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Georges Bernanos, la France contre les robots.

Publié le 23/04/2011

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L'homme des machines est un anormal.    On ne peut pas espérer poser correctement le problème des machines si on néglige la psychologie de l'homme qui, après les avoir construites avec une espèce die ferveur mystique, va maintenant jusqu'à se croire menacé par elles, si on refuse de voir en lui ce que l'histoire y verra : un anormal! Que ce dernier mot excite l'ironie, qu'importe! L'avenir ne jugera pas autrement l'homme des machines parce qu'il le jugera sur ses œuvres, il frémira à la pensée du risque immense, absurde, couru par la civilisation humaine, des biens précieux, irremplaçables, engloutis dans une espèce de catastrophe gratuite qui ressemble moins à l'explosion des haines qu'à l'explosion simultanée de toutes les terreurs. L'homme des machines est un anormal. Lorsqu'on parle du déséquilibre entre les nécessités spirituelles et la multiplication des mécaniques, on raisonne comme s'il suffisait, pour remédier aux maux que ce déséquilibre engendre, d'imposer à l'homme un meilleur, un plus rationnel emploi du temps, selon les règles de la pédagogie — récréations plus courtes, classes plus longues... Hélas ! ce sont là des idées de pion ! L'homme moderne n'est pas un élève paresseux qui joue avec les machines au lieu d'apprendre ses leçons ou de faire sa prière. Les machines le distraient, à prendre ce mot devenu banal, non dans son acception ordinaire, mais dans son sens exact, étymologique : trahere (1). Elles l'arrachent à lui-même et à ses angoisses. Il est sans doute permis de se demander comment une machine à laver la vaisselle, par exemple, est capable de remplir ce rôle. Il semble même à première vue que toutes ces mécaniques ingénieuses n'ont d'autre but que de faire gagner du temps, que, loin d'arracher l'homme à ses angoisses, elles lui laissent plus de loisir pour en remâcher l'amertume. Cela n'est malheureusement vrai qu'en apparence. L'homme moderne profite rarement de ces loisirs. La besogne faite, il se contente le plus souvent de changer de machine, il va précipitamment de machine en machine, ainsi qu'un joueur de jazz-band. Le moins qu'il exige de ses mécaniques, c'est de rompre le rythme ancien, traditionnel, le rythme humain du travail, de l'accélérer à tel point que les images redoutables ne puissent pas plus se former dans sa pensée que ne se forment les cristaux de gel dans une eau brisée sur l'écueil. Il ne s'agit d'ailleurs ici que des machines utilitaires. Celles qu'il a le plus aimées, pour lesquelles il ne cesse d'épuiser toutes les ressources de son génie inventif, et dont le perfectionnement absorbe sans doute les quatre cinquièmes de l'effort industriel humain, sont précisément celles qui correspondent, s'ajustent pour ainsi dire, exactement, aux réflexes naturels de défense d'un angoissé — le mouvement qui grise, la lumière qui réconforte, les voix qui rassurent.    Georges Bernanos, la France contre les robots.    Vous donnerez, à votre choix mais en l'indiquant clairement, un résumé ou une analyse de ce texte, puis vous en dégagerez un problème qui vous paraît important et vous exposerez, en la justifiant, votre position personnelle à son sujet.

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