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Je n'ai jamais rencontré de semblable

Publié le 20/06/2012

Extrait du document

 

C'est une pièce représentée en 1953, En attendant Godot, qui, par

sa radicale nouveauté, rendit célèbre Samuel Beckett. Pourtant, la

forme théâtrale n'a pas été le premier mode d'expression de

Beckett. A travers des romans, Murphy (1935, publié en anglais

en 1938, en français en 1948), Molloy (1951). Malone meurt

( 1952), L'Innommable ( 1953). qui d'ailleurs ressemblent de moins

en moins à des romans, le lecteur peut suivre, en même temps que

la dégradation du genre romanesque, une interrogation sans cesse

reprise sur le sens, ou plutôt le non-sens, de la destinée humaine.

Murphy refusait déjà les pièges de l'illusion romanesque, mais

comportait encore un héros, et un récit achevé, celui d'une quête.

Dans Molloy, la quête n'est plus qu'une errance; dans Malone

meurt, le personnage qui parle, réduit à l'i=obilité, n'est plus

qu'une voix. Malone se raconte des histoires en attendant la mort

(dont il se demande parfois si elle n'est pas un événement déjà

passé), et lorsque la voix se tait, c'est que la mort est enfin venue;

mais dans L'Innommable, la mort ne vient pas, «ce sont des mots,

il n'y a que ça, il faut continuer«. L'univers théâtral de Beckett

subit Je même rétrécissement que son univers romanesque, et Je

domaine du silence gagne de plus en plus sur celui de la voix.

« JE N'AI JAMAIS RENCONTRÉ DE SEMBLABLE 95 sant.

C'est ça.

gémis.

Je n'ai pas su jouer.

Je tournais, battais des mains, courais, criais.

me voyais perdre, me voyais gagner.

exultant, souffrant.

Puis soudain je me jetais sur les instruments du jeu.

s'il y en avait.

pour les détruire.

ou sur un enfant, pour changer son bonheur en hurlement, ou je fuyais, je courais vite me cacher.

Ils me poursuivaient les grands, les justes, me rattrapaient, me battaient.

me faisaient rentrer dans la ronde, dans la partie, dans la joie.

C'est que j'étais déjà en proie au sérieux.

Ça a été ma grande maladie.

Je suis né grave comme d'autres syphilitiques.

Et c'est gravement que j'ai essayé de ne plus l'être.

de vivre, d'inventer, je me comprends.

Mais à chaque nouvelle tentative je perdais la tête, me précipitais comme vers le salut dans mes ténèbres, me jetais aux genoux de celui qui ne peut ni vivre ni supporter ce spectacle chez les autres.

Vivre.

J'en parle sans savoir ce que ça veut dire.

Je m'y suis essayé sans savoir à quoi je m'essayais.

J'ai peut-être vécu après tout.

sans le savoir.

Je me demande pourquoi je parle de tout ça.

Ah oui.

c'est pour me désennuyer.

Vivre et faire vivre.

Plus la peine de faire le procès aux mots.

Ils ne sont pas plus creux que ce qu'ils charrient.

Après l'échec, la consolation, le repos.

je recommençais.

à vouloir vivre.

faire vivre.

ètre autrui, en moi.

en autrui.

Que tout ça est faux.

Je n'ai jamais rencontré de semblable.

Je pare maintenant au plus pressé.

Je recommençais.

Mais peu à peu dans une autre intention.

Non plus celle de réussir, mais celle d'échouer.

Il y a une nuance.

Ce à quoi je voulais arriver, en me hissant hors de mon trou d'abord.

puis dans la lumière cinglante vers d'inaccessibles nourritures.

c'était aux extases du vertige, du lâchage, de la chute, de l'engouffrement, du retour au noir, au rien, au sérieux, à la maison, à celui qui m'attendait toujours, qui avait besoin de moi et dont moi j'avais besoin.

qui me prenait dans ses bras et me disait de ne plus partir.

qui me cédait la place et veillait sur moi.

qui souffrait chaque fois que je le quittais, que j'ai beaucoup fait souffrir et peu contenté, que je n'ai jamais vu.

Voilà que je commence à m'exalter.

Ce n'est pas de moi qu'il s'agit.

mais d'un autre.

qui ne me vaut pas et que j'essaie d'envier.

dont je suis enfin à même de raconter les plates aventures, je ne sais comment.

Moi non plus je n'ai jamais su me raconter, pas plus que vivre ou raconter les autres.

Comment l'aurais-je fait, n'ayant jamais essayé? Me montrer maintenant.. »

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