Devoir de Philosophie

Discours de la Mollesse à la Nuit (1673). (Le Lutrin, chant II.)

Publié le 22/06/2011

Extrait du document

discours

Les procédés épiques, allégorie et merveilleux, si conventionnels et si fades dans les épopées modernes, deviennent piquants dans une spirituelle parodie comme le Lutrin. — Au chant II de ce poème, la Nuit va raconter à la Mollesse l'entreprise du prélat qui fait replacer pendant la nit un lutrin, dans la Sainte-Chapelle, devant la place occupée par le chantre. — On remarquera, dans les vers qui suivent, un habile éloge de Louis XI V el de l' Église .

A ce triste discours, qu'un long soupir achève, La Mollesse, en pleurant, sur un bras se relève Ouvre un oeil languissant, et, d'une faible voix, Laisse tomber ces mots qu'elle interrompt vingt fois : « O Nuit, que m'as-tu dit? Quel démon sur la terre Souffle dans tous les coeurs la fatigue et la guerre? Hélas! qu'est devenu ce temps, cet heureux temps, Où les rois s'honoraient du nom de fainéants, S'endormaient sur le trône, et, me servant sans honte, Laissaient leur sceptre aux mains ou d'un maire [ou d'un comte? Aucun soin n'approchait de leur paisible cour; On reposait la nuit, on dormait tout le jour. Seulement au printemps, quand Flore dans les plaines Faisait taire des vents les bruyantes haleines, Quatre boeufs attelés, d'un pas tranquille et lent, Promenaient dans Paris le monarque indolent. Ce doux siècle n'est plus. Le ciel impitoyable A placé sur le trône un prince infatigable. Il brave mes douceurs, il est sourd à ma voix : Tous les jours il m'éveille au bruit de ses exploits. Rien ne peut arrêter sa vigilante audace : L'été n'a point de feux, l'hiver n'a point de glace. J'entends à son seul nom tous mes sujets frémir En vain deux fois la paix a voulu l'endormir; Loin de moi son courage, entraîné par la gloire, Ne se plaît qu'à courir de victoire en victoire. Je me fatiguerais à te tracer le cours Des outrages cruels qu'il me fait tous les jours. Je croyais, loin des lieux, d'où ce prince m'exile Que l'Église du moins m'assurait un asile; Mais en vain j'espérais y régner sans effroi : Moines, abbés, prieurs, tout s'arme contre moi; Par mon exil honteux la Trappe est ennoblie; J'ai vu dans Saint-Denis la réforme établie; Le Carme, le Feuillant, s'endurcit aux travaux, Et la règle déjà se remet dans Clairvaux. Cîteaux dormait encore, et la Sainte-Chapelle Conservait du vieux temps l'oisiveté fidèle; Et voici qu'un lutrin, prêt à tout renverser, D'un séjour si chéri vient encor me chasser! O toi, de mon repos compagne aimable et sombre, A de si noirs forfaits prêteras-tu ton ombre? Du moins ne permets pas.... « La Mollesse, oppressée, Dans sa bouche à ce mot sent sa langue glacée, Et, lasse de parler, succombant sous l'effort, Soupire, étend les bras, ferme et s'endort.

(Le Lutrin, chant II.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Un fragment du Lutrin, poème héroï-comique. Comment Boileau fut-il amené à écrire le Lutrin ? Que venait de raconter la Nuit à la Mollesse? Sous quelle forme se présente la réponse de la Mollesse à la Nuit ? Quel est le ton général de cette réponse ? Pourquoi la Mollesse n'achève-t-elle pas son discours ? Quel intérêt trouvez-vous à la lecture de ce morceau?

II. — L'analyse du morceau. — Le discours de la Mollesse forme un tout bien coordonné : n'est-il pas possible cependant d'en distinguer les différentes parties? a) Le regret qu'exprime la Mollesse de ne plus vivre à l'époque des rois fainéants; b) Les tourments que lui causent l'activité infatigable du roi et la réforme de la discipline dans les ordres religieux; c) Sa prière à la Nuit. Pourquoi la Mollesse s'interrompt-elle vingt fois en parlant ? Quel contraste marque-t-elle dans son existence à deux époques différentes? Montrez qu'elle fait, sans le vouloir, un éloge flatteur de Louis XIV et de l'Église. D'où va-t-elle être chassée? Quelle prière (inachevée) adresse-t-elle à la Nuit?

III. — Le style; — les expressions. — Montrez que Boileau emploie les mots qui peignent véritablement la Mollesse (Elle ouvre un oeil languissant..., Soupire, étend les bras, ferme et s'endort); Faites remarquer également que le langage de la Mollesse est bien celui qui convient à son caractère (Elle laisse tomber ces mots : On reposait la nuit, on dormait tout le jour...); Commentez le vers suivant : L'été n'a point de feux, l'hiver n'a point de glace; Quel est le sens des expressions suivantes : les bruyantes haleines des vents, — sa vigilante audace ?

IV. — La grammaire. — Quel est le contraire de chacun des mots suivants : mollesse, fatigue, guerre? Indiquez la composition des mots impitoyable et infatigable; Distinguez les propositions contenues dans les quatre premiers vers du morceau; — nature de chacune d'elles; Indiquez les compléments des verbes, dans ce même passage; — nature de chacun d'eux.

Rédaction. — Faites le portrait d'un élève nonchalant.

Liens utiles