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Julien Gracq, Un beau ténébreux

Publié le 26/04/2011

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Un pâle soleil, un soleil irréel s'est levé sur les crêtes des vagues. Le grand corps de tristesse de la Bretagne sort des brumes, avec ses articulations dures, noueuses, lavées. Quelle côte solitaire! Sommes-nous donc parvenus si loin déjà? Le cri emportant des mouettes, si dépaysant, tombe du haut de leur royaume sauvage, agrandit l'étendue de ses prolongements rauques. Sur quelles perspectives peuvent s'ouvrir ces portiques de brumes, vaguement guirlandés d'oiseaux de mer — cette côte cuirassée?

Quelle étrange matinée, toute lancéolée de rayons pâles, errants, aveugles comme le pinceau d'un phare, qu'on voudrait prendre entre ses doigts. Quel temps de grave mystère, amorti, duveté de bancs d'ouate opaques, avec de longues échappées claires et bâillantes, comme les vitres irrégulières d'une maison de neige. Solitude désolée. L'eau froide et douce, si calme entre les gerçures des rochers, avec ses bestioles minuscules, ingénues. Le sable froid, lavé. Le sel gris et pur, qui récure cette sauvage carapace de toute souillure. On voudrait partir de là pour quelque voyage sans espérance, fouler pour la dernière fois, pour un grand départ, cette terre sans complaisance et sans accueil. Comme ce sol supporte mal la vie, l'expulse. Ici on a pu, on a dû être plus exigeant qu'ailleurs sur les raisons qu'on a d'y rester, s'interroger plus pertinemment sur ses vraies chances. Julien Gracq, Un beau ténébreux (1945). Vous présenterez, de cette page extraite d'un roman de Julien Gracq et décrivant un matin en Bretagne, un commentaire composé. Il vous sera possible, par exemple, d'étudier les procédés de la description, d'en montrer le pouvoir d'évocation et de suggestion.

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