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Comment voulez-vous vivre ?

Publié le 27/04/2011

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   Héritiers d'une fulgurante accélération du progrès technique, nous sommes persuadés qu'une croissance encore plus forte de ce même progrès nous aidera à sortir de la crise, provoquée justement par la stagnation des inventions et productions nouvelles.    Il faudrait se convaincre résolument qu'une certaine histoire s'achève, celle de la conquête de la planète, de la diffusion planétaire du modèle de la civilisation industrielle et de la saturation de ce même modèle dans les pays les plus avancés.    Ce type de développement répondait à un certain nombre de besoins et prétendait relever un certain nombre de défis : lutte contre la faim, la maladie, l'insalubrité, la pauvreté, etc. Des infrastructures collectives, des réalisations technologiques inouïes ont vu le jour, l'équipement des ménages est en grande partie satisfait ; l'homme a quelque peu été délivré de l'incertitude des lendemains, des travaux harassants, et jouit d'un temps libre mérité.    Dans ses grandes lignes, les objectifs de l'industrialisation forcenée ont été atteints : la baisse de l'activité est donc générale dans les pays les plus riches, et elle s'accélérerait même sous l'effet du « soustracteur d'investissement « : lorsqu'un travailleur produisant un bien A est mis au chômage, le travailleur produisant le bien B sera à son tour au chômage à moins de prélever sur B une valeur qui permettra à A d'acheter la production de B.    Sommes-nous dès lors condamnés à partager de moins en moins de travail et à distraire notre ennui dans un cadre de vie et selon des rythmes sociaux et un mode de production qui sont ceux de la société industrielle et qui tendent à se figer en l'absence de perspectives nouvelles ? La tentation est grande de se tourner à nouveau vers le scientifique pour lui demander d'inventer de nouvelles révolutions technologiques qui donneront du travail aux masses désœuvrées. C'est oublier que la science est le produit des nécessités, que les découvertes répondent toujours à un certain type de questionnement, de besoin, de problème et que le hasard intervient au cœur de l'interrogation et non avant. Pour l'heure, la demande que la société formule à l'adresse de la science (énergie, biotechnique, lutte contre certaines maladies, etc.) demeure insuffisante, et les réponses attendues en termes de nouveautés technologiques ne semblent pas susceptibles d'enclencher un projet conséquent d'investissement de l'homme dans le réel. Dès lors, quels peuvent être les objectifs de croissance et les nouveaux défis que l'homme se propose de relever ; quels types d'innovations sociales sommes-nous en droit d'attendre qui pourront constituer une nouvelle demande, de nouvelles interrogations en termes de progrès technologique ?    Entre la croissance sociale basée sur des principes de justice distributive, la croissance zéro qui prend acte des échecs et des nuisances de la société industrielle et la croissance sauvage de type capitaliste, ne peut-on pas raisonnablement envisager l'hypothèse d'une croissance « esthétique « qui ferait dépendre le développement économique d'un certain « art de vivre « ? Après que furent satisfaits les besoins vitaux, le temps n'est-il pas venu d'une sorte de vie paradisiaque où l'art de produire, d'habiter, de consommer, deviendrait la finalité de l'économique et non plus seulement la survie et la lutte contre la pénurie ? Lorsqu'on examine l'écart qui se creuse entre cet art de vivre auquel chacun aspire confusément et les formes de vie imprimées et imposées par le mode industriel de production et de consommation, on reste abasourdi par l'ampleur des tâches à accomplir.    Mais reste-t-il assez d'énergie aux peuples des pays industriels pour croire encore à un grand projet collectif qui soit à la dimension du vide qui augmente avec l'achèvement du projet industriel ? Auront-ils le courage et l'intelligence de se dresser et de jeter à la nature et à la condition humaine de nouveaux défis d'une grandeur et d'une noblesse sans précédent? Sauront-ils livrer leurs habitations laides, étroites et bruyantes à la démolition? Sauront-ils détruire leurs usines, leurs bureaux, pour travailler dans des conditions qui rendent au travail sa dignité ? Sauront-ils produire et consommer avec art et raffinement, embellir leur corps, manger des mets délicats, s'entourer d'objets luxueux, construire des monuments fastueux ?    J.-J. Micalef, Le monde, 6 novembre 1982.    Dans une première partie, vous présenterez un résumé ou une analyse de ce texte.    Dans une deuxième partie, intitulée discussion, vous dégagerez du texte un problème auquel vous attachez un intérêt particulier ; vous en préciserez les données et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.

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