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Han d'Islande Toute espérance disparut du front du condamné.

Publié le 12/04/2014

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Han d'Islande Toute espérance disparut du front du condamné. --O Dieu! que signifie ceci, cher Nychol? Je suis sauvé, puisque je te retrouve.--Songe que le même ventre nous a portés, que le même sein nous a nourris, que les mêmes jeux ont occupé notre enfance; souviens-toi, Nychol, que tu es mon frère! --Jusqu'à cette heure, tu ne t'en étais pas souvenu, répondit le farouche Nychol. --Non, je ne puis mourir de la main de mon frère! --C'est ta faute, Turiaf.--C'est toi qui as rompu ma carrière; qui m'as empêché d'être exécuteur royal de Copenhague; qui m'as fait jeter, comme bourreau de province, dans ce misérable pays. Si tu n'avais point agi ainsi en mauvais frère, tu ne te plaindrais pas de ce qui te révolte aujourd'hui. Je ne serais point dans le Drontheimhus, et ce serait un autre qui ferait ton affaire. --Nous en avons dit assez, mon frère, il faut mourir. La mort est hideuse au méchant, par le même sentiment qui la rend belle à l'homme de bien; tous deux vont quitter ce qu'ils ont d'humain, mais le juste est délivré de son corps comme d'une prison, le méchant en est arraché comme d'une forteresse. Au dernier moment, l'enfer se révèle à l'âme perverse qui a rêvé le néant. Elle frappe avec inquiétude sur la sombre porte de la mort, et ce n'est pas le vide qui lui répond. Le condamné se roula sur le plancher en se tordant les bras avec une plainte plus déchirante que la lamentation éternelle d'un damné. --Miséricorde de Dieu! Saints anges du ciel, si vous existez, ayez compassion de moi! Nychol, mon Nychol, au nom de notre mère commune, oh! laisse-moi vivre! Le bourreau montra son parchemin. --Je ne puis; l'ordre est précis. --Cet ordre ne me concerne pas, balbutia le désespéré prisonnier; il regarde un certain Musdoemon, ce n'est pas moi; je suis Turiaf Orugix. --Tu veux rire, dit Nychol en haussant les épaules. Je sais bien qu'il s'agit de toi. D'ailleurs, ajouta-t-il durement, tu n'aurais point été hier, pour ton frère, Turiaf Orugix; tu n'es pour lui aujourd'hui que Turiaf Musdoemon. --Mon frère, mon frère! reprit le misérable, eh bien! attends jusqu'à demain! Il est impossible que le grand-chancelier ait donné l'ordre de ma mort. C'est un affreux malentendu. Le comte d'Ahlefeld m'aime beaucoup. Je t'en conjure, mon cher Nychol, la vie!--Je serai bientôt rentré en faveur, et je te rendrai tous les services.... --Tu ne peux plus m'en rendre qu'un, Turiaf, interrompit le bourreau. J'ai déjà perdu les deux exécutions sur lesquelles je comptais le plus, celles de l'ex-chancelier Schumacker et du fils du vice-roi. J'ai toujours du malheur. Il ne me reste plus que Han d'Islande et toi. Ton exécution, comme nocturne et secrète, me vaudra douze ducats d'or. Laisse-moi donc faire tranquillement, voilà le seul service que j'attends de toi. --O Dieu! dit douloureusement le condamné. L 246 Han d'Islande --Ce sera le premier et le dernier, à la vérité; mais, en revanche, je te promets que tu ne souffriras point. Je te pendrai en frère.--Résigne-toi. Musdoemon se leva; ses narines étaient gonflées de rage, ses lèvres vertes tremblaient, ses dents claquaient, sa bouche écumait de désespoir. --Satan!--J'aurai sauvé ce d'Ahlefeld! j'aurai embrassé mon frère! et ils me tueront!, et il faudra mourir la nuit, dans un cachot obscur, sans que le monde puisse entendre mes malédictions, sans que ma voix puisse tonner, sur eux d'un bout du royaume à l'autre, sans que ma main puisse déchirer le voile de tous leurs crimes! Ce sera pour arriver à cette mort que j'aurai souillé toute ma vie!--Misérable! poursuivit-il, s'adressant à son frère, tu veux donc être fratricide? --Je suis bourreau, répondit le flegmatique Nychol. --Non! s'écria le condamné. Et il s'était jeté à corps perdu sur le bourreau, et ses yeux lançaient des flammes et répandaient des larmes, comme ceux d'un taureau aux abois. Non, je ne mourrai pas ainsi! Je n'aurai point vécu comme un serpent formidable pour mourir comme le misérable ver qu'on écrase! Je laisserai ma vie dans ma dernière morsure; mais elle sera mortelle. En parlant ainsi, il étreignait en ennemi celui qu'il venait d'embrasser en frère. Le flatteur et caressant Musdoemon se montrait en ce moment ce qu'il était dans son essence. Le désespoir avait remué le fond de son âme ainsi qu'une lie, et après avoir rampé comme le tigre, il se redressait comme lui. Il eût été difficile de décider lequel des deux frères était le plus effroyable, dans ce moment où ils luttaient, l'un avec la stupide férocité d'une bête sauvage, l'autre avec la fureur rusée d'un démon. Mais les quatre hallebardiers, jusqu'alors impassibles, n'étaient pas restés immobiles. Ils avaient prêté assistance au bourreau, et bientôt Musdoemon, qui n'avait d'autre force que sa rage, fut contraint de lâcher prise. Il alla se jeter à plat ventre contre la muraille, poussant des hurlements inarticulés et émoussant ses ongles sur la pierre. --Mourir! démons de l'enfer! mourir sans que mes cris percent ces voûtes, sans que mes bras renversent ces murs! On le saisit sans éprouver de résistance. Son effort inutile l'avait épuisé. On le dépouilla de sa robe pour le garrotter. En ce moment, un paquet cacheté tomba de ses vêtements. --Qu'est cela? dit le bourreau. Une espérance infernale luisait dans l'oeil hagard du condamné. --Comment avais-je oublié cela? murmura-t-il.--Écoute, frère Nychol, ajouta-t-il d'une voix presque amicale; ces papiers appartiennent au grand-chancelier. Promets-moi de les lui remettre, et fais ensuite de moi ce que tu voudras. --Puisque tu es tranquille maintenant, je te promets de remplir ta dernière intention, quoique tu viennes d'agir envers moi comme un mauvais frère. Ces papiers seront remis au chancelier, foi d'Orugix. --Demande à les lui remettre toi-même, reprit le condamné en souriant au bourreau, qui, par sa nature, comprenait peu les sourires. Le plaisir qu'ils causeront à sa grâce te vaudra peut-être quelque faveur. L 247

« —Ce sera le premier et le dernier, à la vérité; mais, en revanche, je te promets que tu ne souffriras point.

Je te pendrai en frère.—Résigne-toi. Musdoemon se leva; ses narines étaient gonflées de rage, ses lèvres vertes tremblaient, ses dents claquaient, sa bouche écumait de désespoir. —Satan!—J'aurai sauvé ce d'Ahlefeld! j'aurai embrassé mon frère! et ils me tueront!, et il faudra mourir la nuit, dans un cachot obscur, sans que le monde puisse entendre mes malédictions, sans que ma voix puisse tonner, sur eux d'un bout du royaume à l'autre, sans que ma main puisse déchirer le voile de tous leurs crimes! Ce sera pour arriver à cette mort que j'aurai souillé toute ma vie!—Misérable! poursuivit-il, s'adressant à son frère, tu veux donc être fratricide? —Je suis bourreau, répondit le flegmatique Nychol. —Non! s'écria le condamné.

Et il s'était jeté à corps perdu sur le bourreau, et ses yeux lançaient des flammes et répandaient des larmes, comme ceux d'un taureau aux abois.

Non, je ne mourrai pas ainsi! Je n'aurai point vécu comme un serpent formidable pour mourir comme le misérable ver qu'on écrase! Je laisserai ma vie dans ma dernière morsure; mais elle sera mortelle. En parlant ainsi, il étreignait en ennemi celui qu'il venait d'embrasser en frère.

Le flatteur et caressant Musdoemon se montrait en ce moment ce qu'il était dans son essence.

Le désespoir avait remué le fond de son âme ainsi qu'une lie, et après avoir rampé comme le tigre, il se redressait comme lui.

Il eût été difficile de décider lequel des deux frères était le plus effroyable, dans ce moment où ils luttaient, l'un avec la stupide férocité d'une bête sauvage, l'autre avec la fureur rusée d'un démon. Mais les quatre hallebardiers, jusqu'alors impassibles, n'étaient pas restés immobiles.

Ils avaient prêté assistance au bourreau, et bientôt Musdoemon, qui n'avait d'autre force que sa rage, fut contraint de lâcher prise.

Il alla se jeter à plat ventre contre la muraille, poussant des hurlements inarticulés et émoussant ses ongles sur la pierre. —Mourir! démons de l'enfer! mourir sans que mes cris percent ces voûtes, sans que mes bras renversent ces murs! On le saisit sans éprouver de résistance.

Son effort inutile l'avait épuisé.

On le dépouilla de sa robe pour le garrotter.

En ce moment, un paquet cacheté tomba de ses vêtements. —Qu'est cela? dit le bourreau. Une espérance infernale luisait dans l'oeil hagard du condamné. —Comment avais-je oublié cela? murmura-t-il.—Écoute, frère Nychol, ajouta-t-il d'une voix presque amicale; ces papiers appartiennent au grand-chancelier.

Promets-moi de les lui remettre, et fais ensuite de moi ce que tu voudras. —Puisque tu es tranquille maintenant, je te promets de remplir ta dernière intention, quoique tu viennes d'agir envers moi comme un mauvais frère.

Ces papiers seront remis au chancelier, foi d'Orugix. —Demande à les lui remettre toi-même, reprit le condamné en souriant au bourreau, qui, par sa nature, comprenait peu les sourires.

Le plaisir qu'ils causeront à sa grâce te vaudra peut-être quelque faveur.

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