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de ses concitoyens, qu'il sache se parler ainsi : «

Publié le 29/06/2013

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de ses concitoyens, qu'il sache se parler ainsi : « Je me plains de mes concitoyens : Mais s'il était possible de les interroger tous, et de demander à chacun d'eux lequel il voudrait être de l'auteur des Nouvelles ecclésiastiques 180 ou de Montesquieu ; de l'auteur des Lettres américaines 181 ou de Buffon ; en est-il un seul qui eût un peu de discernement, et qui pût balancer sur le choix ? Je suis donc certain d'obtenir un jour les seuls applaudissements dont je fasse quelque cas, si j'ai été assez heureux pour les mériter. « Et vous qui prenez le titre de Philosophes ou de Beaux esprits, et qui ne rougissez point de ressembler à ces insectes importuns qui passent les instants de leur existence éphémère à troubler l'homme dans ses travaux et dans son repos ; quel est votre but ? qu'espérez-vous de votre acharnement ? quand vous aurez découragé ce qui reste à la Nation d'auteurs célèbres et d'excellents génies, que ferez-vous en revanche pour elle ? quelles sont les productions merveilleuses par lesquelles vous dédommagerez le genre humain de celles qu'il en aurait obtenues ?... Malgré vous, les noms des Duclos 182, des d'Alembert et des Rousseau 183 ; des de Voltaire, des Maupertuis et des Montesquieu, des de Buffon et des d'Aubenton 184, seront en honneur parmi nous et chez nos neveux 185 : et si quelqu'un se souvient un jour des vôtres, « Ils ont été, dira-t-il, les persécuteurs des premiers hommes de leur temps ; et si nous possédons la préface de l' Encyclopédie 186, l' Histoire du siècle de Louis XIV 187 , l' Esprit des lois, et l' Histoire de la Nature, c'est qu'heureusement il n'était pas au pouvoir de ces gens-là de nous en priver «. LVI DES CAUSES À ne consulter que les vaines conjectures de la Philosophie et la faible lumière de notre raison 189, on croirait que la chaîne des Causes n'a point eu de com1.188 mencement, et que celle des Effets n'aura point de fin. Supposez une molécule déplacée, elle ne s'est point déplacée d'elle-même ; la cause de son déplacement a une autre cause ; celle-ci, une autre, et ainsi de suite, sans qu'on puisse trouver de limites naturelles aux Causes dans la durée qui a précédé. Supposez une molécule déplacée, ce déplacement aura un effet ; cet effet, un autre effet, et ainsi de suite, sans qu'on puisse trouver de limites naturelles aux Effets dans la durée qui suivra. L'esprit épouvanté de ces progrès à l'infini des causes les plus faibles et des effets les plus légers ne se refuse à cette supposition et à quelques autres de la même espèce que par le préjugé, qu'il ne se passe rien au-delà de la portée de nos sens, et que tout cesse où nous ne voyons plus : Mais une des principales différences de l'Observateur de la nature et de son Interprète 190, c'est que celui-ci part du point où les sens et les instruments abandonnent l'autre ; il conjecture, par ce qui est, ce qui doit être encore ; il tire de l'ordre des choses des conclusions abstraites et générales, qui ont pour lui toute l'évidence des vérités sensibles et particulières ; il s'élève à l'essence même de l'ordre ; il voit que la coexistence pure et simple d'un être sensible et pensant, avec un enchaînement quelconque de causes et d'effets, ne lui suffit pas pour en porter un jugement absolu 191 ; il s'arrête là ; s'il faisait un pas de plus, il sortirait de la Nature. DES CAUSES FINALES 2. Qui sommes-nous pour expliquer les fins de la Nature ? Ne nous apercevrons-nous point que c'est presque toujours aux dépens de sa puissance, que nous préconisons sa sagesse, et que nous ôtons à ses ressources plus que nous ne pouvons jamais accorder à ses vues ? Cette manière de l'interpréter est mauvaise, même en Théologie naturelle 192. C'est substituer la conjecture de l'homme à l'ouvrage de Dieu ; c'est attacher la plus importante des vérités au sort d'une hypothèse 193. Mais le phénomène le plus commun suf- fira pour montrer combien la recherche de ces causes est contraire à la véritable science. Je suppose qu'un Physicien, interrogé sur la nature du Lait, réponde que c'est un aliment qui commence à se préparer dans la femelle, quand elle a conçu, et que la nature destine à la nourriture de l'animal qui doit naître 194 ; que cette définition m'apprendra-t-elle sur la formation du lait ? que puis-je penser de la destination prétendue de ce fluide, et des autres idées physiologiques qui l'accompagnent ; lorsque je sais qu'il y a eu des hommes qui ont fait jaillir le lait de leurs mamelles ; que l'anastomose des artères épigastriques et mammaires * 195 me démontre que c'est le lait qui cause le gonflement de la gorge dont les filles mêmes sont quelquefois incommodées à l'approche de l'évacuation périodique ; qu'il n'y a presque aucune fille qui ne devînt nourrice, si elle se faisait téter ; et que j'ai sous les yeux une femelle d'une espèce si petite, qu'il ne s'est point trouvé de mâle qui lui convînt, qui n'a point été couverte, qui n'a jamais porté ; et dont les tettes 196 se sont gonflées de lait au point qu'il a fallu recourir aux moyens ordinaires pour la soulager 197 ? Combien n'est-il pas ridicule d'entendre des Anatomistes attribuer sérieusement à la pudeur de la Nature, une ombre qu'elle a également répandue sur des endroits de notre corps où il n'y a rien de déshonnête à couvrir ? L'usage que lui supposent d'autres Anatomistes fait un peu moins d'honneur à la pudeur de la Nature, mais n'en fait pas davantage à leur sagacité. Le Physicien dont la profession est d'instruire et non d'édifier, abandonnera donc le pourquoi, et ne s'occupera que du comment 198 . Le comment se tire des Êtres ; le pourquoi, de notre entendement ; il tient à nos systèmes ; il dépend du progrès de nos connaissances. Combien d'idées absurdes, de suppositions fausses, de notions chimériques dans ces Hymnes que quelques défenseurs téméraires des causes finales ont osé composer à l'honneur du Créateur ? Au lieu de partager les * Cette découverte Anatomique est de M. Bertin, et c'est une des plus belles qui se soit faite de nos jours.

« mencement, et que celle des Effets n'aura point de fin.

Supposez une molécule déplacée, elle ne s'est point déplacée d'elle-même ; la cause de son déplacement a une autre cause ; celle-ci, une autre, et ainsi de suite, sans qu'on puisse trouver de limites naturelles aux Causes dans la durée qui a précédé.

Supposez une molécule déplacée, ce déplacement aura un effet ; cet effet, un autre effet, et ainsi de suite, sans qu'on puisse trouver de limites naturelles aux Effets dans la durée qui suivra.

L'esprit épouvanté de ces progrès à l'infini des causes les plus faibles et des effets les plus légers ne se refuse à cette supposition et à quelques autres de la même espèce que par le préjugé, qu'il ne se passe rien au-delà de la portée de nos sens, et que tout cesse où nous ne voyons plus : Mais une des principales diffé- rences de l'Observateur de la nature et de son Interprète 190 , c'est que celui-ci part du point où les sens et les instruments abandonnent l'autre ; il conjec- ture, par ce qui est, ce qui doit être encore ; il tire de l'ordre des choses des conclusions abstraites et géné- rales, qui ont pour lui toute l'évidence des vérités sen- sibles et particulières ; il s'élève à l'essence même de l'ordre ; il voit que la coexistence pure et simple d'un être sensible et pensant, avec un enchaînement quel- conque de causes et d'effets, ne lui suffit pas pour en porter un jugement absolu 191 ; il s'arrête là ; s'il faisait un pas de plus, il sortirait de la Nature.

DES CAUSES FINALES 2.

Qui sommes-nous pour expliquer les fins de la Nature ? Ne nous apercevrons-nous point que c'est presque toujours aux dépens de sa puissance, que nous préconisons sa sagesse, et que nous ôtons à ses res- sources plus que nous ne pouvons jamais accorder à ses vues ? Cette manière de l'interpréter est mauvaise, même en Théologie naturelle 192 .

C'est substituer la conjecture de l'homme à l'ouvrage de Dieu ; c'est atta- cher la plus importante des vérités au sort d'une hypothèse 193 .

Mais le phénomène le plus commun suf-. »

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