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Henri Gouhier, L'essence du théâtre

Publié le 28/03/2011

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Partie du programme abordée: Cinéma et théâtre. Conseils pratiques : Le sujet de discussion aborde un thème qui, dans le texte, est évoqué de façon incidente. On contestera facilement le point de vue — simpliste — de l'auteur : de nombreux exemples montreront que le reportage d'actualité et le documentaire proposent non une naïve reproduction de la réalité, mais une véritable interprétation (forcément subjective) de celle-ci. Difficulté du sujet: *** Toute la différence du théâtre et du cinéma est là. Rien ne l'effacera jamais. Lorsque le cinéma donnera des couleurs et le relief, lorsque l'illusion d'optique sera parfaite, une illusion ne nous sera jamais donnée: celle de nous sentir les contemporains de la silhouette qui se meut sur l'écran, celle de respirer le même air dans le même morceau d'espace au même instant. Le cinéma dispose de la nature, de la foule et du déplacement dans l'espace. L'action a pour décors tous les paysages du monde, les cieux et le fond des mers, elle a pour figurant tout ce qui respire et par suite tout ce qui meurt. Des milliers d'hommes et de femmes peuvent défiler sur l'écran, rendre brusquement sensible dans ses expressions les plus massives ou les plus brutales «la vie unanime« Le film capte la vitesse et, avec elle, entre dans le drame visible la machine inventée par l'intelligence, celle de l'usine et celle des champs, la locomotive et l'auto, le bateau et l'avion qui renouvelle l'image de la terre. À cette matière d'une inépuisable richesse la technique du cinéma ajoute les procédés d'un art absolument distinct et original, projection de ces grands portraits où vibre l'âme, fusion et dislocation des formes qui abolissent les limites du réel et du rêve, dessin et caricatures animés qui sont au cinéma ce que les marionnettes sont au théâtre. Si évidemment destiné à faire ce que le théâtre ne fait pas, le cinéma, avant même d'être parlant, s'est pourtant appliqué à n'être qu'une approximation du théâtre; aberration qui a trouvé une espèce de confirmation dans le cinéma parlant, de sorte qu'un merveilleux perfectionnement a aussitôt accéléré le progrès dans le contresens. Le procédé cinématographique permet deux types d'oeuvres absolument différents. Une première direction conduit à la photographie en mouvement: c'est le principe du documentaire et des «actualités«; le film enregistre ce qui se passe; sa qualité essentielle est l'exactitude; si le travail est accompli par un artiste, son talent apparaîtra dans le choix des objets ou des scènes et dans leur présentation; mais ce n'est là qu'un précieux raffinement: la fin de l'œuvre est d'informer. Une seconde direction conduit à l'art cinématographique : le film est, comme le tableau ou la symphonie, une création de l'esprit, un poème en images; il est pour les hommes d'aujourd'hui ce que fut le chant des aèdes longtemps après la guerre de Troie; Chariot aura été notre Ulysse. [...] Entre l'art théâtral et l'art cinématographique, la différence est d'essence Léon Daudet disait un jour : «Je me demande si l'art dramatique n'est pas actuellement vis-à-vis du cinéma dans la situation inférieure et menacée du cheval vis-à-vis de l'automobile«. La boutade est ingénieuse; le mot «inférieur«, toutefois, limite sa portée. Le cheval est dans une situation inférieure vis-à-vis de l'automobile si l'on oublie qu'il est cheval pour considérer seulement les services qu'il peut rendre comme moyen de transport. Mais le cavalier n'oublie pas que le cheval est cheval; à l'heure de sa promenade au Bois,

lorsqu'il l'enfourche, il ne le juge dans une situation ni inférieure, ni supérieure à l'automobile : il n'y a plus même de comparaison possible. De même, le théâtre peut être dans une situation inférieure vis-à-vis du cinéma si l'on pense au succès commercial des entreprises: la supériorité et l'infériorité n'ont plus aucun sens quand théâtre et cinéma sont pris comme deux arts. L'un peut remplacer l'autre dans la faveur du public : l'un n'a pas plus à disparaître devant l'autre que la statue devant le portrait. Henri Gouhier, L'essence du théâtre, 1943. Résumé (8 points) Vous résumerez ce texte en 160 mots. Un écart de 10% en plus ou en moins est toléré. Vous indiquerez sur votre copie le nombre de mots que vous aurez employés. Vocabulaire (2 points) Expliquez le sens dans le texte des expressions soulignées : - «fusion et dislocation des formes«, - «boutade«. Discussion (10 points) Pensez-vous, comme l'auteur, que les films documentaires et les actualités soient uniquement de la «photographie en mouvement«? Vous présenterez votre réflexion sous forme d'une argumentation logique, fondée sur des exemples précis et commentés.   

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