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EUGÈNE LABICHE (1815-1888). Le Voyage de M. Perrichon

Publié le 01/07/2011

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labiche

Eugène Labiche est, après Scribe, le plus illustre représentant du vaudeville. Il a su, comme Scribe lui-même, introduire dans ses petites pièces, aux intrigues légères, des types bien observés : bourgeois, employés, notaires, étrangers, etc. Il est peut-être supérieur à Scribe par un certain don de finesse ironique, de bon sens à la fois bienveillant et malin qui apparaît dans ses meilleures pièces : le Misanthrope et l'Auvergnat (1852), le Voyage de M. Perrichon (1860), la Poudre aux yeux (1861), la Cagnotte (1864), etc. De plus, il renouvelle la forme du grand vaudeville, en construisant d'ingénieuses et ahurissantes intrigues bâties sur des quiproquos, et disposées en un crescendo étourdissant : le modèle du genre est le Chapeau de paille d'Italie. Enfin, dans le dialogue, toujours aisé et naturel, il a tantôt des coq-à-l'âne des plus comiques, tantôt des mots plus profonds que ceux de Dumas fils; M. Perrichon dira, par exemple, à celui qu'il croit avoir sauvé : « Vous me devez tout.... Je ne l'oublierai jamais. « Ce sont déjà les mots de nature, dont le Théâtre Libre s'attribuera l'invention. —Le mérite de cette œuvre, en apparence légère et superficielle, se dégage de plus en plus. Émile Augier a écrit : « Le théâtre de Labiche gagne cent pour cent à la lecture; le côté burlesque rentre dans l'ombre, et le côté comique sort en pleine lumière. « Ce côté à la fois comique et moral du théâtre de Labiche est particulièrement sensible dans la scène suivante.

Le Voyage de M. Perrichon (1860).

M. Perrichon, ancien carrossier, a entrepris un voyage en Suisse, avec sa femme et sa fille. Deux jeunes gens qui prétendent à la main de Mlle Perrichon suivent la famille. — A Vacte II, un de ces jeunes gens, Armand, sauve M. Perrichon d'une chute mortelle, au cours d'une excursion dans la montagne; le rival d'Armand, Daniel, remarque que M. Perrichon commence à « prendre en grippe « celui qui l'a sauvé. Alors il a l'ingénieuse idée de « se faire sauver « par Perrichon. — La scène que nous citons nous montre la rentrée de M. Perrichon; le carrossier est persuadé qu'il a sauvé Daniel.

ARMAND, Mme PERRICHON, HENRIETTE, PERRICHON, DANIEL, LE GUIDE, L'AUBERGISTE.

Daniel entre, soutenu par l'aubergiste et par le guide. PERRICHON, très ému. — Vite! de l'eau! du sel! du vinaigre! (Il fait asseoir Daniel.) Tous. — Qu'y a-t-il? PERRICHON. — Un événement affreux! (S'interrompant.) Faites-le boire! frottez-lui les tempes! DANIEL. — Merci.... Je me sens mieux. ARMAND. — Qu'est-il arrivé? DANIEL. — Sans le courage de M. Perrichon.... PERRICHON, vivement. — Non, pas vous! ne parlez pas.... (Racontant.) C'est horrible!... Nous étions sur la mer de Glace.... Le mont Blanc nous regardait, tranquille et majestueux.... DANIEL, à part. — Le récit de Théramène ! MADAME PERRICHON. — Mais dépêche-toi donc! HENRIETTE. — Mon père! PERRICHON. — Un instant, que diable! Depuis cinq minutes, nous suivions, tout pensifs, un sentier abrupt qui serpentait entre deux crevasses... de glace! Je marchais le premier. MADAME PERRICHON. — Quelle imprudence! PERRICHON. — Tout à coup, j'entends derrière moi comme un éboulement; je me retourne : monsieur venait de disparaître dans un de ces abîmes sans fond dont la vue seule fait frissonner.... MADAME PERRICHON, impatiente. — Mon ami.... PERRICHON. — Alors, n'écoutant que mon courage, moi, père de famille, je m'élance.... MADAME PERRICHON ET HENRIETTE. — Ciel! PERRICHON. — Sur le bord du précipice; je lui tends mon bâton ferré.... Il s'y cramponne.... Je tire... il tire... nous tirons, et, après une lutte insensée, je l'arrache au néant et je le ramène à la face du soleil, notre père à tous! (Il s'essuie le front avec son mouchoir.) HENRIETTE. — Oh! papa! MADAME PERRICHON. — Mon ami! PERRICHON, embrassant sa femme et sa fille. — Oui, mes enfants c'est une belle page.... ARMAND, à Daniel. — Comment vous trouvez-vous? DANIEL, bas. — Très bien! ne vous inquiétez pas! (Il se lève.) Monsieur Perrichon, vous venez de rendre un fils à sa mère.... PERRICHON, majestueusement. — C'est vrai! DANIEL. — Un frère à sa sœur! PERRICHON. — Et un homme à la société. DANIEL. — Les paroles sont impuissantes pour reconnaître un tel service. PERRICHON. — C'est vrai! DANIEL. — Il n'y a que le cœur... entendez-vous, le cœur. PERRICHON. — Monsieur Daniel! Non, laissez-moi vous appeler Daniel. DANIEL. — Comment donc! (A part.) Chacun son tour! PERRICHON, ému. — Daniel, mon ami, mon enfant!... votre main. (Il lui prend la main.) Je vous dois les plus douces émotions de ma vie.... Sans moi, vous ne seriez qu'une masse informe et repoussante, ensevelie sous les frimas.... Vous me devez tout, tout. (Avec noblesse.) Je ne l'oublierai jamais! DANIEL. — Ni moi ! PERRICHON, à Armand en s essuyant les yeux. — Ah! jeune homme!... vous ne savez pas le plaisir qu'on éprouve à sauver son semblable. HENRIETTE. — Mais, papa, monsieur le sait bien, puisque tantôt.... PERRICHON, se rappelant. — AH! oui, c'est juste! — Monsieur l'aubergiste, apportez-moi le livre des voyageurs. MADAME PERRICHON. — Pour quoi faire? PERRICHON. — Avant de quitter ces lieux, je désire consacrer par une note le souvenir de cet événement.

(Le Voyage de M. Perrichon, acte II, sc. X, Calmann-Lévy, éditeur.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — L'une des scènes les plus remarquables du Voyage de M. Perrichon. — Quel est le lieu de la scène? Qu'a imaginé Daniel? N'a-t-il pas montré en cela une profonde connaissance du cœur humain? (comparer sa situation à celle d'Armand, qui a sauvé M. Perrichon d'une chute mortelle) ; M. Perrichon s'est-il douté du stratagème? Quel sentiment lui témoigne Daniel? Ne semble-t-il pas que l'obligé soit plutôt M. Perrichon?... (Je ne l'oublierai jamais...) ; N'est-il pas fier de son acte de courage? En quels termes en parle-t-il?  Indiquez les traits essentiels de son caractère (ce personnage est-il clairvoyant!... est-il simple, modeste}...); Quel intérêt prenez-vous à la lecture de cette scène? Dites ce qu'elle offre de comique.

II. — L'analyse du morceau. — Quelles sont les différentes parties de la scène ? a) Le récit du sauvetage; b) La reconnaissance de Daniel; c) Les douces émotions de M. Perrichon ; Daniel avait-il vraiment disparu dans un abîme sans fond ? (raison à l'appui); M. Perrichon raconte-t-il son acte de sauvetage avec modestie? De quoi est-il surtout heureux ? Est-il de bonne foi? Aime-t-il entendre dire qu'Armand lui a sauvé la vie ? (Il coupe la parole à sa fille Henriette, qui veut rappeler ce fait); Ne veut-il pas que l'on conserve le souvenir de l'événement dont il a été le héros ?

III. — Le style ; — les expressions. — Montrez l'appropriation du style au caractère du principal personnage (l'exagération, le ton solennel, le sentimentalisme : en harmonie avec la vanité de M. Perrichon; — citer quelques passages caractéristiques) ; Faites ressortir la vivacité du dialogue; Que signifie l'expression : un sentier abrupt ?

IV. — La grammaire. — Quels sont les mots de la même famille que sauvetage ? Indiquez un nom de la même famille que chacun des verbes suivants : reconnaître, frissonner, écouter, inquiéter, appeler, oublier; A quel temps et à quel mode est chacun des verbes contenus dans le commencement du morceau (jusqu'à Un instant, que diable!) ; Nature et fonction de chacun des mots suivants : Frottez-lui les tempes.

Rédaction. — Faites le portrait de M. Perrichon, d'après la scène qui vient d'être étudiée.

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« Vous me devez tout, tout.

(Avec noblesse.) Je ne l'oublierai jamais!DANIEL.

— Ni moi !PERRICHON, à Armand en s essuyant les yeux.

— Ah! jeune homme!...

vous ne savez pas le plaisir qu'on éprouve àsauver son semblable.HENRIETTE.

— Mais, papa, monsieur le sait bien, puisque tantôt....PERRICHON, se rappelant.

— AH! oui, c'est juste! — Monsieur l'aubergiste, apportez-moi le livre des voyageurs.MADAME PERRICHON.

— Pour quoi faire?PERRICHON.

— Avant de quitter ces lieux, je désire consacrer par une note le souvenir de cet événement. (Le Voyage de M.

Perrichon, acte II, sc.

X, Calmann-Lévy, éditeur.) QUESTIONS D'EXAMEN I.

— L'ensemble.

— L'une des scènes les plus remarquables du Voyage de M.

Perrichon.

— Quel est le lieu de lascène? Qu'a imaginé Daniel? N'a-t-il pas montré en cela une profonde connaissance du cœur humain? (comparer sasituation à celle d'Armand, qui a sauvé M.

Perrichon d'une chute mortelle) ; M.

Perrichon s'est-il douté dustratagème? Quel sentiment lui témoigne Daniel? Ne semble-t-il pas que l'obligé soit plutôt M.

Perrichon?...

(Je nel'oublierai jamais...) ; N'est-il pas fier de son acte de courage? En quels termes en parle-t-il? Indiquez les traitsessentiels de son caractère (ce personnage est-il clairvoyant!...

est-il simple, modeste}...); Quel intérêt prenez-vous à la lecture de cette scène? Dites ce qu'elle offre de comique. II.

— L'analyse du morceau.

— Quelles sont les différentes parties de la scène? a) Le récit du sauvetage; b) Lareconnaissance de Daniel; c) Les douces émotions de M.

Perrichon ; Daniel avait-il vraiment disparu dans un abîmesans fond} (raison à l'appui); M.

Perrichon raconte-t-il son acte de sauvetage avec modestie? De quoi est-il surtoutheureux ? Est-il de bonne foi? Aime-t-il entendre dire qu'Armand lui a sauvé la vie ? (Il coupe la parole à sa filleHenriette, qui veut rappeler ce fait); Ne veut-il pas que l'on conserve le souvenir de l'événement dont il a été lehéros? III.

— Le style ; — les expressions.

— Montrez l'appropriation du style au caractère du principal personnage(l'exagération, le ton solennel, le sentimentalisme : en harmonie avec la vanité de M.

Perrichon; — citer quelquespassages caractéristiques) ; Faites ressortir la vivacité du dialogue; Que signifie l'expression : un sentier abrupt? IV.

— La grammaire.

— Quels sont les mots de la même famille que sauvetage ? Indiquez un nom de la même familleque chacun des verbes suivants : reconnaître, frissonner, écouter, inquiéter, appeler, oublier; A quel temps et àquel mode est chacun des verbes contenus dans le commencement du morceau (jusqu'à Un instant, que diable!) ;Nature et fonction de chacun des mots suivants : Frottez-lui les tempes. Rédaction.

— Faites le portrait de M.

Perrichon, d'après la scène qui vient d'être étudiée.. »

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