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ÉMILE ZOLA (1840-1902). Épisode de la bataille de Sedan. La Débâcle

Publié le 21/06/2011

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zola

Zola a été considéré comme le chef de l'École naturaliste, dans le roman. Il a publié une longue série sous le titre général de : les Rougon-Macquart; il faut y distinguer surtout : l'Assommoir, Germinal, la Débâcle. Ce naturaliste a l'imagination puissante d'un romantique, et ses descriptions sont à la fois précises et colorées; mais on doit faire d'expresses réserves sur la moralité de ses ouvrages.

Épisode de la bataille de Sedan (1870).

La division de cavalerie commandée par le, général Margueritte va charger pour essayer de repousser l'armée prussienne qui est sur le point d'encercler les Français. Vains efforts! La charge héroïque demeure sans effet.— Comparez, p. 324, la Charge de cuirassiers à Waterloo, par V. HUGO. Toute la division Margueritte, trois régiments de chasseurs d'Afrique, un de chasseurs de France et un.de hussards, venait d'être réunie dans un pli de terrain, un peu au-dessous du calvaire, à gauche de la route. Les trompettes avaient sonné : « Pied à terre! « Et le commandement des officiers retentit :

« Sanglez les chevaux, assurez les paquetages! «

Ce fut un rude moment. Prosper, qui n'était pas plus poltron qu'un autre, alluma une cigarette, tant il avait la bouche sèche. Quand on va charger, chacun peut se dire : « Cette fois, j'y reste! « Cela dura bien cinq ou six minutes : on racontait que le général Margueritte était allé en avant, pour reconnaître le terrain. On attendait. Les cinq régiments s'étaient formés en trois colonnes, chaque colonne avait sept escadrons de profondeur, de quoi donner à manger aux canons. Tout d'un coup, les trompettes sonnèrent : « A cheval ! « Et, presque aussitôt, une autre sonnerie retentit : « Sabre à la main ! « Le colonel de chaque régiment avait galopé, prenant sa place de bataille, à vingt-cinq mètres en avant du front. Les capitaines étaient à leur poste, en tête de leurs hommes. Et l'attente recommença, dans un silence de mort. Plus un bruit, plus un souffle sous l'ardent soleil. Les coeurs seuls battaient. Un ordre encore, le dernier, et cette masse immobile allait s'ébranler, se ruer d'un train de tempête. Mais, à ce moment, sur la crête du coteau, un officier parut, à cheval, blessé, et que deux hommes soutenaient. On ne le reconnut pas d'abord. Puis un grondement s'éleva, roula en une clameur furieuse. C'était le général Margueritte, dont une balle venait de traverser les joues, et qui devait en mourir. Il ne pouvait parler, il agita le bras, là-bas, vers l'ennemi. La clameur grandissait toujours.

« Notre général.... Vengeons-le! vengeons-le! «

Alors le colonel du 1er régiment, levant en l'air son sabre, cria d'une voix de tonnerre :

« Chargez! «

Les trompettes sonnaient, la masse s'ébranla, d'abord au trot. Prosper se trouvait au premier rang, mais presque à l'extrémité de l'aile droite. Le grand danger est au centre, où le tir de l'ennemi s'acharne d'instinct. Lorsqu'on fut sur la crête du calvaire et que l'on commença à descendre de l'autre côté, vers la vaste plaine, il aperçut très nettement, à un millier de mètres, les carrés prussiens sur lesquels on les jetait. D'ailleurs, il trottait comme dans un rêve; il avait une légèreté, un flottement d'être endormi, un vide extraordinaire de cervelle qui le laissait sans une idée. C'était la machine qui allait, sous une impulsion irrésistible. On répétait : « Sentez la botte! Sentez la botte ! « pour serrer les rangs le plus possible et leur donner une résistance de granit. Puis, à mesure que le trot s'accélérait, se changeait en galop enragé, les chasseurs d'Afrique poussaient, à la mode arabe, des cris sauvages qui affolaient leurs montures. Bientôt, ce fut une course diabolique, un train d'enfer, ce furieux galop, ces hurlements féroces, que le crépitement des balles accompagnait d'un bruit de grêle, en tapant sur tout le métal, les gamelles, les bidons, le cuivre des uniformes et des harnais. Dans cette grêle, passait l'ouragan de vent et de foudre dont le sol, tremblait, laissant au soleil une odeur de laine brûlée et de fauves en sueur. A cinq cents mètres, Prosper culbuta, sous un remous effroyable qui emportait tout. Il saisit Zéphir à la crinière, put se remettre en selle. Le centre, criblé, enfoncé par la fusillade, venait de fléchir, tandis que les deux ailes tourbillonnaient, se repliaient pour reprendre leur élan. C'était l'anéantissement fatal et prévu du ter escadron. Les chevaux tués barraient le terrain, les uns foudroyés du coup, les autres se débattant dans une agonie violente ; et l'on voyait les cavaliers démontés courir de toute la force de leurs petites jambes, cherchant un cheval. Déjà les morts semaient la plaine, beaucoup de chevaux libres continuaient à galoper, revenaient d'eux-mêmes à leur place de combat, pour retourner au feu d'un train fou, comme attirés par la poudre. La charge fut reprise, le 2e escadron s'avançait dans une furie grandissante, les hommes couchés sur l'encolure, tenant le sabre au genou, prêts à sabrer. Deux cents mètres encore furent franchis, au milieu de l'assourdissante clameur de tempête. Mais, de nouveau, sous les balles, le centre se creusait, les hommes et les bêtes tombaient, arrêtaient la course de l'inextricable embarras de leurs cadavres. Et le 2e escadron fut ainsi fauché à son tour, anéanti, laissant la place à ceux qui le suivaient. Alors dans l'entêtement héroïque, lorsque la troisième charge se produisit, Prosper se trouva mêlé à des hussards et à des chasseurs de France. Les régiments se confondaient, ce n'était plus qu'une vague énorme qui se brisait et se reformait sans cesse, pour emporter tout ce qu'elle rencontrait. Il n'avait plus notion de rien, il s'abandonnait à son cheval, ce brave Zéphir qu'il aimait tant et qu'une blessure à l'oreille semblait affoler. Maintenant, il était au centre, l'autres chevaux se cabraient, se renversaient autour de lui, des hommes étaient jetés à terre, comme par un coup de vent, tandis que d'autres; tués raide, restaient en selle, chargeaient toujours, les paupières vides. Et cette fois, devant les deux cents mètres que l'on gagna de nouveau, les chaumes reparurent, couverts de morts et de mourants.... Enfin, ce ne fut que le 4e escadron, à la quatrième reprise, qui tomba dans les lignes prussiennes. Prosper, le sabre haut, tapa sur des casques, sur des uniformes sombres qu'il voyait dans un brouillard Du sang coulait; il remarqua que Zéphir avait la bouche sanglante, et il s'imagina que c'était d'avoir mordu dans les rangs ennemis. La clameur, autour de lui, devenait telle qu'il ne s'entendait plus crier, la gorge arrachée pourtant par le hurlement qui devait en sortir. Mais derrière la première ligne prussienne, il y en avait une autre, et puis une autre, et puis une autre. L'héroïsme devenait inutile ; ces masses profondes d'hommes étaient comme des herbes hautes, où chevaux et cavaliers disparaissaient. On avait beau en raser, il y en avait toujours. Le feu continuait avec une telle intensité, à bout portant, que des uniformes s'enflammèrent. Tout sombra; un engloutissement parmi les baïonnettes au milieu des poitrines défoncées et des crânes fendus. Les régiments allaient y laisser les deux tiers de leur effectif. Il ne restait plus de cette charge fameuse que l'héroïque folie de l'avoir tentée.

(La Débâcle, Fasquelle, édit.) QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Un récit d'un caractère épique. — Dans quel but fut tentée la charge ? Quel tableau le récit d'e. Zola place-t-il sous nos yeux ? Ce tableau est-il simple ? (un vaste ensemble); — est-il net, bien que fort complexe ? — est-il vivant? Indiquez-en les traits caractéristiques (Bien voir que l'auteur a voulu produire à la fois : une impression de mouvement, d'élan : la masse des cavaliers, d'abord immobile, s'ébranle, — part au trot, — accélère sa course, — va d'un train d'enfer... ; une impression de bruit formidable : les chasseurs d'Afrique poussent des hurlements féroces; on entend le crépitement des balles; une partie du terrain est franchie au milieu de l'étourdissante clameur de tempête...) ; Sur quel soldat de l'héroïque chevauchée, et sur quel cheval, le narrateur appelle-t-il particulièrement notre attention ? Est-ce un tableau de victoire qu'il nous présente ? Et cependant, ce tableau n'est-il pas de nature à exciter notre fierté ? Pourquoi ?

II. — L'analyse du morceau. — Distinguez les différentes parties du morceau : a) Les régiments avant la charge; b) Le général Margueritte, en reconnaissance, mortellement blessé; c) La charge; — ses différentes péripéties. — d) Résultat. Combien la division Margueritte comprenait-elle de régiments ? Quelle était la signification de chacune des trois sonneries de trompette ? L'attente n'avait-elle pas quelque chose de profondément impressionnant ? (à expliquer); Comment apparut le général Margueritte, blessé? Quel fut le cri des soldats? Qui donna l'ordre de la charge ? Combien de fois la charge fut-elle reprise ? Sur quel point l'ennemi dirigeait-il son tir ? soi Quel fut le sort du premier escadron? — du deuxième ?... Quel escadron arriva sur les lignes prussiennes? — Résultat du choc ?

III. — Le style ; les expressions. — Montrez la précision du style (voir, notamment, la première partie du morceau), — sa concision vigoureuse (Plus un bruit, plus un souffle sous l'ardent soleil. Les coeurs seuls battaient...); Émile Zola est un grand peintre : relevez, dans la page étudiée, quelques images expressives (exemples : dans cette grêle passait l'ouragan de vent et de foudre...; ce n'était plus qu'une vague énorme qui se brisait et se reformait sans cesse... ; ces masses profondes d'hommes étaient comme des herbes hautes...); N'y a-t-il pas, dans ce morceau, un souffle vraiment épique ? (dans quels passages le trouvez-vous surtout ?) ; quel est le sens de ces expressions : un remous effroyable, — couchés sur l'encolure ? IV. La grammaire.— Quelle est la composition des adjectifs : assourdissante, — inextricable ? Trouvez un synonyme de poltron, — de fou (d'un train fou); Distinguez les propositions contenues dans le premier alinéa de la lecture; Indiquez les participes passés qui se trouver.; dans ce passage, et justifiez leur terminaison.

Rédaction. — Qu'offre d'héroïque une charge? — La guerre de tranchées n'a-t-elle pas aussi son héroïsme? — Dites en quoi il consiste.

zola

« La charge fut reprise, le 2e escadron s'avançait dans une furie grandissante, les hommes couchés sur l'encolure,tenant le sabre au genou, prêts à sabrer.

Deux cents mètres encore furent franchis, au milieu de l'assourdissanteclameur de tempête.

Mais, de nouveau, sous les balles, le centre se creusait, les hommes et les bêtes tombaient,arrêtaient la course de l'inextricable embarras de leurs cadavres.

Et le 2e escadron fut ainsi fauché à son tour,anéanti, laissant la place à ceux qui le suivaient.Alors dans l'entêtement héroïque, lorsque la troisième charge se produisit, Prosper se trouva mêlé à des hussards età des chasseurs de France.

Les régiments se confondaient, ce n'était plus qu'une vague énorme qui se brisait et sereformait sans cesse, pour emporter tout ce qu'elle rencontrait.

Il n'avait plus notion de rien, il s'abandonnait à soncheval, ce brave Zéphir qu'il aimait tant et qu'une blessure à l'oreille semblait affoler.

Maintenant, il était au centre,l'autres chevaux se cabraient, se renversaient autour de lui, des hommes étaient jetés à terre, comme par un coupde vent, tandis que d'autres; tués raide, restaient en selle, chargeaient toujours, les paupières vides.

Et cette fois,devant les deux cents mètres que l'on gagna de nouveau, les chaumes reparurent, couverts de morts et demourants....Enfin, ce ne fut que le 4e escadron, à la quatrième reprise, qui tomba dans les lignes prussiennes.

Prosper, le sabrehaut, tapa sur des casques, sur des uniformes sombres qu'il voyait dans un brouillard Du sang coulait; il remarquaque Zéphir avait la bouche sanglante, et il s'imagina que c'était d'avoir mordu dans les rangs ennemis.

La clameur,autour de lui, devenait telle qu'il ne s'entendait plus crier, la gorge arrachée pourtant par le hurlement qui devait ensortir.

Mais derrière la première ligne prussienne, il y en avait une autre, et puis une autre, et puis une autre.L'héroïsme devenait inutile ; ces masses profondes d'hommes étaient comme des herbes hautes, où chevaux etcavaliers disparaissaient.

On avait beau en raser, il y en avait toujours.

Le feu continuait avec une telle intensité, àbout portant, que des uniformes s'enflammèrent.

Tout sombra; un engloutissement parmi les baïonnettes au milieudes poitrines défoncées et des crânes fendus.

Les régiments allaient y laisser les deux tiers de leur effectif.

Il nerestait plus de cette charge fameuse que l'héroïque folie de l'avoir tentée. (La Débâcle, Fasquelle, édit.) QUESTIONS D'EXAMEN I.

— L'ensemble.

— Un récit d'un caractère épique.

— Dans quel but fut tentée la charge ? Quel tableau le récit d'e.Zola place-t-il sous nos yeux ? Ce tableau est-il simple ? (un vaste ensemble); — est-il net, bien que fort complexe? — est-il vivant? Indiquez-en les traits caractéristiques (Bien voir que l'auteur a voulu produire à la fois : uneimpression de mouvement, d'élan : la masse des cavaliers, d'abord immobile, s'ébranle, — part au trot, — accélèresa course, — va d'un train d'enfer...

; une impression de bruit formidable : les chasseurs d'Afrique poussent deshurlements féroces; on entend le crépitement des balles; une partie du terrain est franchie au milieu del'étourdissante clameur de tempête...) ; Sur quel soldat de l'héroïque chevauchée, et sur quel cheval, le narrateurappelle-t-il particulièrement notre attention ? Est-ce un tableau de victoire qu'il nous présente ? Et cependant, cetableau n'est-il pas de nature à exciter notre fierté ? Pourquoi ? II.

— L'analyse du morceau.

— Distinguez les différentes parties du morceau : a) Les régiments avant la charge; b)Le général Margueritte, en reconnaissance, mortellement blessé; c) La charge; — ses différentes péripéties.

— d)Résultat.

Combien la division Margueritte comprenait-elle de régiments ? Quelle était la signification de chacune destrois sonneries de trompette ? L'attente n'avait-elle pas quelque chose de profondément impressionnant ? (àexpliquer); Comment apparut le général Margueritte, blessé? Quel fut le cri des soldats? Qui donna l'ordre de lacharge ? Combien de fois la charge fut-elle reprise ? Sur quel point l'ennemi dirigeait-il son tir ? soi Quel fut le sortdu premier escadron? — du deuxième ?...

Quel escadron arriva sur les lignes prussiennes? — Résultat du choc ? III.

— Le style ; les expressions.

— Montrez la précision du style (voir, notamment, la première partie du morceau),— sa concision vigoureuse (Plus un bruit, plus un souffle sous l'ardent soleil.

Les coeurs seuls battaient...); ÉmileZola est un grand peintre : relevez, dans la page étudiée, quelques images expressives (exemples : dans cette grêlepassait l'ouragan de vent et de foudre...; ce n'était plus qu'une vague énorme qui se brisait et se reformait sanscesse...

; ces masses profondes d'hommes étaient comme des herbes hautes...); N'y a-t-il pas, dans ce morceau,un souffle vraiment épique ? (dans quels passages le trouvez-vous surtout ?) ; quel est le sens de ces expressions :un remous effroyable, — couchés sur l'encolure ? IV.

La grammaire.— Quelle est la composition des adjectifs : assourdissante, — inextricable ? Trouvez un synonymede poltron, — de fou (d'un train fou); Distinguez les propositions contenues dans le premier alinéa de la lecture;Indiquez les participes passés qui se trouver.; dans ce passage, et justifiez leur terminaison. Rédaction.

— Qu'offre d'héroïque une charge? — La guerre de tranchées n'a-t-elle pas aussi son héroïsme? — Ditesen quoi il consiste.. »

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