fois d'une profonde finesse psychologique et d'un style aussi naturel que varié. — Elle a beaucoup observé non seulement le monde, mais aussi les animaux, et nous empruntons à l'un de ses recueils de nouvelles un passage remarquable par le mouvement et la couleur.

La chatte et le lézard.

La chatte a pris un lézard vert ! Elle a pris un lézard vert dans la vigne. Venez voir, tous! Peut-on dire qu'elle l'a pris? La chatte était couchée. Tout à coup elle s'est changée en dragon, en flamme, en poisson volant, et j'ai vu sous son ventre, entre ses pattes d'argent, un lézard vert, comme si elle venait de l'inventer à l'instant même. Elle ne se risquait pas à le mordre, car une petite tête exaspérée, couleuvrine, gainée étroitement d'émaux en plaques juxtaposées, visait son précieux nez de chatte. Mais elle le tenait, et ses yeux délirants tournoyaient. — Chatte! voulez-vous le lâcher? — Je ne suis pas folle, pour lâcher un lézard, gronda la chatte. Elle resserra ses puissantes pattes fines, la gorge du lézard palpita à se rompre, une longue queue resplendissante se tordit sous la chatte; je vis s'ouvrir, suffoquée, la gueule rouge de la « verdelle «. Je n'eus que le temps de m'élancer. — Rends-le-moi! C'est à moi! pleurait la chatte. Une langue bifide, noire, agile, tâtait l'air, hors de la gueule du lézard mi-pâmé. Goutte à goutte, j'humectai d'eau cette fleur au gosier rouge, et le lézard rouvrit ses yeux de topaze. — Rendez-le-moi! miaulait la chatte. Si tu en veux un, il n'en manque pas d'autres dans la vigne. Celui-là est ma proie. D'ailleurs, il va te mordre, et ce sera bien fait.... — Chatte, lui dis-je, vaquez à d'autres soins. J'ai l'âge de savoir comment on tient un lézard sans qu'il morde, un crabe sans qu'il pince. Allez, chatte, capturer des papillons de nuit bien gras, inoffensifs, en vous gardant de la sauterelle chevaline (i) et de ses mandibules à ressort! — Oh! bien! dit la chatte, ja m'en vais. Je ne suis pas à un lézard près, et tu sais ce que je pense des longs discours et des leçons de choses et des potins sur notre race, dont tu fais métier.

(Prisons et Paradis, J. Ferenczi et fils, éditeurs.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Un petit drame : la capture d'un lézard par une chatte et la délivrance du lézard. L'intérêt réside dans l'action et aussi, et surtout peut-être, dans l'admirable peinture des animaux : aspect physique, allure, gestes, caractère. Quels sont les deux animaux qui jouent ici le principal rôle? N'y en a-t-il pas deux autres qui sont évoqués en quelques mots seulement, mais de façon caractéristique? Colette, peintre animalier Comment procède-t-elle dans ce morceau? (elle ne nous trace pas le portrait de la chatte et du lézard, mais, au courant de l'action, elle nous les dépeint sous diverses attitudes : la chatte capturant le lézard...; le lézard menaçant... ; le lézard mi-pâmé .., etc.).

II. — Les différentes parties du morceau. — a) La capture du lézard par la chatte (jusqu'à : je n'eus que le temps de m'élancer); Indiquez-en les principaux épisodes; 2° Comment l'auteur exprime-t-elle la rapidité et la dextérité de cette capture? Comment se défend le lézard ? Quel est l'effet de la première intervention de Colette ? Rassemblez, dans cette partie du morceau, les traits descriptifs se rapportant : a) A la chatte; b) Au lézard, et appréciez-en la justesse. — b) La délivrance du lézard : Décrivez le lézard à demi suffoqué, puis ranimé; Quelles sont les attitudes successives de la chatte durant les divers épisodes de cette petite scène? (crainte..., joie cruelle..., mécontentement..., supplication..., méchanceté..., dignité offensée..., impertinence...). III. — Le style; — les expressions. — Signalez les admirables qualités du style dans ce morceau (mouvement, don de la description merveilleusement précise et évocatrice. — Colette ne choisit par les mots pour leur étrangeté, elle ne songe ni à nous surprendre ni à provoquer notre admiration; l'emploi du mot juste lui suffit, et cette recherche l'amène parfois à l'emploi du mot rare. au terme neuf et frais que personne n'a jamais encore employé avant elle); Donnez quelques exemples des trouvailles d'expression de Colette (ses pattes d'argent...; une petite tête... gainée étroitement d'émaux...; son précieux nez de chatte; ses yeux délirants... ; cette fleur au gosier rouge..., la sauterelle chevaline..., etc.); Par quels verbes l'auteur marque-t-elle les différentes intonations de la chatte? (gronda..., pleurait..., miaulait...). Expliquez les expressions : la chatte s'est changée en dragon, en flamme, en poisson volant; ses mandibules à ressort; des potins sur notre race; je ne suis pas à un lézard près.

IV. — Grammaire. — Nature et fonction des mots dans la phrase Goutte à goutte, j'humectai d'eau cette fleur au gosier rouge; Indiquez quelques mots de la famille de : visait, précieux, tournoyaient.

Rédaction. — Le chat de la maison fait la chasse aux souris. —Décrivez la scène.

Liens utiles