Contes de la bécasse "Puis il disparut.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
"Il s'était levé ; il marchait à grands pas derrière la table, le bonnet grec chaviré sur une oreille.
Il balbutiait :
"Comprend-on ça, docteur ? Voilà de ces choses horribles pour un homme ! Que faire ? Oh ! si je l'avais su
de son vivant, je l'aurais fait arrêter par la gendarmerie et flanquer en prison.
Et elle n'en serait pas sortie, je
vous en réponds !"
"Je demeurais stupéfait du résultat de ma démarche pieuse.
Je ne savais que dire ni que faire.
Mais j'avais à
compléter ma mission.
Je repris : "Elle m'a chargé de vous remettre ses économies, qui montent à deux mille
trois cents francs.
Comme ce que je viens de vous apprendre semble vous être fort désagréable, le mieux
serait peut-être de donner cet argent aux pauvres."
"Ils me regardaient, l'homme et la femme, perclus de saisissement.
"Je tirai l'argent de ma poche, du misérable argent de tous les pays et de toutes les marques, de l'or et des sous
mêlés.
Puis je demandai : "Que décidez-vous ?"
"Mme Chouquet parla la première : "Mais, puisque c'était sa dernière volonté, à cette femme...
il me semble
qu'il nous est bien difficile de refuser."
"Le mari, vaguement confus, reprit : "Nous pourrions toujours acheter avec ça quelque chose pour nos
enfants."
"Je dis d'un air sec : "Comme vous voudrez."
"Il reprit : "Donnez toujours, puisqu'elle vous en a chargé ; nous trouverons bien moyen de l'employer à
quelque bonne oeuvre."
"Je remis l'argent, je saluai et partis.
"Le lendemain Chouquet vint me trouver et, brusquement : "Mais elle a laissé ici sa voiture, cette...
cette
femme.
Qu'est-ce que vous en faites, de cette voiture ?
\24\24Rien, prenez-la si vous voulez.
\24\24Parfait ; cela me va ; j'en ferai une cabane pour mon potager."
"Il s'en allait.
Je le rappelai.
"Elle a laissé aussi son vieux cheval et ses deux chiens.
Les voulez-vous ?" Il
s'arrêta, surpris : "Ah ! non, par exemple ; que voulez-vous que j'en fasse ? Disposez-en comme vous
voudrez." Et il riait.
Puis il me tendit sa main que je serrai.
Que voulez-vous ? Il ne faut pas, dans un pays,
que le médecin et le pharmacien soient ennemis.
"J'ai gardé les chiens chez-moi.
Le curé, qui a une grande cour, a pris le cheval.
La voiture sert de cabane à
Chouquet ; et il a acheté cinq obligations de chemin de fer avec l'argent.
"Voilà le seul amour profond que j'aie rencontré, dans ma vie."
*
Le médecin se tut.
Alors la marquise, qui avait des larmes dans les yeux, soupira : "Décidément, il n'y a que les femmes pour
savoir aimer !" Contes de la bécasse
Contes de la bécasse 34.
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