Contes de la bécasse "Il était sorti de la cour en creusant un trou sous la palissade.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Comme un serpent, la suite des invités s'allongeait à travers la cour.
Les premiers, atteignant la maison,
brisaient la chaîne, s'éparpillaient, tandis que là-bas il en entrait toujours par la barrière ouverte.
Les fossés
maintenant étaient garnis de gamins et de pauvres, curieux ; et les coups de fusil ne cessaient pas, éclatant de
tous les côtés à la fois, mêlant à l'air une buée de poudre et cette odeur qui grise comme de l'absinthe.
Devant la porte, les femmes tapaient sur leurs robes pour en faire tomber la poussière, dénouaient les
oriflammes qui servaient de rubans à leurs chapeaux, défaisaient leurs châles et les posaient sur leurs bras,
puis entraient dans la maison pour se débarrasser définitivement de ces ornements.
La table était mise dans la grande cuisine, qui pouvait contenir cent personnes.
On s'assit à deux heures.
A huit heures on mangeait encore.
Les hommes déboutonnés, en bras de chemise, la
face rougie, engloutissaient comme des gouffres.
Le cidre jaune luisait, joyeux, clair et doré, dans les grands
verres, à côté du vin coloré, du vin sombre, couleur de sang.
Entre chaque plat on faisait un trou, le trou normand, avec un verre d'eau-de-vie qui jetait du feu dans le
corps et de la folie dans les têtes.
De temps en temps, un convive plein comme une barrique, sortait jusqu'aux arbres prochains, se soulageait,
puis rentrait avec une faim nouvelle aux dents.
Les fermières, écarlates, oppressées, les corsages tendus comme des ballons, coupées en deux par le corset,
gonflées du haut et du bas, restaient à table par pudeur.
Mais une d'elles, plus gênée, étant sortie, toutes alors
se levèrent à la suite.
Elles revenaient plus joyeuses, prêtes à rire.
Et les lourdes plaisanteries commencèrent.
C'étaient des bordées d'obscénités lâchées à travers la table, et toutes sur la nuit nuptiale.
L'arsenal de l'esprit
paysan fut vidé.
Depuis cent ans, les mêmes grivoiseries servaient aux mêmes occasions, et, bien que chacun
les connût, elles portaient encore, faisaient partir en un rire retentissant les deux enfilées de convives.
Un vieux à cheveux gris appelait : "Les voyageurs pour Mézidon en voiture." Et c'étaient des hurlements de
gaieté.
Tout au bout de la table, quatre gars, des voisins, préparaient des farces aux mariés, et ils semblaient en tenir
une bonne, tant ils trépignaient en chuchotant.
L'un d'eux, soudain, profitant d'un moment de calme, cria :
"C'est les braconniers qui vont s'en donner c'te nuit, avec la lune qu'y a !...
Dis donc, Jean, c'est pas c'te lune
qu' tu guetteras, toi ?"
Le marié, brusquement, se tourna :
"Qu'i z'y viennent, les braconniers !"
Mais l'autre se mit à rire :
"Ah ! i peuvent y venir ; tu quitteras pas ta besogne pour ça !"
Toute la tablée fut secouée par la joie.
Le sol en trembla, les verres vibrèrent.
Mais le marié, à l'idée qu'on pouvait profiter de sa noce pour braconner chez lui devint furieux : Contes de la bécasse
Contes de la bécasse 24.
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