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Contes de la bécasse "Eh bien, et pour té ?

Publié le 11/04/2014

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Contes de la bécasse "Eh bien, et pour té ? J'n'en prends point, not' maître. Pourquoi que tu n'en prends point ? Parce que je l'aime point." Alors il éclata de nouveau : "J'aime pas prend' mon café tout seul, nom de D... Si tu n' veux pas t' mett' à en prendre itou, tu vas foutre le camp, nom de D... Va chercher une tasse et plus vite que ça." Elle alla chercher une tasse, se rassit, goûta la noire liqueur, fit la grimace, mais, sous l'oeil furieux du maître, avala jusqu'au bout. Puis il lui fallut boire le premier verre d'eau-de-vie de la rincette, le second du pousse-rincette, et le troisième du coup-de-pied-au-cul. Et M. Omont la congédia. "Va laver ta vaisselle maintenant, t'es une bonne fille." Il en fut de même au dîner. Puis elle dut faire sa partie de dominos ; puis il l'envoya se mettre au lit. "Va te coucher, je monterai tout à l'heure." Et elle gagna sa chambre, une mansarde sous le toit. Elle fit sa prière, se dévêtit et se glissa dans ses draps. Mais soudain elle bondit, effarée. Un cri furieux faisait trembler la maison. "Adélaïde ?" Elle ouvrit sa porte et répondit de son grenier : "Me v'là, not' maître. Oùsque t'es ? Mais j' suis dans mon lit, donc, not' maître." Alors il vociféra : "Veux-tu bien descendre, nom de D... J'aime pas coucher tout seul, nom de D..., et si tu n' veux point, tu vas me foutre le camp, nom de D..." Alors, elle répondit d'en haut, éperdue, cherchant sa chandelle : "Me v'là, not' maître !" Et il entendit ses petits sabots découverts battre le sapin de l'escalier ; et, quand elle fut arrivée aux dernières marches, il la prit par le bras, et dés qu'elle eut laissé devant la porte ses étroites chaussures de bois à côté des grosses galoches du maître, il la poussa dans sa chambre en grognant : "Plus vite que ça, donc, nom de D... !" Et elle répétait sans cesse, ne sachant plus ce qu'elle disait : "Me v'là, me v'là, not' maître." Contes de la bécasse 29 Contes de la bécasse Six mois après, comme elle allait voir ses parents, un dimanche, son père l'examina curieusement, puis demanda : "T'es-ti point grosse ?" Elle restait stupide regardant son ventre, répétant : "Mais non, je n' crois point." Alors, il l'interrogea, voulant tout savoir : "Dis-mé, si vous n'avez point, quéque soir, mêlé vos sabots ? Oui, je les ons mêlés l' premier soir et puis l's autres. Mais alors t'es pleine, grande futaille." Elle se mit à sangloter, balbutiant : "J' savais ti, mé ? J' savais ti, mé ?" Le père Malandain la guettait, l'oeil éveillé, la mine satisfaite. Il demanda : "Quéque tu ne savais point ?" Elle prononça, à travers ses pleurs : "J' savais ti, mé, que ça se faisait comme ça, d's' éfants !" Sa mère rentrait. L'homme articula, sans colère : "La v'là grosse, à c't' heure." Mais la femme se fâcha, révoltée d'instinct, injuriant à pleine gueule sa fille en larmes, la traitant de "manante" et de "traînée". Alors le vieux la fit taire. Et comme il prenait sa casquette pour aller causer de leurs affaires avec maît' Césaire Omont, il déclara : "All' est tout d' même encore pu sotte que j'aurais cru. All' n' savait point c' qu'all' faisait, c'te niente." Au prône du dimanche suivant, le vieux curé publiait les bans de M. Onufre-Césaire Omont avec Céleste-Adélaïde Malandain. ******************************** LA REMPAILLEUSE A Léon Hennique. C'était à la fin du dîner d'ouverture de chasse chez le marquis de Bertrans. Onze chasseurs, huit jeunes femmes et le médecin du pays étaient assis autour de la grande table illuminée, couverte de fruits et de fleurs. On vint à parler d'amour, et une grande discussion s'éleva, l'éternelle discussion, pour savoir si on pouvait aimer vraiment une fois ou plusieurs fois. On cita des exemples de gens n'ayant jamais eu qu'un amour sérieux ; on cita aussi d'autres exemples de gens ayant aimé souvent, avec violence. Les hommes, en général, prétendaient que la passion, comme les maladies, peut frapper plusieurs fois le même être, et le frapper à le tuer si quelque obstacle se dresse devant lui. Bien que cette manière de voir ne fût pas contestable, les femmes dont l'opinion s'appuyait sur la poésie bien plus que sur l'observation, affirmaient que l'amour, Contes de la bécasse 30

« Six mois après, comme elle allait voir ses parents, un dimanche, son père l'examina curieusement, puis demanda : "T'es-ti point grosse ?" Elle restait stupide regardant son ventre, répétant : "Mais non, je n' crois point." Alors, il l'interrogea, voulant tout savoir : "Dis-mé, si vous n'avez point, quéque soir, mêlé vos sabots ? \24\24Oui, je les ons mêlés l' premier soir et puis l's autres.

\24\24Mais alors t'es pleine, grande futaille." Elle se mit à sangloter, balbutiant : "J' savais ti, mé ? J' savais ti, mé ?" Le père Malandain la guettait, l'oeil éveillé, la mine satisfaite.

Il demanda : "Quéque tu ne savais point ?" Elle prononça, à travers ses pleurs : "J' savais ti, mé, que ça se faisait comme ça, d's' éfants !" Sa mère rentrait.

L'homme articula, sans colère : "La v'là grosse, à c't' heure." Mais la femme se fâcha, révoltée d'instinct, injuriant à pleine gueule sa fille en larmes, la traitant de "manante" et de "traînée".

Alors le vieux la fit taire.

Et comme il prenait sa casquette pour aller causer de leurs affaires avec maît' Césaire Omont, il déclara : "All' est tout d' même encore pu sotte que j'aurais cru.

All' n' savait point c' qu'all' faisait, c'te niente." Au prône du dimanche suivant, le vieux curé publiait les bans de M.

Onufre-Césaire Omont avec Céleste-Adélaïde Malandain.

******************************** LA REMPAILLEUSE A Léon Hennique.

C'était à la fin du dîner d'ouverture de chasse chez le marquis de Bertrans.

Onze chasseurs, huit jeunes femmes et le médecin du pays étaient assis autour de la grande table illuminée, couverte de fruits et de fleurs.

On vint à parler d'amour, et une grande discussion s'éleva, l'éternelle discussion, pour savoir si on pouvait aimer vraiment une fois ou plusieurs fois.

On cita des exemples de gens n'ayant jamais eu qu'un amour sérieux ; on cita aussi d'autres exemples de gens ayant aimé souvent, avec violence.

Les hommes, en général, prétendaient que la passion, comme les maladies, peut frapper plusieurs fois le même être, et le frapper à le tuer si quelque obstacle se dresse devant lui.

Bien que cette manière de voir ne fût pas contestable, les femmes dont l'opinion s'appuyait sur la poésie bien plus que sur l'observation, affirmaient que l'amour, Contes de la bécasse Contes de la bécasse 30. »

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