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hommes, et non des machines... Il veut fabriquer des révolutionnaires comme Ford fabrique des autos !

Publié le 04/11/2013

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ford
hommes, et non des machines... Il veut fabriquer des révolutionnaires comme Ford fabrique des autos ! Ça finira al, et avant longtemps. Dans sa tête de Mongol chevelu, le bolchevik lutte contre le Juif : si le bolchevik l'emporte, ant pis pour l'Internationale... » Prétexte. Là n'est pas la vraie cause de la rupture. Il y en a d'abord une autre : Borodine a fait exécuter Hong. Garine, je crois, voulait le sauver. Malgré l'assassinat es otages (qui semble d'ailleurs ne pas avoir été ordonné par lui). Parce qu'il pensait que Hong, malgré tout, restait tilisable ; parce qu'il y a entre Garine et les siens une sorte de lien féodal. Et peut-être parce qu'il était assuré que ong finirait à son côté, le cas échéant -- contre Borodine. Ce qui semble avoir été aussi l'avis de celui-ci... Garine ne croit qu'à l'énergie. Il n'est pas antimarxiste, mais le marxisme n'est nullement pour lui un  socialisme scientifique » ; c'est une méthode d'organisation des passions ouvrières, un moyen de recruter chez les uvriers des troupes de choc. Borodine, patiemment, construit le rez-de-chaussée d'un édifice communiste. Il eproche à Garine de n'avoir pas de perspective, d'ignorer où il va, de ne remporter que des victoires de hasard, -- uelque brillantes, quelque indispensables qu'elles soient. Même aujourd'hui, à ses yeux, Garine est du passé. Garine croit bien que Borodine travaille selon des perspectives, mais qu'elles sont fausses, que l'obsession ommuniste le mènera à unir contre lui un Kuomintang de droite singulièrement plus fort que celui de Tcheng-Daï t à faire écraser par celui-ci les milices ouvrières. Et il découvre (c'est bien tard...) que le communisme, comme toutes les doctrines puissantes, est une francaçonnerie. Qu'au nom de sa discipline, Borodine n'hésitera pas à le remplacer, dès que lui, Garine, ne sera plus ndispensable, par quelqu'un de moins efficace, peut-être, mais de plus obéissant.   Dès que le Décret a été connu à Hongkong, les Anglais se sont réunis au Grand Théâtre et ont, de nouveau, élégraphié à Londres pour demander l'envoi d'une armée anglaise. Mais la réponse est arrivée, élégraphiquement : le Gouvernement anglais s'oppose à toute intervention militaire.   L'interrogatoire des officiers anglais prisonniers a été enregistré sur des disques de phonographe, et ces disques nt été envoyés aux sections en grand nombre. Mais chaque officier s'est défendu d'être venu combattre contre ous par obéissance aux instructions de son gouvernement ; il a fallu couper ce passage de l'interrogatoire. Il va alloir fabriquer des disques beaucoup plus instructifs Garine dit que l'on conteste un article de journal mais non ne image ou un son, et qu'à la propagande par le phono et le cinéma, on ne peut d'abord répondre que par le hono et le cinéma ; ce dont la propagande ennemie, et même anglaise sont encore incapables.   « Il fait de bonnes choses avant de partir... me dit ce matin Nicolaïeff. « Il », c'est Garine. -- Avant de partir ? -- Oui, je crois que son départ aura lieu, cette fois. -- Il doit partir chaque semaine... -- Oui, oui, mais cette fois il partira, tu verras. Il s'est décidé. Si l'Angleterre avait envoyé des troupes, je crois u'il serait resté ; mais il connaît la réponse de Londres. Je pense qu'il n'attend plus que le résultat de la prochaine ataille... Myroff dit qu'il n'arrivera pas à Ceylan... -- Et pourquoi ? -- Mais, mon petit, parce qu'il est perdu, tout simplement. -- On peut toujours dire ça... -- Ce n'est pas on qui dit cela, c'est Myroff -- Il peut se tromper. -- Il paraît qu'il n'y a pas seulement la dysenterie et le paludisme. Les maladies tropicales, tu sais, on ne joue pas vec elles, mon petit. Quand on les a, on se soigne. Sinon, c'est regrettable... Et puis, autant vaut... ! -- Pas pour lui ! -- Son temps est fini. Ces hommes-là ont été nécessaires, oui ; mais maintenant, l'armée rouge est prête, ongkong sera définitivement abattue dans quelques jours ; il faut des gens qui sachent s'oublier mieux que lui. Je 'ai pas d'hostilité contre lui, crois-moi. Travailler avec lui ou avec un autre... Et pourtant, il a des préjugés. Je ne le ui reproche pas, mon petit, mais il en a. Et, souriant d'un côté de la bouche, plissant les paupières : -- Humain, trop humain, comme dit Borodine. Voilà où mènent les maladies mal soignées... Je pense à l'interrogatoire de Ling, à ces résistances de Garine que Nicolaïeff appelle des préjugés... Il se tait, puis pose un doigt sur ma poitrine, et reprend : « Il n'est pas communiste, voilà. Moi, je m'en fous, mais, tout de même, Borodine est logique : il n'y a pas de place dans le communisme pour celui qui veut d'abord... tre lui-même, enfin, exister séparé des autres... -- Le communisme s'oppose à une conscience individuelle ? -- Il exige davantage... L'individualisme est une maladie bourgeoise... -- Mais nous avons bien vu, à la Propagande, que Garine a raison : abandonner ici l'individualisme, c'est se réparer à se faire battre. Et tous ceux qui travaillent avec nous, Russes ou non (exception faite, peut-être, pour orodine) sont aussi individualistes que lui ! -- Tu sais qu'ils viennent de s'engueuler gravement, ce qui s'appelle gravement, Borodine et Garine ? Eh ! orodine... Il met ses mains dans ses poches et sourit, non sans hostilité : « Il y aurait bien des choses à dire sur lui... -- Si les communistes du type romain, si j'ose dire, ceux qui défendent à Moscou les acquisitions de la évolution, ne veulent pas accepter les révolutionnaires du type... comment dirai-je ? du type : conquérant, qui sont en train de leur donner la Chine, ils... -- Conquérant ? Il trouverait le mot amer, ton ami Garine... --... limiteront dangereusement... -- Mais peu importe. Tu n'y comprends rien. À tort ou à raison, Borodine joue ce qui représente ici le prolétariat, dans la mesure où il peut le faire. Il sert d'abord ce prolétariat, cette sorte de noyau qui doit prendre conscience de lui-même, grandir pour saisir le pouvoir. Borodine est une espèce d'homme de barre qui... -- Garine aussi. Il ne croit pas qu'il a fait la révolution tout seul ! -- Mais Borodine connaît son bateau et Garine ne connaît pas le sien. Comme dit Borodine : « Il n'a pas d'axe. » Sauf la révolution. -- Tu parles comme un gosse. La révolution n'est un axe qu'aussi longtemps qu'elle n'est pas faite. Sinon elle n'est pas la révolution, elle est un simple coup d'État, un pronunciamiento. Il y a des moments où je me demande s'il ne finirait pas comme un mussoliniste... Tu connais Pareto ? -- Non. -- Lui doit le connaître... -- Tu n'oublies qu'une chose : c'est que si ses sentiments positifs sont ce que tu dis (et c'est faux), ses sentiments négatifs, eux, sont clairs : sa haine de la bourgeoisie et de tout ce qu'elle représente est solide. Et les sentiments négatifs, ce n'est pas rien. -- Oui, oui : un général blanc -- de gauche. Tout ça ira tant qu'il sera en face d'un ennemi commun à tous : l'Angleterre. (Ce n'est pas pour rien qu'il est à la Propagande du Kuomintang.) Mais ensuite ? Lorsqu'il s'agira d'organiser l'État, s'il mise sur le communisme, il sera obligé de devenir semblable à Borodine ; s'il mise sur la démocratie -- ça m'étonnerait, car le personnel du Kuomintang le dégoûte -- il est fichu : il ne voudra pas passer sa vie à faire de la politique chinoise de couloirs, et il ne peut tenter la dictature. Là, il ne réussira pas, parce qu'il n'est pas chinois. Donc, autant qu'il retourne en Europe et meure en paix et en gloire. Le temps des hommes comme lui tire à sa fin. Certes, le communisme peut employer des révolutionnaires de ce genre (en somme, ici, c'est un « spécialiste ») mais en les faisant... soutenir par deux tchékistes résolus. Résolus. Qu'est-ce que cette police limitée ? Borodine, Garine, tout ça... » D'un geste mou, il semble mélanger des liquides. Depuis que je connais Garine, des logiciens prédisent son avenir... Nicolaïeff continue : « Il finira bien comme ton ami, Borodine : la conscience individuelle, vois-tu, c'est la maladie des chefs. Ce qui manque le plus, ici, c'est une vraie Tchéka... 10 heures Clapotis, sons de jonques qui se heurtent. La lune cachée par le toit anime l'air tiède et sans brouillard. Contre le mur, sous la véranda, deux valises : Garine a résolu de partir demain matin. Depuis longtemps il réfléchit, assis, le regard perdu, les bras ballants. Au moment où je me lève pour prendre un crayon rouge et annoter la Gazette de anton que je viens de lire, il sort de sa torpeur : « Je pensais encore à la phrase de mon père : Il ne faut jamais lâcher la terre. » Vivre dans un monde absurde ou vivre dans un autre... Pas de force, même pas de vraie vie sans la certitude, sans la hantise de la vanité du monde... » Je sais qu'à cette idée est attaché le sens même de sa vie, que c'est de cette sensation profonde d'absurdité qu'il ire sa force : si le monde n'est pas absurde, c'est toute sa vie qui se disperse en gestes vains, non de cette vanité ssentielle qui, au fond, l'exalte, mais d'une vanité désespérée. D'où le besoin qu'il a d'imposer sa pensée. Mais
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« mais, toutdemême, Borodine estlogique : iln’y apas deplace danslecommunisme pourceluiquiveut d’abord… être lui-même, enfin,exister séparé desautres… — Le communisme s’opposeàune conscience individuelle ? — Il exige davantage… L’individualisme estune maladie bourgeoise… — Mais nousavons bienvu,àla Propagande, queGarine araison : abandonner icil’individualisme, c’estse préparer àse faire battre.

Ettous ceux quitravaillent avecnous, Russes ounon (exception faite,peut-être, pour Borodine) sontaussi individualistes quelui ! — Tu saisqu’ils viennent des’engueuler gravement,cequi s’appelle gravement, BorodineetGarine ? Eh ! Borodine… Ilmet sesmains danssespoches etsourit, nonsans hostilité : « Il yaurait biendeschoses àdire surlui… — Si lescommunistes dutype romain, sij’ose dire,ceux quidéfendent àMoscou lesacquisitions dela Révolution, neveulent pasaccepter lesrévolutionnaires dutype… comment dirai-je ?dutype : conquérant, quisont en train deleur donner laChine, ils… — Conquérant ? Iltrouverait lemot amer, tonami Garine… —… limiteront dangereusement… — Mais peuimporte.

Tun’y comprends rien.Àtort ouàraison, Borodine jouecequi représente icile prolétariat, danslamesure oùilpeut lefaire.

Ilsert d’abord ce prolétariat, cettesorte denoyau quidoit prendre conscience delui-même, grandirpoursaisir lepouvoir.

Borodine estune espèce d’homme debarre qui… — Garine aussi.Ilne croit pasqu’il afait larévolution toutseul ! — Mais Borodine connaîtsonbateau etGarine neconnaît paslesien.

Comme ditBorodine : « Iln’a pas d’axe. » Sauf larévolution. — Tu parles comme ungosse.

Larévolution n’estunaxe qu’aussi longtemps qu’ellen’estpasfaite.

Sinon elle n’est paslarévolution, elleestunsimple coupd’État, unpronunciamiento.

Ilya des moments oùjeme demande s’il nefinirait pascomme unmussoliniste… Tuconnais Pareto ? — Non. — Lui doitleconnaître… — Tu n’oublies qu’unechose : c’estquesises sentiments positifssontceque tudis (etc’est faux), ses sentiments négatifs,eux,sont clairs : sahaine delabourgeoisie etde tout cequ’elle représente estsolide.

Etles sentiments négatifs,cen’est pasrien. — Oui, oui :ungénéral blanc—de gauche. Tout çaira tant qu’il seraenface d’un ennemi commun àtous : l’Angleterre.

(Cen’est paspour rienqu’il estàla Propagande duKuomintang.) Maisensuite ? Lorsqu’ils’agirad’organiser l’État,s’ilmise surlecommunisme, ilsera obligé dedevenir semblable àBorodine ; s’ilmise surladémocratie —çam’étonnerait, carlepersonnel du Kuomintang ledégote —ilest fichu : ilne voudra paspasser savie àfaire delapolitique chinoisedecouloirs, etil ne peut tenter ladictature.

Là,ilne réussira pas,parce qu’iln’est paschinois.

Donc,autant qu’ilretourne enEurope et meure enpaix eten gloire.

Letemps deshommes commeluitire àsa fin.

Certes, lecommunisme peutemployer des révolutionnaires decegenre (ensomme, ici,c’est un« spécialiste ») maisenles faisant… soutenirpardeux tchékistes résolus.Résolus.

Qu’est-ce quecette police limitée ? Borodine, Garine,toutça… » D’un geste mou,ilsemble mélanger desliquides. Depuis quejeconnais Garine,deslogiciens prédisent sonavenir… Nicolaïeff continue : « Il finira biencomme tonami, Borodine : laconscience individuelle, vois-tu,c’estlamaladie deschefs.

Cequi manque leplus, ici,c’est unevraie Tchéka…10 heures Clapotis, sonsdejonques quiseheurtent.

Lalune cachée parletoit anime l’airtiède etsans brouillard.

Contrele mur, souslavéranda, deuxvalises : Garinearésolu departir demain matin.Depuis longtemps ilréfléchit, assis,le regard perdu, lesbras ballants.

Aumoment oùjeme lève pour prendre uncrayon rougeetannoter la Gazette de Canton que jeviens delire, ilsort desatorpeur : « Je pensais encoreàla phrase demon père : Ilne faut jamais lâcherlaterre. » Vivredansunmonde absurde ou vivre dansunautre… Pasdeforce, même pasde vraie vie sans lacertitude, sanslahantise delavanité du monde… » Jesais qu’à cette idéeestattaché lesens même desavie, que c’est decette sensation profonded’absurdité qu’il tire saforce : sile monde n’estpasabsurde, c’esttoute savie qui sedisperse engestes vains,nondecette vanité essentielle qui,aufond, l’exalte, maisd’une vanité désespérée.

D’oùlebesoin qu’ilad’imposer sapensée.

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