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Desmoulins, sur la liberté

Publié le 19/02/2013

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Révolutionnaire français, Camille Desmoulins est connu pour les analyses critiques qu’il publie dans le Vieux Cordelier et qui lui valent de solides inimitiés. Durant la Terreur, il ne se lasse pas de rédiger des articles appelant à l’indulgence, à la concorde et à l’équité, en soi et devant la justice. S’en prenant implicitement à Hébert et à Robespierre, il lance, fin 1793, un appel à la clémence et au respect des vraies valeurs de liberté, d’humanité — à son sens, aux vraies valeurs de la dignité révolutionnaire.

Camille Desmoulins, un opposant à la Terreur

 

Je crois que la liberté c’est la justice, et qu’à ses yeux les fautes sont personnelles. Je crois qu’elle ne poursuit point sur le fils innocent le crime du père ; qu’elle ne demande point, comme le procureur de la Commune, le Père Duchesne, dans un certain numéro, qu’on égorge les enfants de Capet ; car si la politique a pu commander quelquefois aux tyrans d’égorger jusqu’au dernier rejeton de la race d’un autre despote, je crois que la politique des peuples libres, des peuples souverains, c’est l’équité ; et, en supposant que cette idée, vraie en général, soit fausse en certains cas, et puisse recevoir des exceptions, du moins on m’avouera que, quand la raison d’État commande ces sortes de meurtres, c’est secrètement qu’elle en a donné l’ordre, et jamais Néron n’a bravé la pudeur jusqu’à faire colporter et crier dans les rues l’arrêt de mort de Britannicus et un décret d’empoisonnement. Quoi ! c’est un crime d’avilir les pouvoirs constitués d’une nation et ce n’en serait pas un d’avilir ainsi la nation elle-même, de diffamer le peuple français, en lui faisant mettre ainsi la main dans le sang innocent à la face de l’univers. Je crois que la liberté, c’est l’humanité […]. Je crois que la prison est inventée non pour punir le coupable mais pour le tenir sous la main des juges. Je crois que la liberté ne confond point la femme ou la mère du coupable avec le coupable lui-même. […] […] Je crois que la liberté ne requiert point que le cadavre d’un condamné suicidé soit décapité. […] Je crois que la liberté est magnanime : elle n’insulte point au coupable condamné jusqu’aux pieds de l’échafaud et après l’exécution, car la mort éteint le crime ; car Marat, que les patriotes ont pris pour leur modèle et regardé comme la ligne de modération entre eux et les exagérés, Marat, qui avait tant poursuivi Necker, s’abstint de parler de lui du moment qu’il ne fut plus en place et dangereux et il disait : « Necker est mort, laissons en paix sa cendre «. Ce sont les peuples sauvages, les anthropophages et les cannibales qui dansent autour du bûcher. Tibère et Charles IX allaient bien voir le corps d’un ennemi mort, mais au moins ils ne faisaient pas trophée de son cadavre ; ils ne faisaient point le lendemain ces plaisanteries dégoûtantes d’un magistrat du peuple, d’Hébert : Enfin j’ai vu le rasoir national séparer la tête pelée du Custines de son dos rond.

 

 

Source: Desmoulins (Camille), le Vieux Cordelier, Éditions H. Calvet, Paris, Armand Colin, 1936.

 

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