Devoir de Philosophie

Jean ITARD (1775-1838) Quels progrès pour « l'enfant sauvage » ?

Publié le 21/10/2016

Extrait du document

Jean ITARD (1775-1838) Quels progrès pour « l'enfant sauvage » ? Un enfant de onze ou douze ans, que l'on avait entrevu quelques années auparavant dans les bois de la Caune, entièrement nu, cherchant des glands et des racines dont il faisait sa nourriture, fut dans les mêmes lieux, et vers la fin de l'an VII, rencontré par trois chasseurs qui s'en saisirent au moment où il grimpait sur un arbre pour se soustraire à leurs poursuites. Conduit dans un hameau du voisinage, et confié à la garde d'une veuve, il s'évada au bout d'une semaine et gagna les montagnes où il erra pendant les froids les plus rigoureux de l'hiver, revêtu plutôt que couvert d'une chemise en lambeaux, se retirant pendant la nuit dans les lieux solitaires, se rapprochant, le jour, des villages voisins, menant ainsi une vie vagabonde, jusqu'au jour où il entra de son propre mouvement dans une maison habitée du canton de Saint-Sernin. Il y fut repris, surveillé et soigné pendant deux ou trois jours ; transféré de là à l'hospice de Saint-Affrique, puis à Rodez, où il fut gardé plusieurs mois. Pendant le séjour qu'il a fait dans ces différents endroits, on l'a vu toujours également farouche, impatient et mobile, chercher continuellement à s'échapper, et fournir matière aux observations les plus intéressantes, recueillies par des témoins dignes de foi, et que je n'oublierai pas de rapporter dans les articles de cet essai, où elles pourront ressortir avec plus d'avantage. Un ministre, protecteur des sciences, crut que celle de l'homme moral pourrait tirer quelques lumières de cet événement. Des ordres furent donnés pour que cet enfant fût amené à Paris. Il y arriva vers la fin de l'an VIII, sous la conduite d'un pauvre et respectable vieillard qui, obligé de s'en séparer peu de temps après, promit de revenir le prendre, et de lui servir de père, si jamais la Société venait à l'abandonner. Les espérances les plus brillantes et les moins raisonnées avaient devancé à Paris, le Sauvage de l'Aveyron. Beaucoup de curieux se faisaient une joie de voir quel serait son étonnement à la vue de toutes les belles choses de la capitale. D'un autre côté, beaucoup de personnes, recommandables d'ailleurs par leurs lumières, oubliant que nos organes sont d'autant moins flexibles et l'imitation d'autant plus difficile, que l'homme est éloigné de la société et de l'époque de son premier âge, crurent que l'éducation de cet individu ne serait l'affaire que de quelques mois, et qu'on l'entendrait bientôt donner sur sa vie passée, les renseignements les plus piquants. Au lieu de tout cela, que vit-on ? Un enfant d'une malpropreté dégoûtante, affecté de mouvements spasmodiques et souvent convulsifs, se balançant sans relâche comme certains animaux de la ménagerie, mordant et égratignant ceux qui le servaient ; enfin, indifférent à tout et ne donnant de l'attention à rien. On conçoit facilement qu'un être de cette nature ne dût exciter qu'une curiosité momentanée. On accourut en foule, on le vit sans l'observer, on le jugea sans le connaître, et l'on n'en parla plus. Au milieu de cette indifférence générale, les administrateurs de l'institution nationale des Sourds-et-Muets et son célèbre directeur n'oublièrent point que la société, en attirant à elle ce jeune infortuné, avait contracté envers lui des obligations indispensables, qu'il leur appartenait de remplir. Partageant alors les espérances que je fondais sur un traitement médical, ils décidèrent que cet enfant serait confié à mes soins. 00020000004C00000DA347,Mémoire sur les premiers développements de Victor de l'Aveyron (1801).

« oubliant que nos organes sont d'autant moins flexibles et l'imitation d'autant plus difficile, que l'homme est ?loign? de la soci?t? et de l'?poque de son premier ?ge, crurent que l'?ducation de cet individu ne serait l'affaire que de quelques mois, et qu'on l'entendrait bient?t donner sur sa vie pass?e, les renseignements les plus piquants.

Au lieu de tout cela, que vit-on ? Un enfant d'une malpropret? d?go?tante, affect? de mouvements spasmodiques et souvent convulsifs, se balan?ant sans rel?che comme certains animaux de la m?nagerie, mordant et ?gratignant ceux qui le servaient?; enfin, indiff?rent ? tout et ne donnant de l'attention ? rien. On con?oit facilement qu'un ?tre de cette nature ne d?t exciter qu'une curiosit? momentan?e.

On accourut en foule, on le vit sans l'observer, on le jugea sans le conna?tre, et l'on n'en parla plus.

Au milieu de cette indiff?rence g?n?rale, les administrateurs de l'institution nationale des Sourds-et-Muets et son c?l?bre directeur n'oubli?rent point que la soci?t?, en attirant ? elle ce jeune infortun?, avait contract? envers lui des obligations indispensables, qu'il leur appartenait de remplir.

Partageant alors les esp?rances que je fondais sur un traitement m?dical, ils d?cid?rent que cet enfant serait confi? ? mes soins. 00020000004C00000DA347,M?moire sur les premiers d?veloppements de Victor de l'Aveyron (1801).. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles