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Dariole, étendue dans un grand fauteuil, dormait près du lit de sa maîtresse.

Publié le 04/11/2013

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Dariole, étendue dans un grand fauteuil, dormait près du lit de sa maîtresse. Ce lit était entièrement fermé par les rideaux. La respiration de la jeune femme était si légère, qu'un instant Catherine crut qu'elle ne respirait plus. Enfin elle entendit un léger souffle, et, avec une joie maligne, elle vint lever le rideau, afin de constater par lle-même l'effet du terrible poison, tressaillant d'avance à l'aspect de cette livide pâleur ou de cette dévorante ourpre d'une fièvre mortelle qu'elle espérait ; mais, au lieu de tout cela, calme, les yeux doucement clos par eurs blanches paupières, la bouche rose et entrouverte, sa joue moite doucement appuyée sur un de ses bras racieusement arrondi, tandis que l'autre, frais et nacré, s'allongeait sur le damas cramoisi qui lui servait de ouverture, la belle jeune femme dormait presque rieuse encore ; car sans doute quelque songe charmant faisait clore sur ses lèvres le sourire, et sur sa joue ce coloris d'un bien-être que rien ne trouble. Catherine ne put s'empêcher de pousser un cri de surprise qui réveilla pour un instant Dariole. La reine mère se jeta derrière les rideaux du lit. Dariole ouvrit les yeux ; mais, accablée de sommeil, sans même chercher dans son esprit engourdi la cause de on réveil, la jeune fille laissa retomber sa lourde paupière et se rendormit. Catherine alors sortit de dessous son rideau, et, tournant son regard vers les autres points de l'appartement, elle vit sur une petite table un flacon de vin d'Espagne, des fruits, des pâtes sucrées et deux verres. Henri avait dû venir souper chez la baronne, qui visiblement se portait aussi bien que lui. Aussitôt Catherine, marchant à sa toilette, y prit la petite boîte d'argent au tiers vide. C'était exactement la même ou tout au moins la pareille de celle qu'elle avait fait remettre à Charlotte. Elle en enleva une parcelle de la grosseur d'une perle sur le bout d'une aiguille d'or, rentra chez elle, la présenta au petit singe que lui avait donné Henri le soir même. L'animal, affriandé par l'odeur aromatique, la dévora avidement, et, s'arrondissant dans sa corbeille, se rendormit. Catherine attendit un quart d'heure. - Avec la moitié de ce qu'il vient de manger là, dit Catherine, mon chien Brutus est mort enflé en une minute. On m'a jouée. Est-ce René ? René ! c'est impossible. Alors c'est donc Henri ! ô fatalité ! C'est clair : puisqu'il doit égner, il ne peut pas mourir. » Mais peut-être n'y a-t-il que le poison qui soit impuissant, nous verrons bien en essayant du fer. Et Catherine se coucha en tordant dans son esprit une nouvelle pensée qui se trouva sans doute complète le endemain ; car, le lendemain, elle appela son capitaine des gardes, lui remit une lettre, lui ordonna de la porter son adresse, et de ne la soumettre qu'aux propres mains de celui à qui elle était adressée. Elle était adressée au sire de Louviers de Maurevel, capitaine des pétardiers du roi, rue de la Cerisaie, près de l'Arsenal. XXVIII - La lettre de Rome   Quelques jours s'étaient écoulés depuis les événements que nous venons de raconter, lorsqu'un matin une litière escortée de plusieurs gentilshommes aux couleurs de M. de Guise entra au Louvre, et que l'on vint annoncer à la reine de Navarre que madame la Duchesse de Nevers sollicitait l'honneur de lui faire sa cour. Marguerite recevait la visite de madame de Sauve. C'était la première fois que la belle baronne sortait depuis sa prétendue maladie. Elle avait su que la reine avait manifesté à son mari une grande inquiétude de cette indisposition, qui avait été pendant près d'une semaine le bruit de la cour, et elle venait la remercier. Marguerite la félicitait sur sa convalescence et sur le bonheur qu'elle avait eu d'échapper à l'accès subit de ce mal étrange dont, en sa qualité de fille de France, elle ne pouvait manquer d'apprécier toute la gravité. - Vous viendrez, j'espère, à cette grande chasse déjà remise une fois, demanda Marguerite, et qui doit avoir lieu définitivement demain. Le temps est doux pour un temps d'hiver. Le soleil a rendu la terre plus molle, et tous nos chasseurs prétendent que ce sera un jour des plus favorables. - Mais, madame, dit la baronne, je ne sais si je serai assez bien remise. - Bah ! reprit Marguerite, vous ferez un effort ; puis, comme je suis une guerrière, moi, j'ai autorisé le roi à disposer d'un petit cheval de Béarn que je devais monter et qui vous portera à merveille. N'en avez-vous point encore entendu parler ? - Si fait, madame, mais j'ignorais que ce petit cheval eût été destiné à l'honneur d'être offert à Votre Majesté : sans cela je ne l'eusse point accepté. - Par orgueil, baronne ? - Non, madame, tout au contraire, par humilité. - Donc, vous viendrez ? - Votre Majesté me comble d'honneur. Je viendrai puisqu'elle l'ordonne. Ce fut en ce moment qu'on annonça madame la duchesse de Nevers. À ce nom Marguerite laissa échapper un tel mouvement de joie, que la baronne comprit que les deux femmes avaient à causer ensemble, et elle se leva pour se retirer. - À demain donc, dit Marguerite. - À demain, madame. - À propos ! vous savez, baronne, continua Marguerite en la congédiant de la main, qu'en public je vous déteste, attendu que je suis horriblement jalouse. - Mais en particulier ? demanda madame de Sauve. - Oh ! en particulier, non seulement je vous pardonne, mais encore je vous remercie. - Alors, Votre Majesté permettra... Marguerite lui tendit la main, la baronne la baisa avec respect, fit une révérence profonde et sortit. Tandis que madame de Sauve remontait son escalier, bondissant comme un chevreau dont on a rompu l'attache, madame de Nevers échangeait avec la reine quelques saluts cérémonieux qui donnèrent le temps aux gentilshommes qui l'avaient accompagnée jusque-là de se retirer. - Gillonne, cria Marguerite lorsque la porte se fut refermée sur le dernier, Gillonne, fais que personne ne nous interrompe. - Oui, dit la duchesse, car nous avons à parler d'affaires tout à fait graves. Et, prenant un siège, elle s'assit sans façon, certaine que personne ne viendrait déranger cette intimité convenue entre elle et la reine de Navarre, prenant sa meilleure place du feu et du soleil. - Eh bien, dit Marguerite avec un sourire, notre fameux massacreur, qu'en faisons-nous ? - Ma chère reine, dit la duchesse, c'est sur mon âme un être mythologique. Il est incomparable en esprit et ne tarit jamais. Il a des saillies qui feraient pâmer de rire un saint dans sa châsse. Au demeurant, c'est le plus furieux païen qui ait jamais été cousu dans la peau d'un catholique ! j'en raffole. Et toi, que fais-tu de ton Apollo ? - Hélas ! fit Marguerite avec un soupir. - Oh ! oh ! que cet hélas m'effraie, chère reine ! est-il donc trop respectueux ou trop sentimental, ce gentil La Mole ? Ce serait, je suis forcée de l'avouer, tout le contraire de son ami Coconnas. - Mais non, il a ses moments, dit Marguerite, et cet hélas ne se rapporte qu'à moi. - Que veut-il dire alors ? - Il veut dire, chère duchesse, que j'ai une peur affreuse de l'aimer tout de bon. - Vraiment ?

« XXVIII –La lettre deRome  Quelques jourss’étaient écoulésdepuislesévénements quenous venons deraconter, lorsqu’un matinune litière escortée deplusieurs gentilshommes auxcouleurs deM. de Guise entraauLouvre, etque l’on vint annoncer àla reine deNavarre quemadame laDuchesse deNevers sollicitait l’honneur delui faire sacour. Marguerite recevaitlavisite demadame deSauve.

C’étaitlapremière foisque labelle baronne sortaitdepuis sa prétendue maladie.Elleavait suque lareine avaitmanifesté àson mari unegrande inquiétude decette indisposition, quiavait étépendant prèsd’une semaine lebruit delacour, etelle venait laremercier. Marguerite lafélicitait sursaconvalescence etsur lebonheur qu’elleavaiteud’échapper àl’accès subitdece mal étrange dont,ensaqualité defille deFrance, ellenepouvait manquer d’apprécier toutelagravité. – Vous viendrez, j’espère,àcette grande chassedéjàremise unefois, demanda Marguerite, etqui doit avoir lieu définitivement demain.Letemps estdoux pouruntemps d’hiver.

Lesoleil arendu laterre plusmolle, et tous noschasseurs prétendent quecesera unjour desplus favorables. – Mais, madame, ditlabaronne, jene sais sije serai assez bienremise. – Bah ! reprit Marguerite, vousferez uneffort ; puis,comme jesuis uneguerrière, moi,j’aiautorisé leroi à disposer d’unpetit cheval deBéarn quejedevais monter etqui vous portera àmerveille.

N’enavez-vous point encore entendu parler ? – Si fait, madame, maisj’ignorais quecepetit cheval eûtétédestiné àl’honneur d’êtreoffertàVotre Majesté : sans celajene l’eusse pointaccepté. – Par orgueil, baronne ? – Non, madame, toutaucontraire, parhumilité. – Donc, vousviendrez ? – Votre Majesté mecomble d’honneur.

Jeviendrai puisqu’elle l’ordonne. Ce fut encemoment qu’onannonça madame laduchesse deNevers.

Àce nom Marguerite laissaéchapper un tel mouvement dejoie, quelabaronne compritquelesdeux femmes avaientàcauser ensemble, etelle seleva pour seretirer. – À demain donc,ditMarguerite. – À demain, madame. – À propos ! voussavez, baronne, continuaMarguerite enlacongédiant delamain, qu’enpublic jevous déteste, attendu quejesuis horriblement jalouse. – Mais enparticulier ? demandamadamedeSauve. – Oh ! enparticulier, nonseulement jevous pardonne, maisencore jevous remercie. – Alors, VotreMajesté permettra… Marguerite luitendit lamain, labaronne labaisa avecrespect, fitune révérence profondeetsortit. Tandis quemadame deSauve remontait sonescalier, bondissant commeunchevreau dontonarompu l’attache, madamedeNevers échangeait aveclareine quelques salutscérémonieux quidonnèrent letemps aux gentilshommes quil’avaient accompagnée jusque-làdeseretirer. – Gillonne, criaMarguerite lorsquelaporte sefut refermée surledernier, Gillonne, faisque personne ne nous interrompe. – Oui, ditladuchesse, carnous avons àparler d’affaires toutàfait graves. Et, prenant unsiège, elles’assit sansfaçon, certaine quepersonne neviendrait dérangercetteintimité convenue entreelleetlareine deNavarre, prenantsameilleure placedufeu etdu soleil. – Eh bien, ditMarguerite avecunsourire, notrefameux massacreur, qu’enfaisons-nous ? – Ma chère reine, ditladuchesse, c’estsurmon âmeunêtre mythologique.

Ilest incomparable enesprit etne tarit jamais.

Ilades saillies quiferaient pâmerderire unsaint danssachâsse.

Audemeurant, c’estleplus furieux païenquiaitjamais étécousu danslapeau d’uncatholique ! j’enraffole.

Ettoi, que fais-tu deton Apollo ? –Hélas ! fitMarguerite avecunsoupir. – Oh ! oh !quecethélas m’effraie, chèrereine ! est-ildonctroprespectueux outrop sentimental, cegentil La Mole ? Ceserait, jesuis forcée del’avouer, toutlecontraire deson ami Coconnas. – Mais non,ilases moments, ditMarguerite, etcet hélas neserapporte qu’àmoi. – Que veut-il direalors ? – Il veut dire, chère duchesse, quej’aiune peur affreuse del’aimer toutdebon. – Vraiment ?. »

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