Gustave THIBON, L'équilibre et l'harmonie
Publié le 21/06/2012
Extrait du document
Qu'est-ce que la responsabilité ? Le dictionnaire la définit comme
« le caractère de celui qui peut être appelé à répondre des conséquences
de ses actes «.
Quelles conséquences ? Il est très important de noter qu'on ne commence
à parler de responsabilité que lorsque les choses tournent mal.
On est responsable d'un échec, d'une erreur ou d'une faute, non d'un
succès. C'est après un accident de la route ou l'échec d'une opération
- et dans la mesure où ils n'ont pas fait tout ce qu'il était humainement
possible pour éviter ces malheurs - qu'un automobiliste ou un
chirurgien sont déclarés responsables. 1;:tre responsable, c'est donc assumer
les conséquences fâcheuses d'un acte libre. Ce qui implique, suivant
la nature de cet acte, une série de sanctions morales et matérielles
qui va du repentir pur et simple jusqu'à la réparation des dommages
et à la condamnation pénale.
«
RÉSUMÉ QUESTIONS DE VOCABULti.IRE DISCUSSION
subit individuellement le contrecoup direct et précis de ses négligences
et de ses erreurs.
De même l'artisan, le commerçant ou les membres
d'une entreprise à portée d'homme.
Rien de meilleur pour l'éducation
de
la responsabilité.
On a dit que la sagesse était une méditation sur
les gaffes commises.
Encore faut-il que les conséquences de ces gaffes
retombent directement sur leur auteur.
..
Je pose maintenant la question : combien y-a-t-il, dans la société
actuelle,
d'hommes qui se sentent liés à leur fonction comme un mari
à sa femme ou un paysan à sa terre? C'est un fait d'expérience que
le sens des responsabilités décroît
en fonction du gigantisme des entre
prises : rouage dans une machine plutôt
que membre d'un organisme,
l'individu voit
malle lien entre son travail, trop souvent impersonnel
et fragmentaire, et les résultats de ce travail : aussi ses manquements,
dilués
et résorbés dans cet immense complexe anonyme, lui paraissent-ils
sans conséquence -
mot admirable pour désigner l'insignifiance et par
conséquent l'absence de responsabilité.
De plus, là où ne règne pas une
discipline de fer (comme
c'est le cas dans nos sociétés occidentales où
la concentration s'allie au relâchement), les sanctions restent incertai
nes
et lointaines : pour tels organismes d'État ou paraétatiques, elles
se limitent à
un déficit chronique supporté par l'ensemble de la nation,
de sorte
qu'un fonctionnaire négligent arrive à garder sa place là où
le chef d'une libre entreprise serait éliminé, à brève échéance, par la
faillite.
En résumé, il se produit une coupure (mortelle pour le sens des res
ponsabilités) entre nos
actions- ou nos omissions- et leurs suites.
L'expressio11 courante : « Cela ne me touche pas » traduit parfaite
ment cette disjonction entre les effets et les causes.
Pour être « tou
ché
» au sens figuré (ému, intéressé, « concerné >> comme on dit
aujourd'hui), il faut d'abord être touché au sens propre, c'est-à-dire
en contact personnel et immédiat.
D'autres facteurs, qui tiennent
au climat général de l'époque, entrent
en jeu dans le même sens.
En particulier le culte de la facilité et du
confort (quoi de plus inconfortable que de prendre ses responsabili
tés ?),
la faiblesse des parents et des éducateurs (l'enfant trop choyé
dont on comble tous les désirs et dont on excuse toutes les fautes est
mal préparé à supporter les conséquences de ses
actes)- et aussi l'habi
tude de vivre au jour le jour dans une société en mutation où tous les
investissements matériels
et moraux risquent d'être anéantis à bref délai.
A
quoi bon se donner de la peine et prendre des responsabilités quand
on ignore absolument de quoi demain sera fait? On répugne d'autant
plus à « se mouiller » que le flot du temps coule plus vite et dans une
direction imprévisible.
Aussi n'est-ce pas une des moindres contradic
tions de
notre époque que cette coïncidence entre la religion de l'ave
nir
(la« prospective >>est devenue la science à la mode) et le règne de
l'imprévoyance
et de la politique « à la petite semaine » ....
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