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LIBERTÉ DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE C.E. 30 mai 1930, CHAMBRE SYNDICALE DU COMMERCE EN DÉTAIL DE NEVERS, Rec. 583

Publié le 26/09/2022

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« LIBERTÉ DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE C.E.

30 mai 1930, CHAMBRE SYNDICALE DU COMMERCE EN DÉTAIL DE NEVERS, Rec.

583 (S, 1931.3.73, concl.

Josse, note Alibert; R.

D.

P.

1930.530, concl.

Josse) Cons.

que si, en vertu de l'art.

I•r de la loi gu 3 août 1926, qui l'autorisait à apporter tant aux services de l'Etat qu'à ceux des collectivités locales, toutes réformes nécessaires à la réalisation d'écono­ mies, le président de la République a pu légalement réglementer, dai;_ts les.

conditions qui lui ont paru les 1;>lus conformes à l'intérêt des 'finances communales, l'organisation et le fonctionnement des régies municipales, les décrets des.

5 ·nov.

et 28 déc.

1926, par lesquels il a réalisé ces réformes, n'ont eu ni pour objet, ni pour effet, d'étendre en matière de créations de services publics communaux, les attributions conférées aux conseils municipaux par la législation antérieure; que les entreprises ayant un caractère comm�rcial restent, en règle générale, réservées à l'initiative privée et que les conseils municipaux ne peuvent ériger âes entreprises de cette nature en services publics communaux que si, en raison de circonstances particulières de temps et de lieu, un intérêt public justifie leur intervention en cette matière; Cons.

que l'institution d'un service de ravitaillement destiné à la vente directe au public constitue une entreprise commerciale et qu'au­ cune circonstance particulière à la ville de Nevers ne justifiait la création en 1923 et le maintien au cours des années suivantes d'un service municipal de cette nature dans ladite ville; que le sieur Guin est dès lors fondé à soutenir qu'en refusant de déclarer nulles de droit les délibérations par lesquelles le conseil municipal de Nevers a organisé ce service, le préfet de la Nièvre a excédé ses pouvoirs; ...

(Annula· · tion). OBSERVATIONS Par plusieurs délibérations prises en 1925, 1926 et 1927, le conseil municipal de Nevers avait autorisé le maire à créer un service municipal de ravitaillement en denrées de toute sorte. Cette entreprise avait été concédée.

La municipalité espérait ainsi enrayer la montée du coût de la 'vie.

Saisi des plaintes des commerçants, le préfet avait refusé de déclarer nulles de droit les délibérations du conseil municipal.

Son refus fut déféré au Conseil d'État. La jurisprudence n'.avait admis jusqu'alors l'érection en ser­ vice public de certaines activités commerciales ou industrielles que s'il n'y avait aucun autre moyen d_e satisfaire les besoins de la population.

Ainsi le Conseil d'Etat avait-il annulé des 'délibérations accordant des subventions à un médecin (29 mars 1901, Casanova*), créant une caisse départementale d'assuran­ ces (20 janv.

1921, Agents d'assurances de Belfort, Rec.

82; S.

1921.3.33, note Hauriou), organisant une boucherie munici­ pale (27 mars 1930, Connat, Rec.

349), en l'absence de circons­ tances «exceptionnelles», «extraordinaires», ou plus simple­ ment, dans la dernière jurisprudence, «particulières», résultant d'une défaillance manifeste de l'industrie privée.

Le Conseil d'État tendait d'ailleurs à assouplir sa jurisprudence après la guerre de 1914-1918 et les arrêts rendus entre 1920 et 1930 admettaient plus fréquemment l'existence d'une situation parti­ culière de nature à justifier l'intervention des collectivités publi­ ques (28 mars 1924, Genet, Rec.

347 : légalité de la vente du poisson dans les baraques Vilgrain à Paris dans le but de développer la consommation d'une denrée de substitution pour ménager le cheptel).

Sa jurisprudence demeurait toutefois res­ trictive; elle était fondée sur la loi des 2-17' mars 1791 procla­ mant la liberté du commerce et de l'industrie; les risques financiers résultant pour les communes de leurs activités com­ merciales ne lui fournissaient qu'une justification subsidiaire. Or, deux textes de 1926 manifestaient le désir du gouverne­ ment de favoriser à l'avenir- les interventions .économiques des communes.

Le décret du 28 déc.

1926, notamment, disposait que «les communes et les syndicats de communes peuvent être autorisés à exploiter directement des services d'intérêt public à caractère industriel et commercial» et què «sont considérées comme industrielles et commerciales les exploitations suscepti­ bles d'être gérées par des entreprises privées...

par application de la loi du 2-17 mars 1791». La légalité de ce décret était contestée par la Chambre syndicale du commerce en d�tail de Nevers.

Il s'agissait d'un décret-loi, mais le Conseil d'Etat avait déjà jugé que ces textes avaient le caractère d'actes administratifs (3 août 1918, Compa­ gnie des Chargeurs d'Extrême-Orient, Rec.

814).

Il n'était pas douteux que les auteurs des textes de 1926 aient voulu dévelop­ per les interventions communales.

Quelques extraits des rap­ ports au président de la République levaient toute hésitation à ce sujet.

Le commissaire du gouvernement Josse cita même un passage du rapport précédant le décret du 28 déc.

1926 d'après lequel la jurisprudence «en dépit de son évolution» demeurait encore «en arrière des nécessités actuelles».

La façon dont il ·écarta l'argument que constituaient en faveur de la position de l'administration les travaux préparatoires, est assez caractéristi­ que des méthodes d'interprétation du Conseil d'État : « D'une part l'idée que les auteurs du décret se sont fait de votre jurisprudence n'était peut-être pas très exacte...

D'autre part et surtout, quels que soient les désii:s des rédacteurs du décret, les textes ne permettent pas de conclure à une modification pro­ fonde des principes déjà posés par vous...

L'expression « servi­ ces d'intérêt public» est la confirmation éclatante de l'œuvre jurisprudentielle.

Donc, d'après le texte même, dans tous les domaines énumérés par les décrets, l'intervention municipale ne sera légale que si un intérêt public la rend légitime...

Que l'intérêt public puisse être entendu plus largement qu'autrefois, d'accord, mais nous sommes fondés à conclure que les décrets de 1926 ne dérogent pas aux principes». Le Conseil d'Etat appliqua effectivement aux faits de l'espèce les principes qui régissaient sa jurisprudence avant la publica­ tion des décrets, et, constatant que la ville de Nevers n'invo­ quait aucune circonstance particulière (coalition, spéculation...) mais seulement la lutte contre la vie chère, il annula les délibérations attaquées.

La même solution était appliquée peu après à une délibération par la,quelle le conseil municipal de Draguignan avait organisé et concédé un service de représenta­ tions ciné111atographiques, parce qu'« il n'existait aucune cir­ constance particulière pouvant faire regarder l'exploitation d'un cinématographe comme ayant un caractère d'intérêt public de nature à justifier légalement son érection en service public municipal» (27 févr.

1931, Giaccardi, Rec.

225; S.

1931.3.73, note Alibert). L'évolution économique et l'évolution générale de l'esprit public à l'égard des interventions des communes firent ce que n'avaient pu faire les décrets de 1926 et amenèrent le Conseil d'État à assoupir considérablement sa jurisprudence à partir de 1933.

Ainsi admit-il facilement le maintien, au moins pendant le temps nécessaire pour amortir les frais d'établissement, d'un service économique, dont la création avait été justifiée par des « circonstances particulières», alors même que ces circonstan­ _ces avaient disparu : tel fut le cas du maintien des boucheries municipales créées à Millau en 1927 pour lutter contre une hausse excessive des prix (23 juin 1933, Lavabre, Rec.

677; S.

1933.3.81, concl.

Rivet, note Alibert; R.

D.

P.

1934.280, c0ncl.

Rivet). Dans le même sens, l'arrêt Zénard (24 nov.

1933, Rec.

1100; S.

1934.3.105, concl.

Detton, note Mestre) est plus net encore : la ville de Reims avait créé pendant la guerre un service de boucheries municipales; bien qu'après la guerre les boucheries privées eussent été rouvertes et qu'il y en eût 80 en 1926, le conseil municipal avait décidé de maintenir les boucheries municipales.

Le commissaire du gouvernement Detton, consta­ tant que le prix de la viande était bas a Reims et qu'il n'y existait pas de spéculation, proposa au Conseil d'annuler les délibérations maintenant le service municipal.

Le Conseil refusa de le suivre et motiva son arrêt par des considérations fort éloignées du libéralisme économique qui dominait jus­ qu'alors sa jurisprudence : « Cons.

qu'il résulte de l'instruction que le fonctionnement de la boucherie municipale...

a simple­ ment permis, en ce qui coqcerne la viande fraîche, une meil­ leure adaptation des cours de détail aux conditions économi­ ques et, par suite, la régularisation des prix d'une denrée de première nécessité; qu'ainsi le maintien de la boucherie munici­ pale...

était justifié par un intérêt public local...».

M.

Mestre observait fort justement que l'intérêt public avait absorbé l'inté­ rêt économique.

Une solution analogue fut adoptée à propos d'une prestation de services qui ne présentait pas le même caractère de première.... »

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