IL FAUT SAVOIR USER DE TOUS LES MOYENS DE LUTTE
Publié le 12/08/2011
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L'histoire en général, et plus particulièrement l'histoire des révolutions, est toujours plus riche de contenu, plus variée, plus multiforme, plus vivante, « plus ingénieuse « que ne le pensent les meilleurs partis, les avant-gardes les plus conscientes des classes les plus avancées. Et cela se conçoit, puisque les meilleures avant-gardes expriment la conscience, la volonté, la passion, l'imagination de dizaines de mille hommes, tandis que la révolution est — en des moments d'exaltation et de tension particulières de toutes les facultés humaines - l'oeuvre de la conscience, de la volonté, de la passion, de l'imagination de dizaines de millions d'hommes aiguillonnés par la plus âpre lutte des classes. De là deux conclusions pratiques d'une grande importance : la première, c'est que la classe. révolutionnaire, pour remplir sa tâche, doit savoir prendre possession de toutes les formes et de tous les aspects, sans la moindre exception, de l'activité sociale, quitte à compléter, après la conquête du pouvoir politique et parfois au prix d'un grand risque et d'un danger énorme, ce qu'elle n'aura pas terminé avant cette conquête : la seconde, c'est que la classe révolutionnaire doit se tenir prête à remplacer vite et brusquement une forme par une autre. On conviendra qu'elle serait déraisonnable ou même criminelle, la conduite d'une armée qui n'apprendrait pas à manier toutes les armes, tous les moyens et procédés de lutte dont dispose ou peut disposer l'ennemi. Or cette vérité s'applique mieux encore à la politique qu'à l'art militaire. On peut moins encore prévoir en politique quel moyen de lutte s'avérera, dans telles ou telles situations futures, praticable ou avantageux pour nous. Ne pas savoir user de tous les moyens de lutte, c'est risquer une grande défaite, - parfois même décisive, - pour peu que des changements indépendants de notre volonté, survenus dans la situation des autres classes, mettent à l'ordre du jour une forme d'action où nous serions particulièrement faibles. Si nous savons user de tous les moyens de lutte, nous triomphons à coup sûr, puisque nous traduisons les intérêts de la classe réellement avancée, réellement révolutionnaire, même si les circonstances ne nous permettent pas de faire usage de l'arme la plus dangereuse pour l'ennemi, de celle qui porte le plus vite des coups mortels. Les révolutionnaires sans expérience pensent souvent que les moyens de lutte légaux sont entachés d'opportunisme, car sur ce terrain, la bourgeoisie a le plus souvent (surtout en des temps « pacifiques «, non révolutionnaires) trompé et mystifié les ouvriers; et ils pensent aussi que les moyens de lutte illégaux sont révolutionnaires. Mais c'est faux. Ce qui est vrai, c'est que sont opportunistes et traîtres à la classe ouvrière les partis et les chefs qui ne savent pas ou ne veulent pas (ne dites pas : nous ne pouvons pas, dites : nous ne voulons pas) user des moyens de lutte illégaux dans une situation comme, par exemple, la guerre impérialiste de 1914-1918, où la bourgeoisie des pays démocratiques les plus libres trompait les ouvriers avec un cynisme et une frénésie sans nom, en interdisant de dire la vérité sur le caractère spoliateur de la guerre. Mais les révolutionnaires qui ne .savent pas allier aux formes illégales de lutte toutes les formes légales sont de bien mauvais révolutionnaires. Il n'est pas difficile d'être un révolutionnaire quand la révolution a déjà éclaté et bat son plein; quand chacun s'y rallie par simple engouement, pour suivre la mode, parfois même pour faire carrière. Sa « libération « de ces piètres révolutionnaires, le prolétariat doit la payer plus tard, après sa victoire, par des efforts inouïs, par un martyre plus douloureux pourrait-on dire. Il est beaucoup plus difficile - et beaucoup plus précieux - de se montrer révolutionnaire quand la situation ne permet pas encore la lutte directe, déclarée, véritablement massive, véritablement révolutionnaire, de savoir défendre les intérêts de la révolution, par la propagande, par l'agitation, par l'organisation dans des institutions non révolutionnaires, voire nettement réactionnaires, dans une ambiance non révolutionnaire, parmi des masses incapables de comprendre tout de suite la nécessité d'une méthode d'action révolutionnaire. Savoir trouver, pressentir, déterminer exactement la voie concrète ou le tour spécial des événements, qui conduira les masses vers la grande lutte révolutionnaire véritable, décisive et finale : tel est le principal objet du communisme actuel en Europe occidentale et en Amérique.
LENINE. La Maladie infantile du Communisme. Editions sociales.
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