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Jacques Rigaud, La Culture pour vivre

Publié le 27/04/2011

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Rien ne parvient encore à ébranler la certitude qui nous reste : celle d'être les héritiers légitimes d'une culture indestructible.    Cette confiance orgueilleuse, sur fond d'indifférence inavouée, est ce qui nous menace le plus.    Nous savons depuis trente ans que l'homme a la capacité de faire sauter la planète ; nous voyons maintenant qu'il risque d'en épuiser bientôt les ressources et de renverser l'équilibre nécessaire au développement de la vie animale et végétale. Il nous reste à découvrir que le patrimoine de l'esprit peut fort bien être dépouillé de ce qui, jusqu'alors, avait permis son renouvellement.    L'histoire nous rassure de trompeuse façon. Elle nous montre que jusqu'ici l'homme, s'il s'est toujours appliqué à compromettre ou à détruire ce qu'il avait bâti de plus précieux, a quand même réussi à ne jamais tarir les sources de l'invention et de la création intellectuelle et artistique. Les œuvres du passé qui nous sont parvenues ou que nous avons exhumées sont certes les vestiges d'un immense désastre plutôt qu'un héritage pieusement recueilli ; mais à travers les secousses de l'histoire, il y a eu jusqu'à maintenant une continuité dans la transmission des valeurs qui a autorisé nos pères à se croire les héritiers directs des Grecs et des Romains. Si des puissances de destruction ont, dans le passé, altéré le patrimoine, elles étaient de l'ordre de la fatalité aveugle ou de la nécessité. Mais aujourd'hui, nous sommes persuadés que les erreurs dues à la misère des peuples et à l'inconscience des gouvernants ne sont plus possibles. II n'y a pas, dans l'histoire, une époque qui, plus que la nôtre, ait été capable de piété savante à l'égard du passé, dont nous croyons percer tous les mystères et exalter le génie créateur. Jamais, jusqu'à présent, la société n'a autant affiché la volonté de répandre l'aisance et, avec elle, la vie de l'esprit. Et si les valeurs sont contestées avec autant de virulence, n'est-ce pas parce que notre temps peut enfin maîtriser l'avenir, inventer un homme nouveau, porteur de valeurs nouvelles? L'immense tumulte qui nous environne n'est-il pas l'annonce d'une nouvelle Renaissance ?    On pouvait croire cela jusqu'à une époque toute récente. Il n'est d'ailleurs pas démontré que cette espérance ne soit qu'illusion. Pourtant, quelque chose nous fait sentir que plus rien n'est sûr.    Brusquement tirés du rêve d'une croissance économique indéfinie, nous cherchons à tâtons les vieilles certitudes et ne les trouvons plus. La religion, la connaissance, l'art ont cessé d'être des réponses et sont devenus autant de questions. Nous voyons que le développement matériel ne garantit plus à lui seul l'avenir de l'homme, mais nous ne percevons pas ce qui pourrait être le ressort d'un autre développement plus complet, plus profond.    Nous sommes alors tentés de renoncer et, sacrifiant tout au besoin de l'aisance matérielle qui nous a libérés des frustrations ancestrales, de compromettre définitivement ce qui, en d'autres temps, répondait tant bien que mal au besoin qu'a l'homme de savoir ce qu'il fait sur la terre, d'éprouver la sensation de se mieux connaître en se dépassant, et de vivre la condition humaine dans une solidarité autre que celle de la détresse et de la peur.    Puisque le temps des certitudes spirituelles est révolu, que les idéologies, les convictions et les intérêts nous divisent, et que la croissance économique ne peut plus passer pour une réponse à tous les problèmes, il n'y a qu'un terrain de rencontre possible, c'est la culture.    Ne lui demandons pas de régler tous nos problèmes — elle n'est qu'une manière de les poser —, ni de résoudre nos contradictions — elle n'est qu'une façon de les vivre —. Il serait même vain d'espérer d'elle une réconciliation entre les hommes : elle est l'expression d'aspirations contradictoires et porte en elle tous les germes de ce qui peut nous opposer les uns aux autres. Mais elle est au moins un langage commun pour exprimer nos différences et pour nous en enrichir mutuellement. L'unanimité qui vibre un instant, les soirs de grâce, dans une foule rassemblée par la musique ou le théâtre, n'est peut-être pas le signe d'une fraternité vécue ; mais c'est encore là que des êtres que tout sépare trouvent dans et par leur rassemblement l'occasion d'un commun dépassement. Tant que pourra naître cette ferveur, la culture nous préservera du retour à la barbarie.    Il faut, dira-t-on, bien de la hardiesse pour proposer la culture comme réponse aux interrogations du temps, alors que chacun est confronté à des problèmes beaucoup plus concrets et lancinants et que ce mot de culture, chargé d'ambiguïtés, suscite l'indifférence ou l'hostilité.    Jacques Rigaud, La Culture pour vivre, Gallimard, 1975.    Dans un premier temps, vous ferez de ce texte un résumé ou une analyse.    Dans un second temps, vous choisirez un problème étudié ou abordé dans le texte, auquel il attache un intérêt particulier ; il en précisera les données et exposera en les justifiant ses propres vues sur la question.   

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