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Exemple d'une critique philosophique de la théorie freudienne

Publié le 16/03/2011

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   « Le réalisme de l'inconscient est une véritable révolution copernicienne : le centre de l'être humain se déplace de la conscience et de la liberté telles qu'elles s'apparaissent à l'inconscient et à l'involontaire absolu tels qu'ils s'ignorent et tels qu'ils sont connus par une nouvelle science naturelle.    Ce décentrement paraît exigé par l'explication psychanalytique. Les énigmes de la conscience s'expliquent, semble-t-il, si l'on abandonne le point de vue de la conscience et si l'on pose l'existence en soi d'un inconscient psychologique qui perçoit, se souvient, désire, imagine, peut-être veut la mort pour autrui et pour soi, mais s'ignore lui-même. Le principe d'homogénéité du conscient et de l'inconscient qui est exigé par l'explication causale du conscient par l'inconscient est interprété de façon simpliste et se traduit dans une imagerie grossière : la conscience est comprise comme une partie de l'inconscient, comme un petit cercle enfermé dans un plus grand cercle. Freud se figure l'inconscient comme une pensée homogène à la pensée consciente à qui manquerait seulement la qualité de la conscience. En ce sens, l'inconscient est bien l'essence du psychique, le psychique lui-même et son essentielle réalité.    Au pouvoir explicatif de la notion de l'inconscient semblable à celui des hypothèses physiques de l'ion, de l'électron, s'ajoute le succès pratique de cette hypothèse : la psychanalyse, en effet, n'est pas seulement l'art du diagnostic, mais celui de la guérison, et la réussite de la cure équivaut à une vérification de la théorie par l'ensemble de ses conséquences pratiques.    Il faut attaquer d'abord dans son principe cette interprétation chimérique; il doit* être possible de la dissiper ensuite dans chaque cas particulier; car aucune interprétation de rêve ou de névrose, dans le sens même de la psychanalyse freudienne, n'implique ce mythique inconscient.    Le refus de faire penser l'inconscient est le parti-pris de la liberté elle-même, de cette générosité cartésienne qui est tout à la fois une connaissance, une action et un sentiment; une connaissance au-delà du soupçon : à savoir qu'en tout homme << il n'y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volontés, ni pour qui il doive être loué ou blâmé, sinon pour ce qu'il en use bien ou mal «; une promesse « une ferme et constante résolution d'en bien user, c'est-à-dire de ne manquer jamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu'il jugera être les meilleures; ce qui est suivre parfaitement la vertu «; un sentiment : l'estime de soi en tant que libre arbitre, pourvu que nous ne perdions pas par lâcheté les droits qu'il nous donne. Quand je fais penser mon inconscient je me livre à cette « bassesse «, à ce « mépris de moi-même «, qui étaient aux yeux de Descartes le contraire de la générosité. «    Ricœur, Le volontaire et l'involontaire, pp. 362-363

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